🗳️ Alternances politiques : histoire et mécanismes sous la Ve République

🎯 Pourquoi les alternances politiques sont-elles le cœur de la démocratie ?

L’histoire de la Ve République ne se résume pas à une longue continuité, mais elle est rythmée par des moments de rupture décisifs que l’on appelle les alternances politiques. Ce mécanisme, qui désigne le passage du pouvoir d’une majorité politique à une autre, généralement de la droite vers la gauche ou inversement, est la preuve vitale du bon fonctionnement démocratique d’un régime. Alors que le général de Gaulle avait bâti un système pour un exécutif fort, la capacité des institutions à absorber ces changements de camp a été le véritable test de leur solidité à partir de 1981. Comprendre ces mouvements de balancier, c’est comprendre comment la France a évolué politiquement sur plus de six décennies.

🗂️ Dans cet article, tu vas découvrir :

👉 Poursuivons avec le premier chapitre pour bien comprendre le contexte de ce thème.

🧭 L’hégémonie de la droite et l’absence d’alternance (1958-1981)

📌 La Ve République : un régime conçu pour la stabilité

Pour saisir la portée des alternances politiques, il faut d’abord comprendre la situation initiale de la Ve République, née de la crise algérienne en 1958. Le général de Gaulle, revenant au pouvoir, souhaite mettre fin à l’instabilité chronique qui caractérisait la IVe République, où les gouvernements tombaient tous les six mois faute de majorité stable. La Constitution de 1958 est donc rédigée pour garantir la prééminence de l’exécutif et assurer la durée, ce qui favorise naturellement le camp du fondateur. Ainsi, pendant plus de vingt ans, la question de l’alternance reste théorique, car le gaullisme s’impose comme la force centrale et incontournable de la vie politique française.

Durant cette période, les institutions sont façonnées par la pratique du pouvoir d’un seul camp, ce qui amène certains opposants, comme François Mitterrand, à parler de « coup d’État permanent ». Le mode de scrutin majoritaire à deux tours pour les élections législatives amplifie les victoires du parti gaulliste (l’UNR, puis l’UDR), créant ce qu’on appelle le « fait majoritaire ». En conséquence, l’opposition de gauche, bien que présente, peine à s’unir et à proposer une alternative crédible de gouvernement capable de renverser cette domination structurelle. L’idée même que la gauche puisse gouverner semble alors, pour une partie de l’opinion conservatrice, une menace pour la stabilité de l’État.

Cette longue période sans changement de camp consolide l’administration et les grands corps de l’État autour des valeurs de la droite gaulliste et libérale. Les réformes économiques, la politique étrangère d’indépendance nationale et la modernisation industrielle sont portées par une continuité politique exceptionnelle en Europe. Pourtant, cette absence d’alternances politiques commence à créer une usure du pouvoir et un désir de renouveau au sein de la société française, notamment après les événements de mai 1968. La démission du général de Gaulle en 1969 ne provoque pas d’alternance immédiate, mais elle ouvre une brèche dans la légitimité absolue du gaullisme historique.

📌 De Pompidou à Giscard : la continuité sans rupture

L’élection de Georges Pompidou en 1969 s’inscrit dans une logique de continuité directe, perpétuant la mainmise de la famille gaulliste sur l’Élysée et Matignon. Cependant, le décès prématuré de Pompidou en 1974 entraîne une élection présidentielle anticipée qui va redéfinir les équilibres à droite, sans pour autant permettre à la gauche de l’emporter. C’est Valéry Giscard d’Estaing, issu de la famille libérale et centriste (Républicains Indépendants), qui l’emporte de justesse face à François Mitterrand, marquant une évolution interne à la majorité mais pas une véritable alternance idéologique radicale. Cette victoire, bien que serrée, prolonge de sept ans le bail de la droite au pouvoir.

Sous la présidence de Giscard, la société française change profondément avec des réformes sociétales majeures comme la majorité à 18 ans ou la loi Veil sur l’IVG. Néanmoins, sur le plan économique et institutionnel, la logique reste celle du bloc de droite face à une opposition de gauche qui se restructure. La création du Parti Socialiste (PS) au congrès d’Épinay en 1971 et la signature du Programme commun avec le Parti Communiste Français (PCF) en 1972 posent les bases d’une future victoire. Pour la première fois, l’alternance devient une possibilité mathématique et politique crédible, effrayant une partie de l’électorat conservateur.

