La décolonisation et l’émergence de nouveaux États (Terminale)
Introduction : Comprendre la décolonisation (Terminale)
Entre 1945 et 1990, le monde connaît une mutation radicale : plus de quatre-vingts colonies accèdent à l'indépendance, mettant fin à des siècles de domination impériale européenne. Ce processus décisif, qu'on appelle la décolonisation, constitue un moment clé de l'histoire contemporaine. Pour les lycéens de Terminale, ce thème est central dans la compréhension des relations internationales modernes et des fondements du monde actuel. Il s'inscrit également dans une perspective de mémoire, de justice et de relecture des rapports entre le Nord et le Sud.
La décolonisation Terminale n'est pas un événement isolé mais un long processus, complexe et variable selon les régions. Elle débute dans l'immédiat après-guerre, dans un monde marqué par les ruines de la Seconde Guerre mondiale, l'émergence de deux superpuissances (les États-Unis et l'URSS), et la création de l'Organisation des Nations Unies (ONU). L'effondrement du mythe de la supériorité occidentale, les nouvelles idéologies d'autodétermination et l'activisme de mouvements nationalistes dans les colonies vont peu à peu fissurer les empires.
Cette introduction vise à poser les jalons historiques, géopolitiques et humains du processus de décolonisation, en mettant l'accent sur les grands enjeux que rencontrent les Terminales dans leur programme. Pourquoi la décolonisation a-t-elle pris une telle ampleur après 1945 ? Quels en sont les moteurs ? Comment expliquer la diversité des modes d'accès à l'indépendance ? Et surtout, comment les jeunes États issus de la décolonisation ont-ils trouvé leur place dans un monde divisé par la guerre froide et structuré par des rapports de forces postcoloniaux ?
Le point de départ de ce processus se trouve dans l'affaiblissement des puissances coloniales traditionnelles. La France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Belgique, le Portugal sortent épuisés de la Seconde Guerre mondiale. Leur autorité est affaiblie, leur prestige amoindri, et leurs ressources économiques diminuées. Dans ce contexte, les revendications d'autonomie ou d'indépendance, souvent réprimées jusque-là, gagnent en légitimité.
Les idées de liberté, d’autodétermination et d'égalité circulent rapidement, portées par les déclarations internationales. La Charte de l'Atlantique (1941), signée par Roosevelt et Churchill, proclame le droit des peuples à choisir leur forme de gouvernement. Bien qu'initialement non contraignante, cette charte est largement citée par les mouvements anticoloniaux. En 1945, la Charte de l'ONU reprend ce principe dans ses objectifs : promouvoir « le respect du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ».
Mais la décolonisation ne se résume pas à une application mécanique de ces principes. Elle prend des formes très différentes selon les situations locales, les volontés politiques des métropoles, la mobilisation des sociétés colonisées et les contextes géopolitiques régionaux. Ainsi, pendant que l'Inde accède pacifiquement à l'indépendance en 1947, l'Algérie doit attendre 1962 après huit années de guerre. Le Congo belge devient indépendant dans la précipitation, sans transition, alors que le Ghana est l'exemple d'un passage planifié vers la souveraineté.
L'un des concepts clés à comprendre est celui du Tiers Monde. Il désigne l'ensemble des pays nouvellement indépendants qui refusent de s'aligner sur les blocs de la guerre froide. Ces pays cherchent à affirmer une voix propre, à défendre leurs intérêts économiques et politiques, et à construire des solidarités Sud-Sud. Le Tiers Monde devient un acteur majeur sur la scène internationale, notamment via le mouvement des non-alignés, créé en 1961 à Belgrade.
Dans cette optique, la décolonisation Terminale ne se limite pas à une lecture des faits historiques : elle interroge les transformations du monde contemporain. Elle oblige à penser la souveraineté, les inégalités globales, la mémoire et les rapports de pouvoir encore visibles aujourd'hui. En ce sens, étudier la décolonisation, c’est aussi comprendre les tensions du présent.
Nous allons donc explorer ce thème de manière chronologique, géographique et thématique. Chaque continent, chaque événement, chaque acteur offre un point d'appui pour analyser ce que la décolonisation a signifié. L'article présentera les grandes étapes, les différents modes d'accès à l'indépendance, les défis auxquels font face les jeunes États, les rôles joués par les puissances et l'ONU, et enfin, des études de cas précises pour incarner ces transformations.
Prêt à plonger dans ce grand mouvement d’émancipation mondiale ?
I. Trois grandes vagues de décolonisation
La décolonisation Terminale ne s’est pas produite partout au même moment, ni de la même manière. Elle a avancé par vagues successives, sur différents continents, selon les contextes géopolitiques et les rapports de force du moment. Pour bien comprendre ce processus mondial, il est utile de distinguer trois grandes phases chronologiques, qui ont chacune leurs spécificités et leurs acteurs emblématiques.
🔹 1. L’Asie en pionnière (1945–1954)
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Asie est la première région à s’engager dans la décolonisation. Plusieurs facteurs l’expliquent : l’occupation japonaise a affaibli les empires européens ; les élites nationalistes sont formées, actives, et souvent soutenues par une population mobilisée ; enfin, les puissances coloniales européennes (notamment la France et les Pays-Bas) sont exsangues et contestées sur place.
🇮🇳 Inde (1947) : la matrice du modèle pacifique
L’indépendance de l’Inde est une date-clé dans la décolonisation Terminale. Le pays, considéré comme « la perle de l’Empire britannique », accède à l’indépendance le 15 août 1947. C’est le fruit d’un long combat mené par le Congrès national indien, sous l’impulsion de deux figures majeures : Mohandas Gandhi, partisan de la non-violence (satyagraha), et Jawaharlal Nehru, leader politique et futur Premier ministre.
