🎯 Pourquoi l’analyse des idées de race et préjugés en France est-elle essentielle ?
L’étude des
idées de race et préjugés en France est fondamentale pour saisir les racines profondes des discriminations contemporaines, car ces concepts ne sont pas nés ex nihilo au XXe siècle mais résultent d’une longue sédimentation historique. En explorant cette thématique, nous plongeons au cœur de la mécanique politique et sociale qui, du Grand Siècle à la Troisième République, a progressivement transformé une distinction de rang social en une hiérarchie biologique supposée. Comprendre cette évolution permet de déconstruire les stéréotypes hérités de l’esclavage, de la
colonisation et du nationalisme exacerbé. Cet article s’inscrit dans une analyse plus large de l’
histoire du racisme et de l’antisémitisme en France.
🗂️ Dans cet article, tu vas découvrir :
👉 Poursuivons avec le premier chapitre pour analyser comment la noblesse et la colonisation ont forgé ce concept.
🏰 La genèse des idées de race et préjugés en France : du sang bleu au Code Noir (XVIIe siècle)
📌 De la race comme lignage à la race comme altérité
Au début du XVIIe siècle, les
idées de race et préjugés en France sont radicalement différentes de celles qui prévaudront deux siècles plus tard, car le terme « race » appartient avant tout au vocabulaire de la chasse, de l’élevage et de la noblesse. Lorsqu’un aristocrate parle de sa « race », il évoque sa maison, sa généalogie et la pureté d’un sang qui n’a pas été mésallié avec la roture, instaurant une première forme de ségrégation sociale basée sur la naissance. Cette conception, théorisée plus tard par des historiens comme Boulainvilliers, postule que la noblesse française descendrait des conquérants francs, tandis que le Tiers-État serait issu des Gaulois vaincus, créant ainsi un mythe des deux nations qui structure l’imaginaire inégalitaire de l’Ancien Régime.
Cependant, l’expansion maritime et la colonisation des Amériques vont bouleverser cette sémantique en confrontant les Français à une altérité radicale, celle des populations amérindiennes puis des captifs africains déportés. La nécessité économique d’exploiter les terres tropicales (sucre, café, tabac) pousse la monarchie à mettre en place un système esclavagiste massif qui nécessite une justification morale et juridique inédite. C’est à ce moment précis que les
idées de race et préjugés en France commencent à glisser du domaine social vers le domaine physique, la couleur de peau devenant progressivement le marqueur indélébile d’une condition servile, fondement du
racisme et antisémitisme dans les colonies françaises.
Les missionnaires et les voyageurs rapportent des récits qui, tout en soulignant parfois l’humanité des populations rencontrées, insistent sur leurs mœurs jugées « barbares » ou « païennes », ce qui permet de légitimer la domination au nom de l’évangélisation. Le préjugé de couleur n’est pas immédiat mais se construit au fur et à mesure que la population d’esclaves augmente dans les îles : il devient impératif pour la minorité blanche de verrouiller l’ordre social en associant la peau noire à l’infériorité naturelle. Cette construction mentale va s’institutionnaliser avec une violence juridique sans précédent, transformant des préjugés épars en un système d’État.
📌 Le Code Noir de 1685 : matrice juridique de la discrimination
Promulgué par Louis XIV en mars 1685, le Code Noir constitue la pierre angulaire législative sur laquelle vont s’appuyer les
idées de race et préjugés en France pendant plus d’un siècle. Ce texte de soixante articles, préparé par Colbert et finalisé par son fils le marquis de Seignelay, a pour objectif officiel de maintenir la discipline de l’Église catholique et de régler l’état et la qualité des esclaves dans les îles de l’Amérique. En réalité, il codifie la déshumanisation : l’article 44 déclare laconiquement que « les esclaves sont meubles », ce qui permet de les vendre, de les saisir par huissier et de les transmettre par héritage comme de simples objets de patrimoine.
Le Code Noir ne se contente pas de régir l’esclavage, il organise la pureté du corps social en interdisant formellement le concubinage entre Blancs et Noirs et en rendant le mariage mixte extrêmement difficile. L’obsession de la « souillure » du sang apparaît déjà en filigrane : les enfants nés de mères esclaves sont esclaves à vie, perpétuant la condition servile par le sang maternel (article 13), ce qui ancre l’idée que l’infériorité se transmet biologiquement. De plus, l’article 1er ordonne l’expulsion des Juifs des colonies, montrant que l’exclusion raciale et l’exclusion religieuse fonctionnent de concert dans la logique absolutiste.
En métropole, la méfiance grandit également : tout au long du XVIIIe siècle, des édits (comme la Déclaration pour la police des Noirs de 1777) tentent de limiter la présence des gens de couleur sur le sol du royaume, de peur qu’ils ne « corrompent » le sang français par des mariages mixtes. On crée des « dépôts de nègres » dans les ports pour contrôler ces populations, illustrant une politique d’État qui vise à séparer physiquement les groupes humains. Pour approfondir le texte original, vous pouvez consulter le manuscrit du Code Noir sur le site de la BnF.