La fin du septennat de Giscard est marquée par la crise économique mondiale, les chocs pétroliers et une usure du pouvoir après 23 ans de domination ininterrompue de la droite. Les divisions internes entre les chiraquiens (RPR) et les giscardiens (UDF) affaiblissent considérablement le camp présidentiel à l’approche de 1981. C’est dans ce contexte de fracture au sein de la majorité sortante que le thème des alternances politiques devient central dans le débat public. Les Français, lassés par ce qu’ils perçoivent comme un monopole du pouvoir, sont prêts à tenter l’expérience de l’autre rive, malgré les mises en garde sur le « chaos » économique supposé.

🌹 1981 : Le séisme de la première alternance

📌 La victoire de François Mitterrand : un changement d’époque

Le 10 mai 1981 reste sans doute la date la plus marquante de l’histoire politique de la Ve République, symbolisant la première véritable alternance. L’élection de François Mitterrand à la présidence de la République met fin à 23 années de gouvernement de droite et ouvre une ère nouvelle. Des scènes de liesse populaire éclatent à la Bastille, tandis qu’une partie de la France conservatrice craint l’arrivée des « chars soviétiques » à Paris, illustrant la violence symbolique de ce basculement. Ce moment prouve que la Constitution de 1958, taillée sur mesure pour De Gaulle, est suffisamment souple pour permettre à un opposant farouche d’exercer le pouvoir suprême.

Dès son arrivée à l’Élysée, François Mitterrand décide de dissoudre l’Assemblée nationale pour obtenir une majorité conforme à ses vues, une manœuvre audacieuse mais nécessaire. Les élections législatives de juin 1981 provoquent une « vague rose » sans précédent, donnant au Parti Socialiste la majorité absolue des sièges à l’Assemblée. Cette double victoire (présidentielle et législative) confirme la solidité du « fait majoritaire » : les institutions fonctionnent aussi bien pour la gauche que pour la droite. C’est le triomphe de la logique présidentielle, où l’élection du chef de l’État détermine la couleur de l’Assemblée, assurant ainsi une gouvernance stable.

Cette première des alternances politiques se traduit par des réformes structurelles massives qui changent le visage de la France. L’abolition de la peine de mort, la décentralisation, la nationalisation de grandes banques et industries, ou encore la cinquième semaine de congés payés sont mises en œuvre rapidement. Le gouvernement de Pierre Mauroy intègre même des ministres communistes, brisant un tabou de la guerre froide et ancrant définitivement la gauche dans la culture de gouvernement. Cette période démontre que l’alternance n’est pas seulement un changement de personnel politique, mais une véritable opportunité de transformation sociale.

📌 L’apprentissage de la rigueur et la fin des illusions

Cependant, l’euphorie de 1981 se heurte rapidement à la réalité économique internationale et aux contraintes de la construction européenne. Dès 1983, face à l’inflation et au déficit commercial, François Mitterrand doit opérer le « tournant de la rigueur », marquant la fin des grandes réformes sociales expansives. Ce moment est crucial pour l’histoire des alternances, car il montre qu’un changement de majorité ne permet pas de s’affranchir totalement des réalités économiques globales. La gauche de gouvernement apprend à gérer l’économie de marché, ce qui déçoit une partie de son électorat populaire mais rassure les milieux économiques.

Cette désillusion relative de l’électorat de gauche conduit à une usure rapide du pouvoir socialiste, phénomène classique dans les démocraties occidentales. Les élections municipales de 1983 et européennes de 1984 sont des échecs pour la majorité présidentielle, annonçant un retour de balancier. Le système politique français entre alors dans une phase de normalisation : l’alternance devient un risque (ou une chance) à chaque élection majeure. La droite, menée par Jacques Chirac, se réorganise et adopte une posture libérale offensive pour reconquérir le pouvoir perdu.

En somme, l’expérience de 1981-1986 a désacralisé l’alternance : elle n’est plus vue comme une révolution ou un danger mortel pour les institutions, mais comme une respiration démocratique normale. Le mythe du « grand soir » s’estompe au profit d’une gestion plus pragmatique, préparant les esprits à une situation inédite qui va survenir en 1986 : la cohabitation. Pour aller plus loin sur le rôle crucial du président, vous pouvez consulter l’article sur De Gaulle et l’exécutif fort, qui explique l’origine de ces pouvoirs que Mitterrand a su utiliser à son profit.