Mais cette indépendance n’est pas sans douleur. Sous la pression communautaire, le pays est divisé en deux : d’un côté l’Inde (à majorité hindoue), de l’autre le Pakistan (à majorité musulmane). Cette partition entraîne plus de 10 millions de déplacés et près d’un million de morts dans des violences interreligieuses d’une ampleur inédite. Un traumatisme profond, encore très présent dans les mémoires collectives des deux pays.
Sur le plan politique, l’Inde devient une démocratie parlementaire, non-alignée dans le contexte de la guerre froide. Nehru développe une politique de développement autonome. L’Inde devient un modèle d’indépendance par la négociation, avec une transition relativement stable.
🇮🇩 Indonésie (1945–1949) : une guerre contre l’ancien colonisateur
À l’opposé du modèle indien, l’Indonésie accède à l’indépendance par la guerre. Ancienne colonie néerlandaise (les Indes orientales), elle est occupée par le Japon entre 1942 et 1945. À la capitulation nippone, les nationalistes, dirigés par Sukarno et Mohammad Hatta, proclament unilatéralement l’indépendance le 17 août 1945.
Mais les Pays-Bas veulent reprendre le contrôle. S’ensuit une guerre d’indépendance brutale, marquée par des exactions des deux côtés et une répression sévère. Malgré le soutien militaire occidental aux Néerlandais, la pression internationale, notamment celle des États-Unis, oblige les Pays-Bas à négocier.
En décembre 1949, après quatre années de conflit, l’Indonésie devient un État souverain. Sukarno devient président et adopte une idéologie fondée sur le Pancasila (les cinq principes fondateurs de l’unité indonésienne). L’Indonésie rejoint ensuite le mouvement des non-alignés.
🇱🇧🇸🇾🇮🇱 Proche-Orient : les mandats européens disparaissent
Dans le Proche-Orient, la décolonisation prend une forme particulière. Elle touche des territoires anciennement sous mandat (système mis en place par la SDN puis l’ONU) administrés par la France ou le Royaume-Uni, après le démantèlement de l’Empire ottoman.
- Le Liban obtient officiellement son indépendance en 1943. Les troupes françaises se retirent deux ans plus tard.
- La Syrie, également sous mandat français, devient indépendante en 1946, après de nombreuses tensions et une pression britannique.
- La Palestine connaît une situation bien plus explosive. En 1947, l’ONU vote un plan de partage du territoire entre un État juif et un État arabe. Le 14 mai 1948, David Ben Gourion proclame la naissance de l’État d’Israël. Cela provoque immédiatement la première guerre israélo-arabe.
- L’Égypte, souveraine depuis 1922 sur le papier, reste en réalité sous l’influence militaire britannique. Il faut attendre la révolution de 1952 menée par Nasser et la crise de Suez en 1956 pour que l’Égypte devienne réellement indépendante.
Cette région devient vite un foyer de tensions, à la fois postcoloniales et géopolitiques, encore très présentes aujourd’hui.
🧠 À retenir
- L’Asie est le premier continent à se décoloniser après 1945.
- Les chemins vers l’indépendance sont divers : négociation (Inde), guerre (Indonésie), proclamation (Israël).
- Le Proche-Orient connaît des tensions durables issues de cette période (ex : Palestine).
- Ces indépendances influencent ensuite les autres continents, notamment l’Afrique.
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🔗 Pour aller plus loin
II. L’Afrique et la vague des indépendances (1955–1962)
Si l’Asie a ouvert la voie à la décolonisation après 1945, c’est bien l’Afrique qui en devient l’épicentre dans la seconde moitié des années 1950. Cette période, marquée par une accélération des indépendances, reste un moment charnière de la décolonisation Terminale. Entre réformes politiques, mobilisations populaires, guerres violentes et négociations sous pression, l’Afrique redessine la carte du monde.
🔹 1. Le Maghreb : entre transition et guerre
🇲🇦 Maroc et 🇹🇳 Tunisie : des indépendances sans guerre
En 1956, la France accorde l’indépendance au Maroc et à la Tunisie. Ces deux pays du Maghreb, sous protectorat français depuis le début du XXe siècle, obtiennent leur souveraineté sans passer par un conflit militaire ouvert. Les autorités françaises choisissent ici la voie du compromis, en partie pour apaiser une région agitée par les mouvements nationalistes et en prévision de la crise algérienne qui couve déjà.
Au Maroc, c’est le retour triomphal du sultan Mohammed V qui incarne la souveraineté nationale. À Tunis, le leader nationaliste Habib Bourguiba devient rapidement chef de l’État. Tous deux mettent en place des régimes autoritaires, mais nationalement légitimés, soucieux de stabilité après la domination coloniale.
🇩🇿 Algérie : la guerre la plus marquante de la décolonisation
Contrairement à ses voisins, l’Algérie vit une des décolonisations les plus violentes du XXᵉ siècle. Colonisée depuis 1830, l’Algérie n’est pas considérée comme une colonie classique, mais comme trois départements français. La présence de près d’un million de Pieds-Noirs (colons d’origine européenne) complique toute perspective de séparation pacifique.
Le 1ᵉʳ novembre 1954, le Front de libération nationale (FLN) lance une insurrection armée : c’est le début de la guerre d’Algérie. Le conflit dure huit ans. Il est marqué par la violence des deux camps, les tortures, les attentats, les assassinats ciblés, la répression aveugle. La société française elle-même se fracture : des jeunes soldats sont envoyés dans un conflit qu’on refuse longtemps de nommer « guerre ».
