đŸ« Les rĂ©formes de Jules Ferry : piliers de la RĂ©publique

🎯 Pourquoi les rĂ©formes de Jules Ferry sont-elles le socle de notre Ă©cole ?

L’école telle que nous la connaissons aujourd’hui, avec ses principes de gratuitĂ©, d’obligation et de laĂŻcitĂ©, ne s’est pas construite en un jour, mais elle a trouvĂ© sa structure dĂ©finitive grĂące aux rĂ©formes de Jules Ferry au dĂ©but de la IIIe RĂ©publique. Entre 1881 et 1882, ce ministre emblĂ©matique et les rĂ©publicains ont menĂ© une vĂ©ritable bataille politique pour arracher l’éducation Ă  l’emprise de l’Église et forger une nation unie autour des valeurs rĂ©publicaines et patriotes. Comprendre ce moment clĂ©, c’est remonter aux origines mĂȘmes de la citoyennetĂ© française et saisir les enjeux qui traversent encore notre sociĂ©tĂ© actuelle.

đŸ—‚ïž Dans cet article, tu vas dĂ©couvrir :

👉 Poursuivons avec le premier chapitre pour bien comprendre le contexte de ce thùme.

đŸ•°ïž Le contexte historique : une RĂ©publique de combat (1870-1880)

📌 La dĂ©faite de 1870 et la soif de rĂ©gĂ©nĂ©ration

Pour comprendre l’urgence et l’ampleur des rĂ©formes de Jules Ferry, il faut absolument remonter au traumatisme initial de la IIIe RĂ©publique : la dĂ©faite contre la Prusse en 1870. La France a perdu l’Alsace et la Lorraine, et une idĂ©e se rĂ©pand rapidement dans l’opinion publique et chez les intellectuels : si la France a Ă©tĂ© vaincue, c’est parce que le maĂźtre d’école prussien Ă©tait supĂ©rieur au maĂźtre d’école français. L’éducation devient alors une prioritĂ© nationale absolue, non seulement pour redresser le pays Ă©conomiquement, mais surtout pour prĂ©parer la « revanche » et former des soldats-citoyens capables et patriotes.

Dans ce contexte, l’école n’est pas seulement un lieu d’apprentissage, elle devient un outil politique majeur de rĂ©gĂ©nĂ©ration nationale. Les rĂ©publicains, qui arrivent progressivement au pouvoir face aux monarchistes, sont convaincus que la survie du rĂ©gime dĂ©pend de l’instruction. Un peuple instruit est un peuple qui ne se laissera plus sĂ©duire par les sirĂšnes de la tyrannie ou de l’Empire. C’est ici que l’histoire se connecte avec ce que nous avons vu dans l’article sur l’Ă©cole sous l’Ancien RĂ©gime, marquant une rupture dĂ©finitive avec une instruction morcelĂ©e.

LĂ©on Gambetta, figure tutĂ©laire du parti rĂ©publicain, le clame haut et fort : il faut « apprendre Ă  lire et Ă  Ă©crire Ă  ceux qui ne le savent pas ». L’illettrisme recule dĂ©jĂ  tout au long du XIXe siĂšcle, notamment grĂące Ă  la loi Guizot de 1833, mais il reste des poches de rĂ©sistance, surtout dans les campagnes reculĂ©es. L’objectif est d’homogĂ©nĂ©iser le territoire et de faire pĂ©nĂ©trer l’esprit des LumiĂšres dans chaque village, mĂȘme le plus isolĂ©.

📌 L’anticlĂ©ricalisme comme moteur politique

Le second moteur puissant des rĂ©formes de Jules Ferry est l’anticlĂ©ricalisme. Attention, il ne s’agit pas forcĂ©ment de dĂ©truire la religion, mais de briser son influence politique sur la sociĂ©tĂ©. Depuis la loi Falloux de 1850, l’Église catholique a une mainmise considĂ©rable sur l’enseignement primaire et secondaire. Les congrĂ©gations religieuses enseignent Ă  une grande partie de la jeunesse, vĂ©hiculant souvent des idĂ©es conservatrices, monarchistes et hostiles Ă  la RĂ©publique.