⚙️ L’ère des cohabitations : une alternance imparfaite

📌 1986-1988 : La première cohabitation Mitterrand-Chirac

Les élections législatives de 1986 marquent un tournant institutionnel majeur : pour la première fois sous la Ve République, la majorité parlementaire n’est pas du même bord que le Président. La droite RPR-UDF remporte le scrutin, obligeant François Mitterrand à nommer son principal opposant, Jacques Chirac, au poste de Premier ministre. C’est la naissance de la « cohabitation », une forme d’alternance législative sans alternance présidentielle. Cette situation, que beaucoup jugeaient impossible ou synonyme de crise de régime, va finalement s’installer comme une pratique institutionnelle viable, bien que conflictuelle.

Durant ces deux années (1986-1988), le pouvoir exécutif devient bicéphale, avec une répartition des rôles complexe mais codifiée par la pratique. Le Premier ministre Jacques Chirac gouverne sur la politique intérieure (privatisations, suppression de l’impôt sur les grandes fortunes, sécurité), tandis que le Président conserve son « domaine réservé » (défense et politique étrangère). Cette période montre la flexibilité de la Constitution : le régime présidentiel se mue temporairement en régime parlementaire. Mitterrand adopte une posture arbitrale, critiquant l’action du gouvernement sans pouvoir la bloquer, se posant en « père de la nation » face à un Premier ministre gestionnaire.

Cette première expérience de cohabitation se termine par la victoire de François Mitterrand à la présidentielle de 1988, prouvant paradoxalement que la cohabitation peut servir le Président sortant. En laissant son Premier ministre s’user à la tâche et porter la responsabilité des réformes impopulaires, le Président préserve sa popularité. Cela introduit une nouvelle stratégie dans le jeu des alternances politiques : la capacité de résistance et de rebond. La réélection de Mitterrand entraîne une nouvelle dissolution et un retour à une majorité de gauche, rétablissant la concordance des majorités pour cinq ans.

📌 1993 et 1997 : La banalisation du phénomène

La deuxième cohabitation (1993-1995) survient après la déroute historique de la gauche aux législatives de 1993, sanctionnée pour l’usure du pouvoir et les scandales politico-financiers. Édouard Balladur devient Premier ministre d’un François Mitterrand en fin de règne et malade. Cette cohabitation est qualifiée de « cohabitation de velours » tant les relations sont courtoises, contrairement à la tension de 1986. Elle prépare l’élection présidentielle de 1995, qui verra enfin la victoire de Jacques Chirac, réalisant ainsi la deuxième grande alternance présidentielle après 14 ans de présidence socialiste.

L’événement le plus surprenant survient en 1997, lorsque Jacques Chirac, pourtant élu confortablement deux ans plus tôt, décide de dissoudre l’Assemblée nationale par calcul tactique. Ce pari se retourne contre lui : la « Gauche Plurielle » menée par Lionel Jospin remporte les élections. C’est la troisième cohabitation (1997-2002), et la plus longue de l’histoire (5 ans). Durant ce quinquennat de fait, c’est Lionel Jospin qui gouverne réellement la France (35 heures, CMU, PACS), réduisant Jacques Chirac à un rôle de représentation et de critique. Cette période démontre que la dissolution ratée est un accélérateur d’alternance imprévu.

Ces expériences répétées de cohabitation ont profondément modifié la perception du rôle présidentiel et la pratique démocratique. Elles ont prouvé que les électeurs pouvaient utiliser les élections législatives intermédiaires pour sanctionner l’exécutif, créant des cycles politiques plus courts et plus instables. Pour comprendre les racines de ces blocages et tensions, il est utile de se pencher sur les crises politiques en France, qui éclairent souvent les raisons de ces votes sanctions.

⚔️ La valse des majorités : de 2002 à 2012

📌 Le choc de 2002 et le retour du fait majoritaire

L’élection présidentielle de 2002 constitue un traumatisme démocratique qui va redéfinir les règles de l’alternance. Le 21 avril 2002, Lionel Jospin est éliminé dès le premier tour, devancé par Jean-Marie Le Pen (Front National). Ce séisme politique révèle la fragmentation de la gauche et la montée des extrêmes, perturbant le duel classique droite-gauche. Jacques Chirac est réélu massivement au second tour (82%) grâce au « front républicain », mais cet événement sonne le glas des cohabitations. La réforme du quinquennat (mandat présidentiel de 5 ans) et l’inversion du calendrier électoral (législatives juste après la présidentielle) visent désormais à empêcher toute discordance des majorités.