La crise atteint son paroxysme en 1958. Le retour au pouvoir du général de Gaulle ouvre la voie à une nouvelle politique. En 1962, les accords d’Évian mettent fin à la guerre. L’indépendance est proclamée le 5 juillet 1962. Le FLN devient parti unique, l’exode massif des Européens commence (près de 800 000 personnes en quelques mois).
La guerre d’Algérie est un traumatisme durable. Elle a marqué les mémoires, la politique française, et l’ensemble du monde arabe et africain. C’est un cas d’école pour comprendre la décolonisation Terminale.
🔹 2. L’Afrique subsaharienne : 1960, l’année de tous les bouleversements
La vague d’indépendances africaines connaît son apogée en 1960. Cette année-là, 17 pays d’Afrique noire accèdent à la souveraineté. C’est un tournant géopolitique majeur, qui voit s’effondrer une grande partie de l’empire colonial français, mais aussi britannique et belge.
🌍 Pourquoi cette accélération ?
- Facteurs internes : montée des nationalismes, pression des élites locales, mobilisations syndicales, révoltes populaires.
- Facteurs externes : contexte de guerre froide (l’URSS soutient de nombreux mouvements), poids de l’ONU, opinion publique mondiale en faveur de l’autodétermination.
- Choix stratégiques des métropoles : plutôt que la guerre (comme en Algérie), la France choisit la transition contrôlée dans ses colonies d’Afrique noire.
Le général de Gaulle met en place la Communauté française (1958) : une structure censée fédérer les anciennes colonies autour de la France. Mais très vite, les États réclament leur autonomie complète. À partir de 1960, l’indépendance devient la norme. La plupart des pays deviennent des républiques à parti unique, souvent dirigées par des leaders formés en métropole.
🇸🇳 Sénégal, 🇲🇱 Mali, 🇨🇮 Côte d’Ivoire, 🇳🇪 Niger…
Parmi les pays phares de cette vague :
- Le Sénégal avec Léopold Sédar Senghor : écrivain, poète, premier président du pays, il symbolise une transition pacifique et culturellement forte.
- La Côte d’Ivoire avec Félix Houphouët-Boigny : proche de la France, il maintient des liens économiques étroits avec l’ancienne puissance coloniale.
- Le Mali avec Modibo Keïta : plus radical, il oriente son pays vers le socialisme.
Ces indépendances sont généralement reconnues par l’ONU, qui les accompagne dans leur institutionnalisation. Mais les défis restent immenses : infrastructures quasi inexistantes, inégalités sociales, analphabétisme massif, manque de cadres formés.
🇨🇩 Le Congo belge : une indépendance précipitée
Le Congo belge est un cas à part. La colonie, exploitée sans réelle préparation à l’autonomie, devient indépendante en juin 1960, dans un climat de panique. Le gouvernement est divisé (Kasa-Vubu président, Lumumba Premier ministre), l’armée se mutine, la province du Katanga fait sécession.
La situation dégénère en guerre civile. L’ONU intervient dès juillet 1960 avec la mission ONUC. Les puissances occidentales (surtout les États-Unis) s’inquiètent d’une bascule du Congo dans le camp soviétique. En 1965, un coup d’État militaire porte Mobutu au pouvoir. Il restera en place jusqu’en 1997.
Le cas du Congo illustre les conséquences d’une décolonisation précipitée et l’imbrication des enjeux locaux et internationaux.
🧠 À retenir
- 1956 : indépendance pacifique du Maroc et de la Tunisie.
- 1954–1962 : guerre d’Algérie, la plus violente des décolonisations françaises.
- 1960 : 17 pays africains accèdent à l’indépendance. Une vague sans précédent.
- Le Congo belge devient un symbole de chaos post-colonial.
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🔗 Pour aller plus loin
Dans la prochaine partie, nous verrons comment les dernières colonies (portugaises, océaniques) deviennent souveraines dans les années 1970, et comment la décolonisation s’achève officiellement en 1990 avec la Namibie… mais laisse des défis durables.
III. 1963–1990 : La fin des empires coloniaux
La troisième et dernière vague de la décolonisation Terminale s’étend des années 1960 aux années 1990. Elle touche les territoires encore sous domination coloniale, souvent oubliés dans les grandes cartes de l’époque. Les indépendances se gagnent désormais au terme de luttes longues, parfois violentes, parfois diplomatiques, mais toujours marquées par le poids de la guerre froide et la lente désagrégation des derniers empires européens. L’Afrique lusophone, les territoires insulaires, les colonies sous tutelle ou encore les cas atypiques comme la Namibie ou Hong Kong achèvent de redessiner la carte politique mondiale.
🔹 1. Les colonies portugaises : un empire qui s’accroche
Alors que la France et le Royaume-Uni ont amorcé leur retrait dès les années 1950, le Portugal reste l’un des derniers bastions coloniaux européens. Sous la dictature de Salazar, puis de Caetano, Lisbonne s’oppose farouchement à toute idée d’indépendance, considérant ses colonies comme des « provinces d’outre-mer ».
🇦🇴 🇲🇿 🇬🇼 Angola, Mozambique, Guinée-Bissau : des guerres prolongées
Les colonies africaines du Portugal (Guinée-Bissau, Mozambique, Angola) entrent dans des guerres d’indépendance longues et sanglantes :
- En Guinée-Bissau, le PAIGC (dirigé par Amílcar Cabral) mène une guérilla intense dès les années 1960.
- Au Mozambique, la lutte est dirigée par le FRELIMO de Samora Machel.