Pour Jules Ferry et ses alliĂ©s radicaux ou opportunistes, « le clĂ©ricalisme, voilĂ  l’ennemi », selon la cĂ©lĂšbre formule de Gambetta. Ils considĂšrent que l’enfant appartient Ă  la RĂ©publique avant d’appartenir Ă  l’Église. Il faut donc soustraire la jeunesse Ă  l’influence du curĂ© pour la confier Ă  l’instituteur, fonctionnaire de l’État. C’est une bataille pour l’ñme de la France, une « guerre des esprits » qui va structurer la vie politique française pendant des dĂ©cennies.

Cette volontĂ© de sĂ©cularisation s’inspire de la philosophie positiviste d’Auguste Comte, trĂšs en vogue Ă  l’époque. Les rĂ©publicains croient en la science, au progrĂšs et Ă  la raison. Pour eux, l’école doit enseigner des vĂ©ritĂ©s dĂ©montrables et une morale universelle, dĂ©tachĂ©e des dogmes religieux. C’est cette vision qui va conduire Ă  la fameuse loi de laĂŻcisation de 1882.

📜 Les grandes lois scolaires : la trilogie rĂ©publicaine

📌 1881 : La gratuitĂ©, premiĂšre Ă©tape indispensable

La premiĂšre grande Ă©tape des rĂ©formes de Jules Ferry est franchie avec la loi du 16 juin 1881. Cette loi instaure la gratuitĂ© absolue de l’enseignement primaire dans les Ă©coles publiques. C’est une rĂ©volution sociale : auparavant, les familles devaient payer une rĂ©tribution scolaire Ă  l’instituteur, sauf pour les plus indigents qui en Ă©taient exemptĂ©s, ce qui crĂ©ait une stigmatisation humiliante. En rendant l’école gratuite, la RĂ©publique met tous les enfants sur un pied d’égalitĂ©, du fils de notable Ă  l’enfant d’ouvrier agricole.

La gratuitĂ© est la condition sine qua non de l’obligation qui suivra. Comment, en effet, obliger des parents pauvres Ă  envoyer leurs enfants Ă  l’école s’ils doivent payer pour cela ? L’État prend donc Ă  sa charge le salaire des instituteurs et les frais de fonctionnement, ce qui reprĂ©sente un effort budgĂ©taire colossal pour l’époque. Les communes sont Ă©galement mises Ă  contribution pour la construction et l’entretien des bĂątiments scolaires, les fameuses « mairies-Ă©coles » qui fleurissent partout en France.

Cette mesure de gratuitĂ© concerne aussi les Ă©coles normales (qui forment les maĂźtres), assurant ainsi un recrutement au mĂ©rite et non plus Ă  la fortune. C’est le dĂ©but de l’ascenseur social rĂ©publicain : un enfant douĂ©, mĂȘme pauvre, peut espĂ©rer faire des Ă©tudes grĂące aux bourses et Ă  la gratuitĂ©, bien que le secondaire reste encore payant et Ă©litiste Ă  cette Ă©poque (il faudra attendre les annĂ©es 1930 pour la gratuitĂ© du lycĂ©e).

📌 1882 : L’obligation et la laĂŻcitĂ©, le cƓur du systĂšme

L’annĂ©e suivante, le 28 mars 1882, Jules Ferry fait voter la loi la plus dĂ©cisive. Elle impose deux principes indissociables : l’obligation scolaire et la laĂŻcitĂ© des programmes. L’instruction devient obligatoire pour tous les enfants, garçons et filles, de 6 Ă  13 ans. C’est une avancĂ©e majeure pour la scolarisation des filles, souvent nĂ©gligĂ©es auparavant. Si les parents ne respectent pas cette obligation, ils s’exposent Ă  des sanctions, bien que celles-ci soient rarement appliquĂ©es au dĂ©but.

