🏛️ Réformes institutionnelles de la Ve République : comment la Constitution évolue-t-elle ?

🎯 Pourquoi les réformes institutionnelles de la Ve République sont-elles cruciales ?

La Constitution du 4 octobre 1958, rédigée sous l’impulsion du général de Gaulle et de Michel Debré, détient un record de longévité impressionnant, n’étant dépassée que par la IIIe République. Pourtant, le texte que nous utilisons aujourd’hui est très différent de sa version originale, car les réformes institutionnelles de la Ve République ont profondément modifié son fonctionnement au fil des décennies. Comprendre ces évolutions, c’est comprendre comment la France est passée d’un régime parlementaire rationalisé à une démocratie moderne intégrée à l’Union européenne, tout en gérant les crises et les cohabitations. Dans cet article, nous allons décrypter ensemble ces métamorphoses qui façonnent ta vie citoyenne, de l’élection du président au suffrage universel jusqu’à la création de la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC).

🗂️ Dans cet article, tu vas découvrir :

👉 Poursuivons avec le premier chapitre pour bien comprendre le moment fondateur de la présidentialisation du régime.

🗳️ 1962 : La mère des réformes institutionnelles et le sacre présidentiel

📌 Le contexte : une légitimité à renforcer

Pour bien saisir la portée des réformes institutionnelles de la Ve République, il faut revenir aux origines du texte de 1958. À sa naissance, le Président de la République n’est pas élu directement par les Français, mais par un collège électoral de plus de 80 000 grands électeurs (députés, sénateurs, maires, conseillers généraux). C’est un système qui rappelle celui de la IIIe et de la IVe République, bien que les pouvoirs du chef de l’État soient déjà considérablement renforcés. Cependant, pour le général de Gaulle, cette élection indirecte est une faiblesse : elle ne donne pas au Président l’onction populaire nécessaire pour incarner pleinement la nation et tenir tête aux partis politiques. Le contexte de 1962 est explosif. La guerre d’Algérie vient de se terminer avec les accords d’Évian, mais la violence persiste. Le 22 août 1962, le général de Gaulle échappe de peu à la mort lors de l’attentat du Petit-Clamart. Cet événement dramatique sert de catalyseur. De Gaulle réalise que s’il venait à disparaître, son successeur, élu par des notables, n’aurait jamais l’autorité suffisante pour maintenir les institutions face aux « jeux des partis ». Il décide donc de proposer l’élection du Président au suffrage universel direct. Cette décision provoque un tollé politique immense. La plupart des partis, de la gauche au centre, et même une partie de la droite, crient au coup d’État permanent et à la dérive bonapartiste. Ils craignent l’avènement d’un pouvoir personnel sans contre-pouvoir. Le Président de l’Assemblée nationale, Jacques Chaban-Delmas, est gêné, et le Président du Sénat, Gaston Monnerville, accuse le gouvernement de violation de la Constitution. Pourquoi ? Parce que de Gaulle choisit d’utiliser l’article 11 (référendum direct) plutôt que l’article 89 (qui nécessite l’accord du Parlement), sachant que les chambres voteraient contre.

📌 La crise politique et la victoire du « Oui »

L’affrontement institutionnel est total à l’automne 1962. Pour la seule et unique fois sous la Ve République, l’Assemblée nationale renverse le gouvernement en votant une motion de censure le 5 octobre 1962. Le gouvernement de Georges Pompidou est contraint à la démission. La réponse de Charles de Gaulle est foudroyante : il dissout l’Assemblée nationale et maintient son référendum. C’est un quitte ou double politique majeur. Si le « Non » l’emporte, de Gaulle a promis de démissionner. Le référendum a lieu le 28 octobre 1962. Malgré la consigne de vote négative de presque tous les partis politiques, le « Oui » l’emporte avec 62,25 % des suffrages exprimés. Les Français valident directement la modification de la Constitution. Cette réforme est fondamentale car elle change la nature même du régime. Nous ne sommes plus dans un régime parlementaire classique, ni dans un régime présidentiel à l’américaine, mais dans un régime « semi-présidentiel » ou, selon les juristes, un régime parlementaire à correctif présidentiel. Le chef de l’État devient la clé de voûte explicite des institutions, tirant sa légitimité directement du peuple. Pour approfondir ce mécanisme de vote direct et ses conséquences sur la vie politique, tu peux consulter notre article sur les référendums sous la Ve République, qui détaille comment cet outil a été utilisé par les différents présidents.