Dès lors, une nouvelle logique s’installe : le Président élu obtient quasi-automatiquement une majorité parlementaire dans la foulée, renforçant l’hyper-présidentialisation du régime. L’UMP (Union pour un Mouvement Populaire) est créée pour unifier la droite et soutenir l’action de Jacques Chirac, puis de Nicolas Sarkozy à partir de 2007. L’élection de Sarkozy marque une alternance interne à la droite (rupture de style) mais une continuité de majorité. La droite conserve ainsi le pouvoir pendant 17 ans (1995-2012), une longévité qui rappelle les débuts de la Ve République, mais dans un contexte beaucoup plus turbulent.

L’hyper-présidence de Nicolas Sarkozy (2007-2012) incarne cette volonté d’un exécutif omniprésent, reléguant le Premier ministre François Fillon au rang de « collaborateur ». Cependant, la crise financière de 2008 et l’usure rapide de l’image présidentielle préparent le terrain pour un nouveau basculement. Le système institutionnel verrouillé par le quinquennat rend l’alternance impossible en cours de mandat (plus de cohabitation possible sans dissolution), concentrant toute l’attente et toute la tension sur l’élection présidentielle suivante.

📌 2012 : La normalisation de l’alternance gauche-droite

L’élection de François Hollande en 2012 marque le retour de la gauche au pouvoir après trois défaites présidentielles consécutives. C’est une alternance « classique » et attendue, qui respecte la bipolarisation traditionnelle de la vie politique française. Le Parti Socialiste remporte non seulement l’Élysée, mais aussi l’Assemblée nationale, le Sénat (pour la première fois en 2011), et la plupart des régions. Cette domination totale de la gauche, inédite sous la Ve République, semble promettre une grande stabilité pour mettre en œuvre le programme du « changement, c’est maintenant ».

Pourtant, ce mandat est marqué par des difficultés considérables (frondeurs au sein du PS, attentats de 2015, inversion de la courbe du chômage difficile à obtenir). L’alternance de 2012 révèle la fragilité des majorités même lorsqu’elles sont absolues sur le papier. L’opinion publique, devenue plus volatile et exigeante, se retourne rapidement contre le pouvoir en place. Le renoncement de François Hollande à se représenter en 2017 est un fait unique qui souligne l’épuisement du système bipartite traditionnel. Le PS et Les Républicains (LR), les deux piliers de l’alternance depuis 1981, sortent de ce quinquennat considérablement affaiblis.

Pour approfondir ce mécanisme de réformes et de contre-réformes qui accompagne chaque changement de majorité, vous pouvez lire notre dossier sur les réformes institutionnelles de la Ve République. Il montre comment chaque camp tente de laisser sa marque sur l’État, modifiant par touches successives l’équilibre des pouvoirs.

🌍 2017 : La fin de l’alternance classique ?

📌 L’émergence du macronisme : le dépassement du clivage

L’élection présidentielle de 2017 constitue une rupture fondamentale dans l’histoire des alternances politiques en France. Pour la première fois, ni le candidat du Parti Socialiste, ni celui des Républicains ne se qualifient pour le second tour. La victoire d’Emmanuel Macron, à la tête d’un mouvement central nouvellement créé (« En Marche ! »), dynamite le clivage gauche-droite qui structurait la vie politique depuis plus d’un demi-siècle. Ce n’est plus une alternance d’un bloc contre un autre, mais une recomposition totale du paysage politique autour d’un centre radical.

Le succès d’Emmanuel Macron repose sur sa capacité à attirer des électeurs et des cadres des deux bords, vidant de leur substance les partis traditionnels. Les élections législatives qui suivent confirment cette tendance avec une majorité absolue pour des députés souvent novices en politique. Ce phénomène de « dégagisme » montre que les Français ne cherchaient plus seulement une alternance politique (changer de parti), mais un renouvellement profond du personnel et des pratiques. Le système bipolaire, qui garantissait une alternance claire (comme au Royaume-Uni ou aux USA), est remplacé par une tripartition : un bloc central, un bloc d’extrême droite et un bloc de gauche radicale.