ParallĂšlement, la loi supprime l’instruction religieuse Ă  l’école publique. Elle est remplacĂ©e par « l’instruction morale et civique ». Le jeudi est laissĂ© libre (en plus du dimanche) pour permettre aux parents qui le souhaitent de faire donner une instruction religieuse Ă  leurs enfants, mais en dehors de l’école. Les emblĂšmes religieux (crucifix) doivent ĂȘtre retirĂ©s des salles de classe, bien que cette mesure soit appliquĂ©e avec souplesse et progressivitĂ© selon les rĂ©gions pour ne pas braquer les populations.

La laĂŻcitĂ© scolaire est nĂ©e. L’instituteur ne doit plus ĂȘtre l’auxiliaire du prĂȘtre. Dans sa cĂ©lĂšbre Lettre aux instituteurs de 1883, Jules Ferry prĂ©cise sa pensĂ©e : l’instituteur ne doit rien dire qui puisse heurter la conscience d’un seul pĂšre de famille. Il s’agit de fonder une morale laĂŻque, basĂ©e sur les devoirs envers la famille, la patrie et l’humanitĂ©, des valeurs que tous les Français peuvent partager, quelle que soit leur confession.

📌 Camille SĂ©e et l’éducation des filles

Bien que l’on parle souvent des « lois Ferry » pour le primaire, il ne faut pas oublier l’action parallĂšle menĂ©e pour l’enseignement secondaire des jeunes filles. En 1880, la loi portĂ©e par le dĂ©putĂ© Camille SĂ©e, soutenu par Ferry, crĂ©e les lycĂ©es de jeunes filles. Jusqu’alors, l’enseignement secondaire fĂ©minin Ă©tait quasi inexistant ou entiĂšrement aux mains des couvents.

L’objectif des rĂ©publicains est clair : il ne faut pas laisser les femmes, futures mĂšres des citoyens et Ă©pouses des Ă©lecteurs, sous l’influence exclusive de l’Église. Il faut leur donner une culture gĂ©nĂ©rale, mĂȘme si les programmes restent diffĂ©rents de ceux des garçons (pas de latin ni de grec, plus de place aux arts domestiques et Ă  la littĂ©rature). On ne prĂ©pare pas encore les filles au baccalaurĂ©at (cela viendra en 1924), mais on veut former des « compagnes rĂ©publicaines » pour les hommes de la bourgeoisie.

Ces lycĂ©es publics de jeunes filles vont former une nouvelle Ă©lite fĂ©minine qui jouera un rĂŽle crucial dans l’évolution de la sociĂ©tĂ© française. C’est une pierre de plus dans l’édifice de la laĂŻcisation de la sociĂ©tĂ© voulu par les rĂ©formes de Jules Ferry. Pour approfondir ces dynamiques sociales, on peut consulter les ressources de Lumni qui proposent des dossiers complets sur l’histoire de l’Ă©ducation.

📚 Le contenu des programmes : forger le citoyen français

📌 Lire, Ă©crire, compter
 et aimer la France

Qu’apprend-on concrĂštement dans cette nouvelle Ă©cole de la RĂ©publique ? Le socle reste les fondamentaux : lire, Ă©crire, compter. La maĂźtrise de la langue française est une obsession. Il s’agit d’unifier le pays linguistiquement. À l’époque, de nombreux enfants arrivent Ă  l’école en ne parlant que leur patois rĂ©gional (breton, occitan, basque, flamand
). L’école de Jules Ferry mĂšne une guerre impitoyable contre ces langues rĂ©gionales, imposant le français comme seule langue de la promotion sociale et de l’unitĂ© nationale.

Mais au-delĂ  des savoirs instrumentaux, l’école a une mission idĂ©ologique. L’histoire et la gĂ©ographie prennent une place prĂ©pondĂ©rante. Sous la houlette d’historiens comme Ernest Lavisse, les manuels scolaires (le fameux « Petit Lavisse ») racontent un « Roman national ». C’est une histoire de France patriotique, centrĂ©e sur les grands hĂ©ros (VercingĂ©torix, Jeanne d’Arc, NapolĂ©on) et la grandeur de la nation. On exalte l’amour de la patrie et la dĂ©testation de l’envahisseur (souvent allemand).