📌 Les conséquences durables sur le jeu politique

L’introduction de l’élection au suffrage universel direct a structuré toute la vie politique française jusqu’à aujourd’hui. Elle a favorisé la bipolarisation de la vie politique. Pour gagner l’élection présidentielle (qui se joue à deux tours), il faut rassembler 50 % des voix + 1. Cela oblige les partis à former des coalitions : une grande coalition de droite et une grande coalition de gauche. Les petits partis sont contraints de s’allier s’ils veulent peser ou espérer gouverner. De plus, cette réforme a renforcé l’autorité du Président sur son Premier ministre. Puisque le Président est l’élu de la nation tout entière, le Premier ministre, qui n’est que nommé, apparaît de plus en plus comme un « collaborateur » ou un « fusible », sauf en période de cohabitation. C’est ce qu’on appelle la présidentialisation du régime. Cette dynamique sera accentuée par d’autres réformes, notamment le quinquennat, mais tout part de 1962. Sans cette réforme, la Ve République n’aurait sans doute pas survécu au départ de son fondateur.

⚖️ La modernisation libérale : saisine du Conseil constitutionnel et majorité à 18 ans

📌 1974 : La révolution juridique de Valéry Giscard d’Estaing

Après la mort de Georges Pompidou en 1974, l’arrivée au pouvoir de Valéry Giscard d’Estaing marque une nouvelle étape dans les réformes institutionnelles de la Ve République. Giscard souhaite moderniser la société française et « décrisper » la vie politique. Bien que moins spectaculaire médiatiquement que le suffrage universel, la révision constitutionnelle du 29 octobre 1974 est une véritable révolution juridique qui a transformé l’État de droit en France. Avant 1974, qui pouvait saisir le Conseil constitutionnel pour vérifier si une loi était conforme à la Constitution ? Seulement quatre personnes : le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat. En pratique, comme ces quatre personnages appartenaient souvent à la même majorité politique, le Conseil constitutionnel était très peu sollicité. Il restait un « chien de garde » de l’exécutif, veillant surtout à ce que le Parlement n’empiète pas sur les domaines du gouvernement. La réforme de 1974 ouvre la saisine à 60 députés ou 60 sénateurs. Cela change tout ! Désormais, l’opposition politique peut saisir le Conseil constitutionnel chaque fois qu’elle estime qu’une loi votée par la majorité viole les droits fondamentaux ou la Constitution. Le Conseil constitutionnel devient alors une véritable cour suprême, protectrice des libertés publiques, et non plus seulement un régulateur des pouvoirs publics. C’est la naissance du contrôle de constitutionnalité moderne en France.

📌 L’élargissement du corps électoral

Parallèlement à cette réforme technique mais cruciale, Valéry Giscard d’Estaing abaisse la majorité civile et électorale de 21 ans à 18 ans par la loi du 5 juillet 1974. Bien que ce ne soit pas une révision constitutionnelle au sens strict (c’est une loi ordinaire qui modifie le Code électoral et le Code civil), c’est une réforme institutionnelle majeure par son impact. Elle intègre la jeunesse, notamment la génération du baby-boom qui a manifesté en mai 1968, dans le jeu démocratique. Cette mesure vise à rajeunir le corps électoral et à prendre acte de la maturité plus précoce des jeunes citoyens. En termes politiques, cela ajoute environ 2,4 millions d’électeurs sur les listes. C’est un pari risqué pour la droite conservatrice, car la jeunesse vote alors majoritairement à gauche, mais cela s’inscrit dans la vision libérale avancée par Giscard. Tu peux voir ici le lien avec les mouvements de société : les institutions s’adaptent aux évolutions sociologiques. Pour comprendre l’impact de ces changements sur les cycles électoraux, je t’invite à lire l’article sur les alternances politiques en France, qui montre comment l’opposition a fini par accéder au pouvoir en 1981, aidée par ces nouveaux outils démocratiques.