- En Angola, plusieurs mouvements s’opposent à la présence portugaise : MPLA, FNLA, UNITA.
Ces conflits s’enlisent dans le temps, mêlant intérêts coloniaux, tensions ethniques et interférences étrangères. L’URSS et Cuba soutiennent les guérillas marxistes (notamment le MPLA), tandis que les États-Unis et l’Afrique du Sud appuient les factions anticommunistes (UNITA).
Tout bascule en 1974 avec la révolution des Œillets au Portugal : les militaires renversent le régime, fatigués par ces guerres interminables. En quelques mois, les colonies sont lâchées. En 1975, le Portugal reconnaît l’indépendance de ses territoires africains. Mais la paix ne suit pas partout : en Angola, la guerre civile continue jusqu’en 2002.
🔹 2. Décolonisation dans l’océan Indien, le Pacifique et les Caraïbes
Une autre facette de la décolonisation Terminale concerne les territoires insulaires. Ces petites colonies sont souvent situées dans les océans Indien ou Pacifique, ou dans les Caraïbes. Leur indépendance intervient plus tardivement, parfois dans l’indifférence générale, parfois sous surveillance internationale.
🌴 Océanie : indépendance progressive
Dans l’océan Pacifique, plusieurs territoires accèdent à l’autonomie ou à l’indépendance entre les années 1970 et 1990 :
- Les îles Fidji (1970), les Tonga (1970), les Samoa occidentales (1962).
- La Papouasie-Nouvelle-Guinée devient indépendante de l’Australie en 1975.
- Les îles Marshall et la Micronésie deviennent « États libres associés » aux États-Unis dans les années 1990, après la fin de la tutelle de l’ONU.
Ces États vivent une décolonisation en douceur, encadrée par des accords. Certains choisissent l’indépendance complète, d’autres restent liés à leur ancienne puissance (Australie, Nouvelle-Zélande, États-Unis). L’ONU y joue un rôle de médiateur.
🇭🇹 🇯🇲 🇹🇹 Caraïbes : fin des colonies britanniques et néerlandaises
Dans les Caraïbes, les anciennes colonies britanniques deviennent progressivement indépendantes :
- Jamaïque et Trinité-et-Tobago en 1962
- Barbade en 1966, Guyana en 1966
- Suriname (colonie néerlandaise) en 1975
Ces nouveaux États rejoignent souvent le Commonwealth. Certains, comme la Barbade (qui devient république en 2021), continuent de modifier leurs statuts longtemps après l’indépendance formelle.
🔹 3. Cas particuliers : Namibie, Sahara occidental, Timor-Leste
Certains territoires connaissent une décolonisation tardive et inachevée, mêlant conflits armés, disputes territoriales et interventions internationales.
🇳🇦 La Namibie : une décolonisation encadrée par l’ONU
Ancienne colonie allemande passée sous mandat sud-africain après 1919, la Namibie reste sous domination de Pretoria bien après 1945. L’Afrique du Sud applique l’apartheid sur son territoire et refuse toute évolution.
Mais l’ONU condamne cette occupation. Le mouvement indépendantiste SWAPO entre en lutte armée. Il faut attendre les années 1980 pour que les négociations progressent, avec la fin de l’apartheid en toile de fond.
En 1990, la Namibie accède enfin à l’indépendance, après des décennies de tutelle indirecte. L’ONU organise les élections, garantissant la transition. Ce cas est souvent étudié comme un exemple de décolonisation « retardée » mais stabilisée.
🇪🇭 Le Sahara occidental : une décolonisation inachevée
Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental est revendiqué à la fois par le Maroc et le Front Polisario, qui réclame l’indépendance. Lorsque l’Espagne se retire en 1975, le Maroc occupe le territoire.
Depuis, le Sahara occidental est un territoire non autonome selon l’ONU. Un cessez-le-feu est signé en 1991, mais aucun référendum d’autodétermination n’a été organisé. Le conflit reste gelé, mais pas résolu.
🇹🇱 Timor-Leste : entre colonisation portugaise et occupation indonésienne
Le Timor oriental est une ancienne colonie portugaise en Asie du Sud-Est. En 1975, il proclame son indépendance. Mais l’Indonésie l’envahit immédiatement et l’annexe, déclenchant une répression brutale.
La résistance armée (dirigée par Xanana Gusmão) et la pression internationale finissent par porter leurs fruits. En 1999, un référendum est organisé sous l’égide de l’ONU. En 2002, le Timor-Leste devient le premier État souverain du XXIᵉ siècle.
🔹 4. Le rôle final de l’ONU dans la décolonisation
L’Organisation des Nations Unies joue un rôle croissant dans la troisième vague de décolonisation. Elle devient l’arbitre, l’accompagnateur, voire le médiateur des processus les plus sensibles.
Elle adopte en 1960 la célèbre résolution 1514 sur « l’octroi de l’indépendance aux pays et peuples coloniaux ». Ce texte reconnaît le droit universel des peuples à disposer d’eux-mêmes.
Le Comité spécial de la décolonisation, créé en 1961, suit les territoires encore colonisés. Certains sont considérés comme « non autonomes » jusqu’à aujourd’hui : Gibraltar, Nouvelle-Calédonie, Îles Malouines…
Par ses actions sur le terrain (Namibie, Timor), l’ONU devient un acteur central de la décolonisation Terminale dans sa dernière phase.
🧠 À retenir
- Le Portugal décolonise tardivement, après des guerres longues en Afrique.
- De nombreuses petites îles deviennent indépendantes dans les années 1970–1990.