La gĂ©ographie sert Ă  faire connaĂźtre le territoire national, ses fleuves, ses montagnes, ses dĂ©partements (que les Ă©lĂšves doivent apprendre par cƓur), mais aussi l’Empire colonial qui est en pleine expansion. Jules Ferry, fervent colonisateur, utilise l’école pour justifier la mission civilisatrice de la France. Les cartes murales de Vidal de la Blache deviennent des Ă©lĂ©ments incontournables du dĂ©cor de la classe, avec toujours cette tache noire ou violette Ă  l’Est : l’Alsace-Moselle perdue, qu’il ne faut jamais oublier.

📌 L’instruction morale et civique

L’innovation majeure des rĂ©formes de Jules Ferry est l’introduction de l’instruction morale et civique en remplacement du catĂ©chisme. C’est une matiĂšre Ă  part entiĂšre, souvent placĂ©e en dĂ©but de journĂ©e. L’instituteur Ă©crit une maxime au tableau, l’explique, et en tire une leçon de vie. Les thĂšmes sont variĂ©s : le respect des parents, l’honnĂȘtetĂ©, le courage, l’épargne, la tempĂ©rance (lutte contre l’alcoolisme), et bien sĂ»r, le devoir Ă©lectoral et militaire.

Cette morale se veut pratique et consensuelle. Elle reprend en rĂ©alitĂ© une grande partie de la morale chrĂ©tienne traditionnelle, mais en la laĂŻcisant. On ne fait pas le bien pour aller au paradis, mais pour ĂȘtre un homme digne et un bon citoyen estimĂ© de ses pairs. C’est une morale du devoir, trĂšs marquĂ©e par le kantisme et le protestantisme libĂ©ral qui influencent beaucoup l’entourage de Ferry (comme Ferdinand Buisson, directeur de l’Enseignement primaire).

L’éducation civique explique aux enfants le fonctionnement des institutions : le vote, le rĂŽle du PrĂ©sident, des dĂ©putĂ©s, la loi. On prĂ©pare l’enfant Ă  devenir un Ă©lecteur Ă©clairĂ©. Pour les garçons, cela va de pair avec une prĂ©paration militaire : les « bataillons scolaires » (qui existeront quelques annĂ©es) initient les enfants au maniement d’armes en bois et Ă  la marche au pas, symbolisant le lien charnel entre l’école et l’armĂ©e.

đŸ‘šâ€đŸ« Les Hussards noirs de la RĂ©publique

📌 Un corps d’élite dĂ©vouĂ© Ă  l’État

Pour appliquer ces rĂ©formes de Jules Ferry, il faut un personnel qualifiĂ© et loyal. Ce seront les instituteurs et institutrices, que l’écrivain Charles PĂ©guy surnommera plus tard les « Hussards noirs de la RĂ©publique » en rĂ©fĂ©rence Ă  leur uniforme sombre et austĂšre. Ces enseignants sont formĂ©s dans les Écoles Normales (une Ă©cole normale d’instituteurs et une d’institutrices par dĂ©partement, rendues obligatoires par la loi Paul Bert de 1879).

Dans ces « sĂ©minaires laĂŻques », les futurs maĂźtres reçoivent une formation rigoureuse, intellectuelle et morale. Ils sont imprĂ©gnĂ©s de l’idĂ©al rĂ©publicain et de la mission civilisatrice qu’ils devront accomplir dans les campagnes. Ils sont les reprĂ©sentants de l’État, du savoir et du progrĂšs face aux superstitions locales et Ă  l’influence du curĂ©. Leur autoritĂ© morale dans le village devient concurrente de celle du prĂȘtre.

Leur vie est souvent modeste, voire rude. Ils sont mal payĂ©s au dĂ©but, logĂ©s dans l’école (souvent dans des conditions prĂ©caires), et soumis Ă  une surveillance stricte de l’administration et des parents. Pourtant, ils jouissent d’une grande considĂ©ration sociale. Ils sont les secrĂ©taires de mairie, les conseillers des familles pour les dĂ©marches administratives. Ils incarnent la possibilitĂ© de l’ascension sociale par le travail scolaire.