📌 L’échec du quinquennat sous Pompidou

Il est intéressant de noter que les tentatives de réformes ne réussissent pas toujours. Georges Pompidou, le prédécesseur de Giscard, avait tenté d’instaurer le quinquennat (mandat présidentiel de 5 ans au lieu de 7) dès 1973. Le projet a été voté par l’Assemblée nationale et le Sénat séparément, mais Pompidou a renoncé à convoquer le Congrès (la réunion des deux chambres à Versailles) pour le vote final. Pourquoi ? Parce qu’il craignait de ne pas obtenir la majorité requise des trois cinquièmes, faute de soutien suffisant de sa propre majorité et de l’opposition. Cet épisode montre que modifier la Constitution est un exercice périlleux. Il faut un consensus politique fort ou un soutien populaire massif via référendum. L’idée du quinquennat sera enterrée pendant près de 30 ans avant de ressurgir, prouvant que certaines réformes institutionnelles de la Ve République nécessitent une maturation lente des esprits avant de s’imposer comme des évidences.

🇪🇺 Europe et Décentralisation : L’ouverture des horizons constitutionnels

📌 Adapter la Constitution à la construction européenne

À partir des années 1990, un nouveau moteur puissant pousse aux révisions constitutionnelles : la construction européenne. La Constitution de 1958 a été rédigée à une époque où la Communauté Économique Européenne (CEE) en était à ses balbutiements. Mais avec l’accélération de l’intégration, notamment le traité de Maastricht en 1992, le texte suprême français a dû être adapté pour permettre des transferts de souveraineté. La révision du 25 juin 1992 est sans doute l’une des plus importantes après celle de 1962. Elle introduit un nouveau titre dans la Constitution : « De l’Union européenne ». Pour permettre l’adoption de la monnaie unique (l’Euro) et la citoyenneté européenne (qui donne le droit de vote aux élections municipales pour les ressortissants de l’UE résidant en France), il fallait lever les obstacles constitutionnels liés à la souveraineté nationale stricte. Par la suite, presque chaque nouveau traité européen majeur a nécessité une révision constitutionnelle préalable (Amsterdam en 1999, Lisbonne en 2008). Le Conseil constitutionnel vérifie si le traité comporte des clauses contraires à la Constitution ; si c’est le cas, il faut réviser la Constitution avant de ratifier le traité. C’est un dialogue constant entre le droit national et le droit européen. Tu trouveras les textes officiels de ces adaptations sur le site de Vie-publique.fr, qui explique très bien ces mécanismes juridiques complexes.

📌 La décentralisation : vers une « République décentralisée »

La France a longtemps été l’archétype de l’État centralisé, héritage des Jacobins et de Napoléon. Tout se décidait à Paris. Les grandes lois de décentralisation de 1982 (lois Defferre), sous la présidence de François Mitterrand, ont commencé à changer la donne en transférant des compétences aux communes, départements et régions, et en supprimant la tutelle du Préfet a priori. Cependant, il a fallu attendre la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, sous Jacques Chirac et le gouvernement Raffarin, pour que cette organisation soit gravée dans le marbre. Cette réforme inscrit à l’article 1er de la Constitution que « son organisation est décentralisée ». Ce n’est pas juste une phrase symbolique. Cela permet de donner aux collectivités territoriales une autonomie financière (garantie constitutionnelle de ressources propres) et un droit à l’expérimentation. Par exemple, une région peut tester une nouvelle politique publique pendant une durée limitée, dérogeant à la loi nationale, avant une éventuelle généralisation. Cette évolution montre que les réformes institutionnelles de la Ve République ne concernent pas seulement le sommet de l’État (Président/Parlement), mais aussi l’organisation administrative du territoire, rapprochant la prise de décision des citoyens. C’est une transformation profonde de la culture administrative française, qui tente de concilier l’unité de la République avec la diversité des territoires.

📌 L’élargissement du champ du référendum (1995)

Une autre réforme importante de l’ère Chirac est la loi constitutionnelle du 4 août 1995. Elle étend le champ du référendum prévu à l’article 11. Auparavant limité à l’organisation des pouvoirs publics et aux traités, le référendum peut désormais porter sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics qui y concourent. L’objectif était de permettre au Président de consulter directement les Français sur des sujets de société majeurs (comme les retraites ou l’éducation), contournant les blocages parlementaires ou syndicaux. Paradoxalement, cet outil élargi a été très peu utilisé depuis, les présidents craignant que le référendum ne se transforme en plébiscite pour ou contre leur personne, comme ce fut le cas pour le référendum de 2005 sur la Constitution européenne, qui s’est soldé par un « Non » retentissant malgré le soutien des grands partis.