- Des cas complexes (Namibie, Sahara occidental, Timor-Leste) montrent que la décolonisation n’est pas toujours achevée.
- L’ONU joue un rôle majeur dans cette troisième phase, en défendant le principe d’autodétermination.
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🔗 Pour aller plus loin
- ONU – Comité spécial de la décolonisation
- L’ONU et les droits des peuples
- Guerre froide et luttes d’indépendance
La décolonisation, commencée en Asie dès 1947, s’achève officiellement en 1990 avec la Namibie. Mais ses conséquences se prolongent jusqu’à aujourd’hui. Dans la dernière partie, nous verrons les grands défis des nouveaux États : nation, stabilité, économie, mémoire.
IV. Les défis des nouveaux États indépendants
Obtenir l’indépendance n’est que le début d’un long chemin. Pour les jeunes nations issues de la décolonisation Terminale, tout reste à faire : créer un État, construire une identité nationale, faire fonctionner une économie souvent fragile, apaiser les tensions ethniques ou sociales, et trouver leur place sur la scène mondiale. De 1945 à nos jours, ces défis ont façonné des trajectoires contrastées, entre espoir, instabilité, développement, répression ou renaissance.
🔹 1. Construire un État-nation : mission impossible ?
La première urgence, après l’indépendance, est la création d’un État : avec une administration, une constitution, une armée, une police, un système judiciaire. Ce processus paraît évident, mais il est en réalité semé d’embûches. Dans la plupart des cas, les frontières ont été tracées par les colonisateurs sans tenir compte des réalités ethniques, linguistiques ou culturelles. Résultat ? Des pays multiethniques où cohabitent, souvent difficilement, des groupes qui n’ont pas d’histoire commune de cohabitation pacifique.
Exemples :
- Le Nigeria regroupe plus de 250 ethnies, dont les trois principales (Hausa-Fulani, Yorubas et Ibos) sont en compétition constante.
- Le Congo (Kinshasa), immense et composite, a connu dès l’indépendance des sécessions (Katanga), des mutineries, puis des dictatures.
- Le Rwanda et le Burundi ont hérité de tensions ethniques exacerbées sous colonisation (Hutus vs Tutsis), qui mèneront à des génocides.
Face à cette complexité, beaucoup de régimes optent pour la centralisation du pouvoir, la suppression des partis d’opposition, voire la répression pour maintenir l’unité. Le modèle de l’État-nation tel qu’il existe en Europe n’est pas toujours transposable.
🔹 2. Instabilité politique : coups d’État, dictatures, guerres civiles
Beaucoup de jeunes États connaissent une instabilité chronique dès les premières années suivant l’indépendance. Plusieurs causes l’expliquent :
- L’absence de tradition démocratique (élections, débats, alternance).
- La faiblesse des institutions, souvent mises en place à la hâte.
- Des armées politisées, formées sous domination étrangère, qui prennent le pouvoir en cas de crise.
- La guerre froide, qui pousse les grandes puissances à soutenir des régimes autoritaires “amis” pour éviter une bascule idéologique.
Résultat : de nombreux pays passent sous régime autoritaire ou militaire dès les années 1960–1970.
Exemples marquants :
- 🇨🇩 Mobutu
- 🇪🇬 Nasser
- 🇮🇩 Suharto
- 🇳🇬 Le Nigeria connaît une guerre civile (1967–1970) avec la tentative de sécession du Biafra, suivie d’une alternance de dictatures militaires.
Le modèle démocratique n’est pas absent, mais reste minoritaire. Des pays comme l’Inde, le Sénégal ou le Botswana font exception et parviennent à maintenir un système politique pluraliste.
🔹 3. Développement économique : une dépendance durable
Libérés politiquement, les nouveaux États restent souvent dépendants économiquement de leurs anciennes métropoles. La colonisation a laissé un héritage : infrastructures tournées vers l’export, agriculture ou extraction de matières premières, absence d’industries, élites formées à l’extérieur.
Problèmes récurrents :
- Mono-exportation (coton, café, cacao, cuivre, pétrole) soumise aux fluctuations du marché mondial.
- Endettement massif dès les années 1970–1980.
- Inégalités régionales (villes vs campagnes, littoral vs intérieur).
- Dépendance à l’aide internationale et aux plans d’ajustement du FMI et de la Banque mondiale.
Des stratégies sont pourtant mises en place :
- L’Algérie mise sur la nationalisation des hydrocarbures et un développement industriel rapide.
- La Tanzanie tente une politique socialiste de villages collectifs (Ujamaa) sous Julius Nyerere.
- L’Inde opte pour une planification souple avec protectionnisme et investissements publics.
Mais globalement, le développement est lent, inégal, et parfois interrompu par des crises ou des conflits. L’idée de néo-colonialisme s’impose : selon Kwame Nkrumah, le Ghanaien, « le néo-colonialisme est le dernier stade de l’impérialisme ».
🔹 4. Cohésion sociale et mémoires coloniales
Outre les défis politiques et économiques, les jeunes États doivent gérer une autre bombe à retardement : la mémoire du passé colonial et les fractures sociales héritées de la colonisation.
Trois enjeux clés :
1. Les élites vs le peuple
Dans beaucoup de pays, les élites ayant accédé au pouvoir sont francophones, anglophones, diplômées en métropole. Le reste de la population, souvent rurale et analphabète, reste marginalisée. Cela crée une fracture sociale durable.
2. Le problème des langues
Faut-il garder la langue du colonisateur comme langue officielle (français, anglais, portugais) ? Ou revenir aux langues locales ? La plupart des pays conservent la langue coloniale par pragmatisme, mais cela pose des problèmes identitaires.