Cette nouvelle configuration rend l’alternance beaucoup plus incertaine et complexe. Le front républicain, qui permettait de bloquer l’extrême droite, s’effrite élection après élection. La réélection d’Emmanuel Macron en 2022 face à Marine Le Pen confirme cette installation durable d’un duel entre le centre et l’extrême droite, reléguant les partis de gouvernement historiques (PS et LR) à des rôles de second plan. L’alternance ne se joue plus entre deux partis de gouvernement aptes à cohabiter, mais entre deux visions du monde radicalement opposées.

📌 2022-2024 : Le retour de l’instabilité parlementaire

Les élections législatives de 2022 marquent un nouveau tournant avec la perte de la majorité absolue pour le camp présidentiel. Pour la première fois sous le quinquennat, le Président est réélu mais se retrouve avec une majorité relative à l’Assemblée. Cela oblige le gouvernement à chercher des alliances texte par texte, réintroduisant une dose de parlementarisme et d’instabilité que le régime pensait avoir éradiquée. L’usage répété de l’article 49.3 pour faire passer les lois (comme la réforme des retraites) devient le symbole de cette difficulté à gouverner sans majorité claire.

Cette situation de blocage relatif et la montée continue du Rassemblement National (RN) posent la question de la prochaine alternance. Si le RN venait à l’emporter, il s’agirait d’une alternance systémique inédite, remettant potentiellement en cause certains fondamentaux européens ou constitutionnels, contrairement aux alternances de 1981 ou 1995 qui s’inscrivaient dans le cadre républicain classique. L’incertitude politique actuelle rappelle, toutes proportions gardées, les difficultés de fin de régime, où les mécanismes traditionnels de régulation ne fonctionnent plus de manière fluide.

Pour comprendre le rôle des citoyens dans ces moments de tension, il est intéressant de regarder l’usage des référendums sous la Ve République. Souvent utilisés par De Gaulle pour valider sa politique, ils sont devenus rares, privant le système d’une soupape de sécurité importante en cas de blocage institutionnel.

⚖️ L’impact des alternances sur les institutions

📌 La Constitution à l’épreuve de la pratique

Après plus de soixante ans de pratique, on peut affirmer que les alternances politiques ont validé la robustesse de la Constitution de 1958. Contrairement aux craintes initiales, le texte a permis de gouverner à droite, à gauche, au centre, et même en situation de cohabitation. Cette plasticité est unique dans l’histoire constitutionnelle française. Le Conseil Constitutionnel a joué un rôle régulateur essentiel, veillant à ce que chaque nouvelle majorité respecte les principes fondamentaux du droit, évitant ainsi les dérives revanchardes qu’on pouvait craindre lors des changements de camp.

Cependant, la succession des alternances a aussi modifié l’équilibre des pouvoirs. La présidence de la République est sortie renforcée des périodes de concordance des majorités (où le Président décide de tout), mais affaiblie lors des cohabitations (où il perd l’initiative législative). Le quinquennat a tenté de résoudre cette contradiction en alignant les mandats, mais il a eu pour effet pervers de transformer le Président en « super-Premier ministre », directement exposé à l’usure et aux critiques quotidiennes, rendant sa réélection plus difficile (Sarkozy et Hollande en ont fait les frais).

L’administration française a également dû s’adapter. Le « spoils system » (remplacement systématique des hauts fonctionnaires) à l’américaine n’existe pas officiellement en France, mais chaque alternance s’accompagne d’un vaste mouvement de nominations à la tête des préfectures, des directions ministérielles et des entreprises publiques. Cette politisation de la haute administration est une conséquence directe de la bipolarisation, chaque camp voulant s’assurer de la loyauté de l’appareil d’État pour mettre en œuvre son programme rapidement.

📌 Vers une VIe République ?

Face aux blocages actuels et à la crise de la représentation, la question d’un changement de régime revient régulièrement dans le débat. Les partisans d’une VIe République estiment que la Ve, conçue pour un paysage bipolaire et un homme providentiel, n’est plus adaptée à la fragmentation politique actuelle (trois blocs, abstention massive). Ils plaident pour un régime plus parlementaire, avec une dose de proportionnelle pour mieux représenter la diversité des opinions et obliger à la culture du compromis, comme cela se pratique en Allemagne ou dans les pays scandinaves.