⏱️ Le choc du quinquennat et l’inversion du calendrier (2000-2002)

📌 La fin du septennat : une réforme attendue

Le passage du septennat (7 ans) au quinquennat (5 ans) constitue une rupture majeure dans le rythme de la vie politique française. Le septennat était une tradition héritée de 1873, pensée au départ pour attendre une restauration monarchique qui n’est jamais venue. Sous la Ve République, sept ans, c’était long. De Gaulle, Pompidou et Mitterrand (deux fois) ont été élus pour sept ans. Mais la durée du mandat finissait par déconnecter le Président de l’opinion publique, créant une sorte d’usure du pouvoir. C’est la cohabitation qui a accéléré les choses. Entre 1997 et 2002, Jacques Chirac (Président de droite) a dû gouverner pendant cinq ans avec Lionel Jospin (Premier ministre de gauche). Cette longue « cohabitation » a paralysé une partie de l’exécutif et transformé le Président en chef de l’opposition. En 2000, un consensus émerge : il faut réduire le mandat pour moderniser la démocratie et éviter ces cohabitations trop fréquentes. Le référendum du 24 septembre 2000 valide le quinquennat. Le taux d’abstention est record (près de 70 % !), montrant le désintérêt ou l’incompréhension des Français pour cette réforme technique à l’époque. Pourtant, ses conséquences seront immenses. Jacques Chirac sera le premier président élu pour 5 ans en 2002.

📌 L’inversion du calendrier électoral : la clé du changement

Le quinquennat seul n’aurait pas tout changé. Ce qui a verrouillé le système, c’est l’inversion du calendrier électoral décidée en 2001. Logiquement, les élections législatives devaient avoir lieu *avant* la présidentielle de 2002. Les politiques ont décidé de placer l’élection présidentielle **d’abord** (en avril-mai), suivie immédiatement des élections législatives (en juin). La logique est implacable : venant d’élire un Président, les Français lui donnent logiquement une majorité à l’Assemblée nationale pour gouverner dans la foulée. C’est l’effet « lune de miel ». Depuis 2002, ce scénario s’est toujours vérifié (2002, 2007, 2012, 2017). Cela a mis fin, de facto, aux cohabitations de milieu de mandat. Le Président devient le véritable chef de la majorité parlementaire, et l’Assemblée nationale a tendance à devenir une chambre d’enregistrement de la volonté présidentielle. Cette réforme a donc hyper-présidentialisé le régime. Le Premier ministre est encore plus effacé. Pour comprendre la figure tutélaire du chef de l’État, je te recommande de lire l’article sur De Gaulle et l’exécutif fort, pour voir à quel point le quinquennat a poussé la logique gaullienne à son paroxysme, peut-être même au-delà de ce que le Général avait imaginé.

📌 Les critiques du « fait majoritaire »

Si le quinquennat a apporté de la stabilité et de l’efficacité (on sait qui gouverne pour 5 ans), il a aussi ses défauts. Il réduit le temps de la réflexion politique : le Président est à peine élu qu’il pense déjà à sa réélection, transformant le mandat en une campagne permanente. De plus, en alignant les élections législatives sur la présidentielle, on a affaibli le rôle de contre-pouvoir du Parlement. Les députés doivent souvent leur élection à l’étiquette du Président élu quelques semaines plus tôt. Ils sont donc moins enclins à la fronde ou au contrôle strict du gouvernement. C’est ce qu’on appelle le fait majoritaire absolu. Cette situation a conduit à des appels récurrents pour rééquilibrer les pouvoirs, ce qui mènera à la grande révision de 2008 que nous allons voir maintenant.