3. Les migrations post-coloniales
Dans certains cas, les anciens colons quittent le pays (Algérie : 800 000 Pieds-Noirs en 1962). Ailleurs, ils restent, créant des tensions (Afrique du Sud, Zimbabwe).
À cela s’ajoute le rôle de la religion, du droit coutumier, des cultures locales. Certains pays optent pour un parti unique pour éviter les divisions (Guinée, Tanzanie), d’autres essaient d’implanter la démocratie (Nigeria, Inde) avec des résultats variables.
🔹 5. Intégration internationale : diplomatie, alliances, reconnaissance
Les nouveaux États doivent aussi exister sur la scène mondiale. Pour cela, ils intègrent l’ONU, développent des alliances régionales, participent aux conférences internationales.
Un des tournants majeurs est la création du Mouvement des non-alignés (Belgrade, 1961), porté par Nehru, Nasser, Tito, Sukarno… Ce mouvement rassemble des pays qui refusent de choisir entre les États-Unis et l’URSS.
Ses objectifs :
- Défendre la souveraineté des nouveaux États.
- Promouvoir la coopération Sud–Sud.
- Faire entendre une voix autonome sur les grandes questions mondiales.
Dans les faits, les nouveaux États dépendent encore des grands blocs, mais ils deviennent une force de contestation dans les enceintes internationales (ONU, CNUCED…).
🔹 6. Une diversité de trajectoires
La décolonisation ne donne pas les mêmes résultats partout. On peut distinguer plusieurs trajectoires :
1. Trajectoires stables et démocratiques
- 🇮🇳 Inde : démocratie parlementaire, développement lent mais solide.
- 🇧🇼 Botswana : stabilité politique, croissance économique, démocratie.
- 🇸🇳 Sénégal : alternance démocratique dès les années 2000.
2. Trajectoires autoritaires
- 🇩🇿 Algérie : régime du FLN, autoritarisme politique.
- 🇪🇬 Égypte : présidents à vie (Nasser, Sadate, Moubarak).
- 🇨🇩 Zaïre (ex-Congo) : dictature de Mobutu, culte de la personnalité.
3. Trajectoires tragiques
- 🇷🇼 Rwanda : génocide de 1994 après décennies de tensions interethniques.
- 🇸🇱 Sierra Leone, 🇱🇷 Libéria : guerres civiles dans les années 1990–2000.
Chaque État invente sa manière de répondre aux défis post-coloniaux. Certains réussissent à tirer leur épingle du jeu, d’autres sombrent dans le chaos. Tous ont en commun d’avoir dû apprendre, souvent seuls, à être souverains.
🧠 À retenir
- Créer un État-nation dans des frontières coloniales est un défi immense.
- Les régimes autoritaires dominent l’après-indépendance, parfois soutenus par les grandes puissances.
- Les économies restent dépendantes : exportations, dettes, néo-colonialisme.
- La mémoire coloniale et les fractures sociales restent vives.
- Les trajectoires sont diverses : démocratie, dictature, guerre civile…
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🔗 Pour aller plus loin
- Le rôle de l’ONU dans le monde post-colonial
- Tiers Monde et rivalités Est-Ouest
- Néocolonialisme – Wikipédia
Dans la dernière partie, nous dresserons un bilan global de la décolonisation : ce qu’elle a changé, ce qu’elle a laissé en héritage, et les prolongements qu’on observe encore aujourd’hui dans la géopolitique mondiale.
V. Études de cas emblématiques : cinq trajectoires pour comprendre la décolonisation
Chaque décolonisation est unique. Derrière les grandes dates et les discours officiels, il y a des peuples, des luttes, des drames et des stratégies. Dans cette dernière partie, nous explorons cinq études de cas emblématiques — l’Inde, l’Algérie, le Congo belge, l’Indonésie, et le Vietnam — pour comprendre concrètement ce que signifie sortir du joug colonial.
🇮🇳 L’Inde : l’indépendance par la non-violence (1947)
L’Inde est souvent présentée comme le modèle d’une décolonisation réussie et pacifique. Mais la réalité est plus complexe. Colonisée par les Britanniques depuis le XIXe siècle, l’Inde devient le symbole de la lutte anticoloniale grâce à une figure majeure : Mahatma Gandhi.
Dès 1919, Gandhi prône la désobéissance civile, la non-coopération avec les autorités coloniales et la résistance non-violente. Avec Nehru, il structure un vaste mouvement populaire autour du Indian National Congress. Des campagnes massives de boycotts, de marches (comme celle du sel en 1930), de grèves et de rassemblements pacifiques mobilisent des millions d’Indiens.
Mais l’indépendance obtenue en 1947 entraîne une partition brutale entre l’Inde à majorité hindoue et le Pakistan musulman. Bilan : un million de morts, des massacres communautaires, et 12 à 15 millions de réfugiés. Gandhi meurt assassiné quelques mois plus tard.
À retenir : la non-violence peut triompher, mais les tensions religieuses sapent l’unité nationale. Le cas indien inspire d'autres luttes, notamment aux États-Unis avec Martin Luther King.
🇩🇿 L’Algérie : une guerre d’indépendance sanglante (1954–1962)
L’Algérie n’est pas une colonie comme les autres. C’est un département français peuplé de Pieds-Noirs (Européens), et la colonisation y est massive, violente, raciste. Les musulmans, majoritaires, sont discriminés et marginalisés.
En 1954, le FLN (Front de Libération Nationale) lance une guerre d’indépendance contre la France. Attentats, guérilla, répression... Le conflit dure 8 ans. La France envoie des centaines de milliers de soldats. La torture est utilisée, les civils pris en otage. C’est une guerre totale, marquée par des événements traumatisants : bataille d’Alger, massacres, exils.