Néanmoins, l’attachement des Français à l’élection présidentielle au suffrage universel direct reste très fort. C’est le moment clé de la rencontre entre un homme (ou une femme) et le peuple. Toute réforme qui toucherait à ce pilier risquerait d’être rejetée. L’avenir des alternances en France dépendra donc probablement d’ajustements à la marge de la Ve République plutôt que d’une révolution institutionnelle totale. La capacité du système à intégrer les nouvelles forces politiques (écologistes, populistes) sans se bloquer sera le défi majeur des prochaines décennies.

Pour une vision globale des enjeux légaux, vous pouvez consulter le site Vie-publique.fr, qui offre des fiches pédagogiques très claires sur le fonctionnement des institutions et les rôles respectifs du Président et du gouvernement.

🧠 À retenir sur les alternances politiques

  • La Ve République a connu une longue hégémonie de la droite de 1958 à 1981, consolidant les institutions gaullistes.
  • L’élection de François Mitterrand le 10 mai 1981 prouve que le régime supporte l’alternance et la gauche au pouvoir.
  • Les cohabitations (1986, 1993, 1997) ont créé une nouvelle pratique où le Président et le Premier ministre sont de bords opposés.
  • Le passage au quinquennat en 2000 visait à aligner les majorités présidentielle et législative pour éviter les cohabitations.
  • Depuis 2017 et l’élection d’Emmanuel Macron, le clivage gauche-droite traditionnel a éclaté, rendant les futures alternances plus incertaines.

❓ FAQ : Questions fréquentes sur l’alternance

🧩 Qu’est-ce qu’une cohabitation exactement ?

C’est une situation politique où le Président de la République et la majorité des députés à l’Assemblée nationale appartiennent à des camps politiques opposés. Le Président est alors contraint de nommer un Premier ministre issu de cette majorité hostile, ce qui limite considérablement ses pouvoirs en politique intérieure.

🧩 Pourquoi n’y a-t-il pas eu d’alternance avant 1981 ?

Plusieurs raisons expliquent cela : la popularité du général de Gaulle, la division de la gauche (socialistes et communistes), le mode de scrutin majoritaire qui favorisait les alliances à droite, et la peur d’une instabilité économique en cas de victoire de la gauche liée au PCF.

🧩 Le Président peut-il dissoudre l’Assemblée quand il veut ?

Oui, l’article 12 de la Constitution permet au Président de dissoudre l’Assemblée nationale pour tenter d’obtenir une nouvelle majorité. Cependant, il ne peut pas le faire plus d’une fois par an. C’est une arme à double tranchant, comme l’a prouvé l’échec de Jacques Chirac en 1997.

🧩 Quiz – Les alternances sous la Ve République

1. En quelle année a eu lieu la première alternance présidentielle de la Ve République ?



2. Qui a été le premier Président socialiste de la Ve République ?



3. Combien de temps a duré la période sans alternance au début de la Ve République ?



4. Comment appelle-t-on la situation où le Président et le Premier ministre sont de bords opposés ?



5. Qui était Premier ministre lors de la première cohabitation (1986-1988) ?



6. Quelle réforme a réduit le mandat présidentiel à 5 ans ?



7. Quel événement a provoqué la cohabitation de 1997 ?



8. Quel candidat a été éliminé au premier tour de la présidentielle de 2002, à la surprise générale ?



9. Qui a remporté l’élection présidentielle de 2012 ?



10. Quelle est la particularité de l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 ?



11. Quelle majorité a obtenue Emmanuel Macron à l’Assemblée en 2022 ?



12. Quel article de la Constitution permet au gouvernement de faire passer une loi sans vote ?



13. Quel Président a connu le plus grand nombre de cohabitations ?



14. Quelle couleur politique est associée à la victoire de 1981 ?



15. Lequel de ces Présidents n’a fait qu’un seul mandat complet ?



16. Quel terme désigne le fait que le parti du Président remporte aussi les législatives ?



17. Quelle institution veille à la régularité des élections ?



18. En quelle année le mandat présidentiel est-il passé de 7 à 5 ans ?



19. Quel parti a dominé la vie politique de 1958 à 1974 ?



20. Quelle est la durée actuelle d’un mandat présidentiel en France ?



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