📌 La pĂ©dagogie de la IIIe RĂ©publique

La pĂ©dagogie mise en Ɠuvre par les Hussards noirs est frontale, rigide, mais efficace pour les objectifs visĂ©s. Elle repose sur la rĂ©pĂ©tition, le par cƓur, la dictĂ©e, les problĂšmes d’arithmĂ©tique concrets (calculer des surfaces de champs, des prix de vente de blĂ©). La discipline est stricte. Les chĂątiments corporels sont interdits officiellement (contrairement Ă  l’école d’autrefois), mais les punitions (lignes Ă  copier, bonnet d’ñne, piquet) restent monnaie courante.

Cependant, des pĂ©dagogues comme Ferdinand Buisson tentent d’introduire des mĂ©thodes plus intuitives, basĂ©es sur l’observation (les leçons de choses). On montre des objets, on observe la nature, on manipule. L’objectif est de dĂ©velopper le jugement et la raison, pas seulement la mĂ©moire. Cette tension entre une pĂ©dagogie traditionnelle et des aspirations modernes traverse toute la pĂ©riode.

Le Certificat d’études primaires (CEP) devient le graal de la scolaritĂ©. C’est un examen difficile, qui sanctionne la fin de l’école primaire vers 11-13 ans. L’obtenir est une fiertĂ© pour toute la famille et souvent le sĂ©same pour entrer dans la vie active ou l’administration (postes, chemins de fer). C’est le rituel initiatique de la RĂ©publique mĂ©ritocratique.

⚔ Les rĂ©sistances et la « Guerre des deux France »

📌 L’opposition catholique et conservatrice

Les rĂ©formes de Jules Ferry ne passent pas comme une lettre Ă  la poste. Elles dĂ©clenchent une vĂ©ritable tempĂȘte politique et sociale. La droite monarchiste et l’Église catholique voient dans ces lois une « Ă©cole sans Dieu », une Ɠuvre diabolique destinĂ©e Ă  dĂ©christianiser la France. Des Ă©vĂȘques appellent Ă  la rĂ©sistance. Dans certaines rĂ©gions trĂšs catholiques (VendĂ©e, Bretagne, Massif central), les tensions sont extrĂȘmes.

Le conflit se cristallise autour des manuels scolaires. En 1882-1883, c’est la « guerre des manuels ». L’Église met Ă  l’Index certains livres d’instruction civique jugĂ©s trop rĂ©publicains ou niant la divinitĂ© du Christ. Des prĂȘtres ordonnent aux enfants de brĂ»ler ces livres ou refusent la communion aux parents qui laissent leurs enfants utiliser ces ouvrages. Des instituteurs sont harcelĂ©s, isolĂ©s dans leurs villages.

Il y a aussi une rĂ©sistance financiĂšre. Les catholiques tentent de maintenir leurs Ă©coles privĂ©es (Ă©coles libres) malgrĂ© la perte des subventions publiques et la concurrence de l’école gratuite. C’est le dĂ©but d’un dualisme scolaire (Ă©cole publique / Ă©cole privĂ©e catholique) qui est toujours une spĂ©cificitĂ© du systĂšme Ă©ducatif français aujourd’hui.

📌 La question sociale et les limites de l’école bourgeoise

À gauche aussi, certaines voix sont critiques, mais pour d’autres raisons. Les socialistes reprochent parfois Ă  l’école de Jules Ferry d’ĂȘtre une Ă©cole bourgeoise, qui forme des ouvriers dociles et des soldats obĂ©issants plutĂŽt que des citoyens Ă©mancipĂ©s critiquant le capitalisme. Ils dĂ©noncent le fait que l’enseignement secondaire reste payant, crĂ©ant une barriĂšre infranchissable pour les enfants du peuple, bloquĂ©s au niveau du primaire ou du primaire supĂ©rieur.