En 1962, les Accords d'Évian mettent fin à la guerre. L’Algérie devient indépendante, mais le prix est lourd : 300 000 à 500 000 morts, 800 000 Européens fuient en France. L’État algérien naît dans la douleur, sous le contrôle du FLN devenu parti unique.
À retenir : la décolonisation peut être violente, destructrice, longue. Elle laisse des plaies ouvertes entre colonisés et colonisateurs… jusqu’à aujourd’hui.
🇨🇩 Le Congo belge : l’indépendance la plus chaotique (1960)
Le Congo est colonisé brutalement par la Belgique. Sous Léopold II, le pays devient une propriété privée exploitée pour son caoutchouc et son ivoire. Des millions de morts. Puis, à partir de 1908, c’est une colonie “officielle” mais sans formation politique pour les Congolais.
En 1960, dans la précipitation, la Belgique accorde l’indépendance. Le jeune Premier ministre Patrice Lumumba veut un Congo souverain et uni. Mais très vite, le pays sombre dans le chaos : mutineries, sécessions (Katanga), interventions étrangères. Lumumba est assassiné en 1961, avec la complicité de la CIA et de la Belgique.
En 1965, le général Mobutu prend le pouvoir et installe une dictature qui durera jusqu’en 1997. Il rebaptise le pays “Zaïre”, construit un culte de la personnalité et enrichit son clan, tandis que la population s’enfonce dans la misère.
À retenir : une indépendance sans préparation ni élite formée peut mener à l’effondrement. Le vide laissé par le colonisateur est parfois comblé par des régimes autoritaires soutenus de l’extérieur.
🇮🇩 L’Indonésie : une guerre oubliée contre les Pays-Bas (1945–1949)
Colonisée par les Pays-Bas depuis le XVIIe siècle, l’Indonésie est occupée par le Japon durant la Seconde Guerre mondiale. En 1945, à la capitulation japonaise, Sukarno proclame l’indépendance.
Mais les Pays-Bas veulent reprendre le contrôle. Une guerre s’engage, ignorée par l’opinion européenne. Elle durera quatre ans, fera 100 000 morts, et se termine par une victoire indonésienne en 1949, sous pression de l’ONU et des États-Unis.
L’Indonésie devient alors un État souverain, dirigé par Sukarno. Mais dès les années 1960, elle bascule dans la répression : coup d’État de Suharto, dictature, purges anti-communistes (plus de 500 000 morts en 1965–66), conflits internes (Papouasie, Timor oriental).
À retenir : même les décolonisations “gagnées” peuvent déboucher sur des régimes autoritaires. L’instabilité post-coloniale est souvent aggravée par la guerre froide et la peur du communisme.
🇻🇳 Le Vietnam : de la décolonisation à la guerre mondiale
Colonisé par la France au XIXe siècle, le Vietnam subit aussi l’occupation japonaise durant la Seconde Guerre mondiale. En 1945, Hô Chi Minh proclame l’indépendance au nom du peuple vietnamien.
La France refuse et tente de reprendre le contrôle. Débute alors la guerre d’Indochine (1946–1954). Après huit ans de combats acharnés, les Français sont battus à Dien Bien Phu. Les Accords de Genève divisent le pays en deux : Nord communiste, Sud pro-occidental.
Mais la division ne tient pas. La guerre reprend, cette fois contre les États-Unis. C’est la guerre du Vietnam (1955–1975), un conflit majeur de la guerre froide. Finalement, en 1975, le Nord communiste l’emporte, et le pays est réunifié.
À retenir : la décolonisation peut être étouffée, déformée, récupérée par les logiques de la guerre froide. Elle ne garantit pas la paix ni la souveraineté immédiate.
🧠 À retenir
- Chaque pays suit une trajectoire spécifique, entre guerre, négociation, effondrement ou compromis.
- L’Inde incarne la lutte non violente, mais avec des conséquences dramatiques (partition).
- L’Algérie montre la violence de la décolonisation quand les colons refusent le départ.
- Le Congo belge illustre le chaos total post-indépendance en l’absence de préparation.
- L’Indonésie et le Vietnam prouvent que l’indépendance n’est pas toujours synonyme de stabilité.
🔗 Pour aller plus loin
- Comprendre les notions clés de la décolonisation
- Le rôle du Tiers Monde dans la guerre froide
- Guerre d’Algérie – Wikipédia
Ces études de cas nous montrent que la décolonisation n’est pas une simple page tournée. C’est un processus long, conflictuel, toujours inscrit dans les mémoires des peuples. Dans la conclusion, nous ferons le bilan de ces décennies de bouleversements, et nous verrons pourquoi la décolonisation continue de poser des questions politiques majeures aujourd’hui encore.
Conclusion – La décolonisation : rupture historique et héritage contemporain
La déc...olonisation Terminale ne se résume pas à une série de dates ou à une simple transition d’un drapeau à un autre. C’est une rupture majeure dans l’histoire mondiale du XXe siècle. Elle incarne un bouleversement profond des rapports de force, des identités et des modèles politiques. Elle s’inscrit dans la durée, avec des causes anciennes, des rythmes variés et des conséquences durables, encore visibles aujourd’hui. Il est donc essentiel, en tant qu’élève de Terminale ou simple citoyen, de comprendre les enjeux historiques, géopolitiques et humains de ce processus global.