📜 La révision de 2008 : Revalorisation du Parlement et droits des citoyens

📌 Une réforme d’ampleur pour rééquilibrer les pouvoirs

Face aux critiques sur l’hyper-puissance du Président, Nicolas Sarkozy lance en 2007 un comité de réflexion dirigé par Édouard Balladur. L’objectif : moderniser les institutions et, surtout, revaloriser le rôle du Parlement. La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 est la plus volumineuse révision de la Ve République : elle modifie ou complète près de la moitié des articles de la Constitution ! Cette réforme donne de nouveaux droits au Parlement : • L’ordre du jour de l’Assemblée est désormais partagé (avant, le gouvernement décidait de tout l’agenda, maintenant le Parlement maîtrise la moitié de son temps). • Le nombre de ministres est limité indirectement. • Le Président ne peut plus exercer plus de deux mandats consécutifs (article 6). C’est une nouveauté majeure inspirée du modèle américain, pour éviter les règnes trop longs. • Le Parlement a un droit de veto sur certaines nominations présidentielles (si les 3/5e des commissions compétentes s’y opposent). Le Président de la République gagne aussi le droit de s’exprimer devant le Congrès réuni à Versailles (article 18), ce qu’on appelle le « discours sur l’état de l’Union » à la française. Avant, le Président ne pouvait pas entrer dans l’enceinte du Parlement pour respecter la séparation des pouvoirs (une tradition datant de 1875).

📌 La révolution citoyenne : la QPC

Mais l’innovation la plus spectaculaire pour les citoyens est sans doute la création de la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), entrée en vigueur en 2010. Avant cette réforme, une fois qu’une loi était promulguée (votée et signée), on ne pouvait plus la contester, même si elle violait des droits fondamentaux. C’était « l’écran législatif ». Avec la QPC (article 61-1), tout justiciable, lors d’un procès (pénal, civil, administratif), peut soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Si la demande est sérieuse, elle est transmise au Conseil constitutionnel qui peut abroger la loi. C’est un progrès immense pour l’État de droit. Des lois anciennes ont ainsi été annulées ou modifiées (par exemple sur la garde à vue) grâce à de simples citoyens. Pour en savoir plus sur le fonctionnement précis de cet outil, le site du Légifrance propose l’accès aux décisions QPC qui ont changé le droit français.

📌 Le Défenseur des droits

La révision de 2008 crée également une nouvelle institution indépendante : le Défenseur des droits (article 71-1). Il remplace le Médiateur de la République et absorbe plusieurs commissions (HALDE, défenseur des enfants, etc.). Son rôle est de défendre les droits des citoyens face à l’administration, mais aussi de lutter contre les discriminations et de veiller à la déontologie de la sécurité (police/gendarmerie). C’est une autorité constitutionnelle indépendante que tout citoyen peut saisir gratuitement. Cette création illustre la volonté de placer la protection des droits individuels au cœur des réformes institutionnelles de la Ve République, en contrepoids à la puissance de l’État administratif.

🔮 Vers une VIe République ? Les crises et débats contemporains

📌 Les « non-réformes » et les blocages récents

Depuis la grande révision de 2008, le rythme des réformes s’est ralenti, non par manque de volonté, mais par manque de majorité politique. François Hollande avait promis le droit de vote des étrangers aux élections locales et la suppression de la Cour de justice de la République, mais il a renoncé faute de majorité des 3/5e au Congrès. Emmanuel Macron, élu en 2017, portait un projet ambitieux : réduire le nombre de parlementaires de 30 %, introduire une dose de proportionnelle aux législatives et supprimer la Cour de justice de la République. Cependant, l’affaire Benalla à l’été 2018, puis la crise des Gilets Jaunes et enfin la perte de la majorité absolue en 2022 ont bloqué ces processus. Réviser la Constitution (article 89) demande un accord politique large entre l’Assemblée nationale et le Sénat (souvent de bords politiques différents), ce qui rend toute réforme majeure très difficile en période de fragmentation politique. Ces blocages nourrissent le sentiment que les institutions sont figées et incapables de se réformer elles-mêmes, alimentant les discours sur la crise de la représentativité. Tu peux analyser ces dynamiques de blocage dans notre dossier sur les crises politiques en France, qui met en lumière les moments de tension institutionnelle.

📌 L’aspiration au RIC et à la participation citoyenne

La crise des Gilets Jaunes en 2018-2019 a fait émerger une revendication institutionnelle forte venue de la base : le RIC (Référendum d’Initiative Citoyenne). L’idée est de permettre aux citoyens de déclencher eux-mêmes un référendum (pour proposer une loi, en abroger une, ou révoquer un élu) sans passer par le filtre du Président ou du Parlement. Actuellement, la Constitution prévoit un « Référendum d’Initiative Partagée » (RIP) depuis 2008, mais ses conditions sont si drastiques (soutien de 185 parlementaires + 10 % du corps électoral, soit 4,8 millions de signatures) qu’il n’a jamais abouti. Le débat sur le RIC pose la question de la démocratie directe dans un système représentatif. C’est un point de friction majeur entre les partisans d’une « verticalité » du pouvoir et ceux qui demandent plus d’horizontalité.