De plus, l’obligation scolaire prive les familles paysannes et ouvriĂšres d’une main-d’Ɠuvre prĂ©cieuse. Dans les campagnes, l’assiduitĂ© est trĂšs variable selon les saisons (moissons, vendanges). Il faudra des dĂ©cennies pour que l’obligation scolaire soit rĂ©ellement respectĂ©e partout. L’inspecteur d’acadĂ©mie doit souvent faire la police pour remplir les classes.

MalgrĂ© ces tensions, l’école rĂ©publicaine finit par s’imposer. La prudence de Ferry et de ses successeurs (ne pas brusquer trop fort, laisser le temps au temps) permet l’apaisement progressif. L’école devient peu Ă  peu un terrain neutre, le lieu commun de la nation, mĂȘme si la querelle scolaire se rallumera pĂ©riodiquement au XXe siĂšcle.

đŸ›ïž HĂ©ritage et mutations : un modĂšle toujours actuel ?

📌 De l’intĂ©gration Ă  la fracture ?

Les rĂ©formes de Jules Ferry ont rĂ©ussi leur pari initial : alphabĂ©tiser la France, enraciner la RĂ©publique et unifier la nation. En 1914, lors de la mobilisation gĂ©nĂ©rale, tous les soldats savent lire leurs ordres et partagent un mĂȘme patriotisme, fruit de trente ans d’école rĂ©publicaine. L’école a Ă©tĂ© le puissant creuset de l’intĂ©gration des immigrĂ©s (Polonais, Italiens) dans l’entre-deux-guerres.

Cependant, ce modĂšle a Ă©tĂ© bousculĂ© par l’histoire. Le rĂ©gime de Vichy tentera une rĂ©action conservatrice en remettant Dieu et les valeurs traditionnelles Ă  l’école (voir notre article sur l’éducation sous Vichy), mais la parenthĂšse sera refermĂ©e Ă  la LibĂ©ration. Plus tard, la massification scolaire des annĂ©es 1960-1970 et le collĂšge unique vont transformer la structure Ă©litiste hĂ©ritĂ©e de Ferry.

Aujourd’hui, l’hĂ©ritage de Ferry est questionnĂ©. La laĂŻcitĂ©, pilier de 1882, est confrontĂ©e Ă  de nouveaux dĂ©fis religieux et culturels. L’égalitĂ© des chances, promesse de la mĂ©ritocratie rĂ©publicaine, est mise Ă  mal par la persistance des inĂ©galitĂ©s scolaires sociales et territoriales. Pourtant, les principes de gratuitĂ©, d’obligation (dĂ©sormais dĂšs 3 ans) et de neutralitĂ© restent les boussoles intouchables de notre systĂšme Ă©ducatif.

📌 Le mythe de l’ñge d’or

Il existe aujourd’hui une certaine nostalgie de l’école de Jules Ferry : la blouse, l’encre violette, l’autoritĂ© du maĂźtre, le silence dans les rangs. On idĂ©alise souvent cette pĂ©riode comme un Ăąge d’or de l’instruction. Il faut nuancer : c’était une Ă©cole dure, parfois excluante, qui laissait beaucoup d’élĂšves au bord du chemin (ceux qui n’avaient pas le certificat d’études) et qui diffusait une vision du monde colonialiste et nationaliste parfois agressive.

Pour approfondir la comprĂ©hension des textes originaux de cette Ă©poque, vous pouvez consulter les archives numĂ©risĂ©es de la BibliothĂšque nationale de France (Gallica), oĂč l’on retrouve les discours de Ferry et les manuels de Lavisse. Comparer ces textes avec les rĂ©formes Ă©ducatives rĂ©centes permet de mesurer le chemin parcouru et les dĂ©fis qui restent Ă  relever pour l’école du XXIe siĂšcle.