🔍 Une logique de rupture et de continuité
Le phénomène de décolonisation s’étend de 1945 aux années 1990. Il est ponctué de trois grandes vagues : l’Asie en pionnière, l’Afrique dans les années 1950–1960, puis l’effondrement final des empires (Portugal, Afrique australe…). Mais cette chronologie cache une immense diversité.
Certains pays comme l’Inde ou le Ghana accèdent pacifiquement à l’indépendance. D’autres, comme l’Algérie, le Vietnam ou le Kenya, l’obtiennent au prix de guerres meurtrières. La logique coloniale, fondée sur l’infériorisation des colonisés, le pillage des ressources, la répression et la domination culturelle, ne s’efface pas d’un coup.
La rupture est bien réelle : de nouveaux États apparaissent, les peuples prennent le contrôle de leur destin, et les anciennes métropoles sont contraintes de reconnaître leur perte d’autorité. Mais la continuité existe aussi : les liens économiques, linguistiques, géopolitiques perdurent, parfois sous une autre forme (comme la Françafrique).
⚔️ Un processus conflictuel et douloureux
La décolonisation est rarement pacifique. Elle génère des tensions internes (entre ethnies, religions, régions), des conflits avec la métropole, et des rivalités entre blocs (États-Unis, URSS, Europe). Le cas de l’Algérie est emblématique : guerre civile, torture, exil, mémoires divisées. Mais on pourrait aussi citer le Rwanda, le Congo belge, ou encore le Timor oriental, où les transitions ont viré au chaos.
Les traumatismes sont profonds. Les guerres d’indépendance tuent des centaines de milliers de personnes. Les populations sont déplacées. Les anciennes élites indigènes doivent soudain gouverner des États mal préparés, sans infrastructures, ni administration formée. Résultat : instabilité chronique, coups d’État, dictatures militaires.
🗺️ Une recomposition géopolitique du monde
La fin des empires coloniaux coïncide avec la guerre froide. Chaque nouvelle nation devient un enjeu stratégique. États-Unis et URSS tentent d’influencer les États du Tiers Monde. L’Afrique devient un terrain d’affrontement indirect (ex. : Angola, Mozambique). Certains pays, comme l’Inde, refusent de choisir un camp et deviennent les fers de lance du mouvement des non-alignés.
Cette recomposition s’observe aussi à l’ONU : en 1945, peu d’États africains y siègent. En 1970, ils sont des dizaines. Ces pays utilisent leur poids collectif pour revendiquer une nouvelle gouvernance mondiale : plus équitable, plus juste. Mais ces efforts sont freinés par la dépendance économique, la dette, ou la pression diplomatique.
💼 Des indépendances sous contraintes
L’indépendance politique ne garantit pas l’indépendance économique. La plupart des anciens empires mettent en place des accords de coopération qui maintiennent une forme de tutelle : importations de produits coloniaux, aides conditionnées, bases militaires.
Le concept de néocolonialisme naît alors : un système où les anciennes puissances continuent d’exercer leur influence, sans administration directe. On parle aussi de “colonisation invisible” ou “indépendance sous perfusion”.
Dans certains cas, les nouvelles élites nationales s’allient aux anciens colonisateurs, créant des régimes corrompus ou autoritaires, loin des espoirs du peuple.
🎓 Un combat pour la mémoire et la justice
En France comme ailleurs, la décolonisation laisse des plaies mémorielles. Longtemps ignorées dans les manuels, les guerres coloniales comme celle d’Algérie sont revenues au cœur du débat public. Les mots mêmes ont été contestés : fallait-il parler de guerre ou d’opérations de maintien de l’ordre ?
Des personnalités comme Simone Veil ou Frantz Fanon ont mis en lumière les souffrances, les injustices, les traumatismes. Fanon, psychiatre martiniquais engagé dans la lutte algérienne, écrivait : « Le colonisé est un homme à qui l’on apprend constamment à baisser la tête. »
Des revendications de réparation émergent : restitutions d’objets volés, excuses officielles, revalorisation des héros de l’indépendance, intégration des mémoires coloniales dans les programmes scolaires.
📚 À retenir
- La décolonisation est un processus historique majeur du XXe siècle, global, conflictuel et inachevé.
- Elle se fait dans des contextes politiques, économiques et culturels très variés.
- Ses conséquences vont bien au-delà de la simple indépendance politique.
- Elle laisse des mémoires vives et des débats encore brûlants dans les sociétés contemporaines.
🌍 Et aujourd’hui ?
Les conséquences de la décolonisation se ressentent encore. Les inégalités Nord-Sud, les migrations postcoloniales, les conflits armés en Afrique ou au Moyen-Orient, les tensions identitaires… tous ces phénomènes ont une racine partielle dans l’histoire coloniale.
Certains anciens empires ont noué des partenariats durables avec leurs anciennes colonies (Commonwealth britannique, Organisation internationale de la Francophonie). D’autres, comme la Belgique ou le Portugal, ont parfois rompu brutalement.
Dans les sociétés occidentales, les enjeux mémoriels sont plus présents que jamais : statues déboulonnées, débats sur le racisme systémique, luttes pour une histoire décoloniale… Ces mouvements rappellent que l’histoire ne s’efface pas. Elle se transmet, se questionne, se réécrit.
🔗 Pour approfondir
- Cours complet – Colonisation et décolonisation
- Mémoire coloniale en France
- France Culture : une histoire encore vivace
En conclusion, comprendre la décolonisation, c’est comprendre le monde d’aujourd’hui. C’est aussi comprendre les combats pour la justice, la dignité et la souveraineté. Ce chapitre d’histoire est clos d’un point de vue juridique, mais ouvert du point de vue humain, culturel et politique. C’est une page encore en train de s’écrire.