📌 La Charte de l’environnement : un tournant écologique

N’oublions pas une réforme essentielle qui projette la Constitution vers l’avenir : la Charte de l’environnement de 2004, voulue par Jacques Chirac et intégrée au bloc de constitutionnalité en 2005. Elle place le droit de « vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » au même niveau que les Droits de l’Homme de 1789. Aujourd’hui, le Conseil constitutionnel utilise cette Charte pour valider ou censurer des lois au nom de la protection du climat et de la biodiversité. C’est une preuve éclatante que les réformes institutionnelles de la Ve République ne sont pas que de la tuyauterie politique : elles adaptent le pacte social aux enjeux vitaux du XXIe siècle. La Constitution est un texte vivant, qui continuera sans doute d’évoluer face aux défis climatiques et numériques.

🧠 À retenir sur les réformes institutionnelles de la Ve République

  • Le référendum de 1962, voulu par le général de Gaulle, instaure l’élection du Président au suffrage universel direct, changeant la nature du régime.
  • L’ouverture de la saisine du Conseil constitutionnel en 1974 et la création de la QPC en 2008 ont considérablement renforcé l’État de droit.
  • Les révisions constitutionnelles ont accompagné la construction européenne (Maastricht, Lisbonne) et l’approfondissement de la décentralisation.
  • Le passage au quinquennat (2000) et l’inversion du calendrier électoral ont hyper-présidentialisé le pouvoir en alignant la majorité parlementaire sur le chef de l’État.

❓ FAQ : Questions fréquentes sur les réformes de la Ve République

🧩 Quelle est la différence entre l’article 11 et l’article 89 ?

L’article 89 est la procédure normale de révision (vote des deux chambres puis Congrès ou référendum), tandis que l’article 11 permet au Président de soumettre directement un projet au référendum en contournant le Parlement, comme en 1962.

🧩 Pourquoi n’y a-t-il plus de cohabitations ?

Depuis l’instauration du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral en 2002, les élections législatives ont lieu juste après la présidentielle, ce qui donne presque systématiquement une majorité au Président élu.

🧩 Qu’est-ce que la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) ?

C’est une réforme majeure de 2008 qui permet à tout citoyen, lors d’un procès, de contester une loi déjà votée s’il estime qu’elle porte atteinte à ses droits fondamentaux garantis par la Constitution.

🧩 Quiz – Maîtrises-tu les réformes de la Ve République ?

🧩 Quiz – Les institutions et leurs évolutions

1. Quelle année marque l’élection du Président au suffrage universel direct ?
2. Qui a initié la réforme du suffrage universel direct ?
3. Quel article de la Constitution permet la révision parlementaire (Congrès) ?
4. Quelle réforme majeure a eu lieu en 2000 ?
5. Qui a abaissé la majorité à 18 ans en 1974 ?
6. Que signifie QPC ?
7. Depuis quelle réforme le Président ne peut-il plus faire plus de deux mandats consécutifs ?
8. Quel traité européen a nécessité une révision constitutionnelle en 1992 ?
9. Combien de députés ou sénateurs faut-il pour saisir le Conseil constitutionnel depuis 1974 ?
10. Quel événement a justifié pour de Gaulle l’urgence du suffrage universel en 1962 ?
11. Quelle institution a été créée par la révision de 2008 pour protéger les citoyens ?
12. Qu’est-ce que le Congrès à Versailles ?
13. Quelle année a vu l’introduction de la Charte de l’environnement dans la Constitution ?
14. Qui était Président lors de la réforme du quinquennat en 2000 ?
15. Quel est l’effet principal de l’inversion du calendrier électoral (2002) ?
16. Quelle réforme de 2003 concerne l’organisation territoriale ?
17. Avant 1962, comment était élu le Président ?
18. Quel droit le Président a-t-il obtenu en 2008 vis-à-vis du Parlement ?
19. Quelle majorité est requise au Congrès pour modifier la Constitution ?
20. Quel mouvement récent a réclamé le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) ?
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