🧠 À retenir sur les rĂ©formes de Jules Ferry

  • Les deux lois majeures sont celles du 16 juin 1881 (gratuitĂ©) et du 28 mars 1882 (obligation et laĂŻcitĂ©).
  • L’objectif politique Ă©tait d’enraciner la IIIe RĂ©publique et de soustraire la jeunesse Ă  l’influence de l’Église catholique.
  • Les instituteurs, formĂ©s dans les Écoles Normales, sont surnommĂ©s les « Hussards noirs » et sont les piliers de ce systĂšme.
  • L’école diffuse un « Roman national » patriotique et impose le français contre les patois rĂ©gionaux, unifiant ainsi le territoire.

❓ FAQ : Questions frĂ©quentes sur les rĂ©formes de Jules Ferry

đŸ§© Pourquoi appelle-t-on les instituteurs les « Hussards noirs » ?

C’est l’écrivain Charles PĂ©guy qui a inventĂ© cette expression en 1913. Elle fait rĂ©fĂ©rence Ă  leurs uniformes noirs, austĂšres, qui rappelaient ceux des hussards (des cavaliers militaires), symbolisant leur rĂŽle de « soldats » dĂ©vouĂ©s Ă  la cause de la RĂ©publique et de l’instruction.

đŸ§© Est-ce que Jules Ferry a inventĂ© l’école ?

Non, l’école existait bien avant lui (Ă©coles paroissiales, loi Guizot de 1833, loi Falloux de 1850). Jules Ferry a rendu l’enseignement primaire public gratuit, laĂŻque et obligatoire, structurant ainsi le systĂšme rĂ©publicain moderne, mais il ne l’a pas créé de zĂ©ro.

đŸ§© Les filles allaient-elles Ă  l’école avant Jules Ferry ?

Oui, mais moins que les garçons et souvent dans des Ă©coles religieuses oĂč l’on insistait surtout sur la priĂšre et les travaux d’aiguille. La loi de 1882 rend l’instruction obligatoire pour elles aussi, avec le mĂȘme programme de base que les garçons, favorisant leur Ă©mancipation progressive.

đŸ§© Quelle Ă©tait la place de la religion aprĂšs 1882 ?

La religion a Ă©tĂ© exclue des programmes scolaires et des locaux pendant les heures de classe (laĂŻcitĂ©). Cependant, un jour par semaine (le jeudi Ă  l’époque, puis le mercredi) Ă©tait laissĂ© libre pour que les parents puissent faire donner une instruction religieuse Ă  leurs enfants en dehors de l’école publique.

đŸ§© Quiz – MaĂźtrises-tu les rĂ©formes de Jules Ferry ?

1. En quelle annĂ©e l’école devient-elle gratuite ?



2. Quelle loi instaure l’obligation scolaire et la laĂŻcitĂ© ?



3. Quel est l’ñge de l’obligation scolaire instaurĂ© par Jules Ferry ?



4. Qui a surnommé les instituteurs les « Hussards noirs » ?



5. Quelle matiĂšre remplace l’instruction religieuse Ă  l’école ?



6. Quel jour était laissé libre pour le catéchisme ?



7. Comment s’appelle l’historien auteur du cĂ©lĂšbre « Petit manuel » d’histoire ?



8. Quel Ă©tait l’objectif principal de l’enseignement de l’histoire ?



9. Comment appelle-t-on les écoles chargées de former les instituteurs ?



10. Quelle région perdue en 1870 est obsédante dans les programmes scolaires ?



11. Quelle loi de 1880 crée les lycées de jeunes filles ?



12. Quel examen sanctionnait la fin de l’école primaire ?



13. Quelle était la politique vis-à-vis des langues régionales (patois) ?



14. Quel homme politique a dĂ©clarĂ© « Le clĂ©ricalisme, voilĂ  l’ennemi » ?



15. Qu’est-ce que la « guerre des manuels » ?



16. Quel philosophe a inspirĂ© l’idĂ©al positiviste des rĂ©publicains ?



17. Les instituteurs étaient aussi souvent secrétaires de




18. En plus de l’école, quel autre domaine Jules Ferry a-t-il fortement dĂ©veloppĂ© ?



19. Quelle était la devise affichée dans les écoles ?



20. Quelle loi de 1905 est l’aboutissement logique de la laïcisation scolaire ?



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