🕯️ Les Lumières et les idées de race et préjugés en France : entre humanisme et classification (XVIIIe siècle)
📌 Le paradoxe des philosophes face à l’altérité
Le siècle des Lumières, souvent célébré pour son combat contre l’obscurantisme et l’intolérance religieuse, entretient un rapport profondément ambivalent avec les
idées de race et préjugés en France. Si l’humanisme théorique proclame l’unité du genre humain, de nombreux philosophes peinent à s’affranchir des stéréotypes de leur temps et participent, parfois involontairement, à la hiérarchisation des cultures. Voltaire, par exemple, dans son
Essai sur les mœurs, tout en attaquant le fanatisme chrétien, décrit les Africains comme une espèce d’hommes à part, dotée d’une intelligence inférieure, validant ainsi par son immense autorité intellectuelle des préjugés racistes.
L’antijudaïsme des Lumières est également virulent, bien que distinct de l’antijudaïsme chrétien médiéval : pour des penseurs comme Voltaire ou d’Holbach, les Juifs sont critiqués non plus pour avoir tué Jésus, mais pour leur attachement supposé à des superstitions archaïques et leur incapacité à s’intégrer à la raison universelle. On leur reproche un particularisme incompatible avec l’universalisme naissant, ce qui préfigure l’antisémitisme moderne qui reprochera aux Juifs d’être un « État dans l’État ». Ces écrits montrent que la lutte pour la liberté d’expression n’était pas incompatible avec le mépris de l’Autre.
À l’opposé, des voix s’élèvent pour dénoncer l’horreur de la traite et de l’esclavage, comme celle de Louis-Sébastien Mercier, de l’abbé Raynal ou de Diderot dans l’
Histoire des deux Indes. Montesquieu, avec son ironie mordante, démonte les arguments des esclavagistes, soulignant que si les Noirs avaient l’âme blanche, les Européens ne pourraient justifier leur exploitation. La Société des Amis des Noirs, fondée à la veille de la Révolution, incarne ce courant humaniste précurseur des futures
luttes et lois contre le racisme et l’antisémitisme en France, mais elle se heurtera à la puissance des intérêts économiques.
📌 La science classifiante : Buffon et l’échelle des êtres
L’autre vecteur majeur des
idées de race et préjugés en France au XVIIIe siècle est l’essor de l’histoire naturelle. La volonté de classer, d’ordonner et de nommer le vivant pousse les savants à appliquer à l’homme les méthodes utilisées pour les plantes et les animaux. Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, intendant du Jardin du Roi, joue un rôle central avec son
Histoire naturelle. Bien qu’il défende le monogénisme (l’idée que tous les hommes viennent d’une souche unique), il développe la théorie de la dégénérescence : l’homme blanc serait le modèle originel, la norme esthétique et morale, tandis que les autres peuples auraient « dégénéré » sous l’influence des climats défavorables.
Cette vision place l’Europe tempérée au sommet de la hiérarchie humaine et relègue les peuples des zones torrides ou glaciales à un statut inférieur, expliquant leurs différences physiques et culturelles par une dégradation de la nature humaine parfaite. Parallèlement, le naturaliste suédois Linné, très lu en France, va plus loin en attribuant des caractères psychologiques fixes à chaque « variété » humaine (l’Africain serait « flegmatique », l’Européen « sanguin »). Ces descriptions, sous couvert de rigueur scientifique, essentialisent les différences et fournissent un arsenal argumentaire à ceux qui veulent prouver que l’inégalité est inscrite dans la nature.
Ainsi, le racisme ne naît pas de l’ignorance, mais paradoxalement du progrès des connaissances : c’est la science des Lumières qui, en voulant comprendre la diversité humaine, a construit les catégories raciales qui allaient servir à justifier la domination coloniale au siècle suivant. L’anthropologie naissante commence à mesurer, comparer et hiérarchiser, ouvrant la voie au racisme biologique du XIXe siècle.
⚔️ Révolution, Empire et idées de race et préjugés en France (1789-1848)
📌 1789-1794 : L’universalisme à l’épreuve de la couleur
La Révolution française agit comme un révélateur des tensions extrêmes autour des
idées de race et préjugés en France. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 affirme l’égalité naturelle, mais son application aux colonies et aux minorités suscite des débats furieux. Le lobby colonial, organisé autour du club Massiac, défend bec et ongles le maintien de l’esclavage et de la barrière de couleur, arguant que l’économie nationale s’effondrerait sans la main-d’œuvre servile et que la Déclaration ne s’applique pas aux « propriétés ».
Les « libres de couleur » (mulâtres et noirs affranchis), souvent propriétaires d’esclaves eux-mêmes, réclament l’égalité civique avec les Blancs. Après des tergiversations, l’Assemblée Constituante leur accorde des droits politiques limités en 1791, ce qui provoque la révolte des colons blancs. Mais c’est l’insurrection massive des esclaves de Saint-Domingue en août 1791 qui change la donne : face à la perte de contrôle de la plus riche colonie, la Convention finit par abolir l’esclavage le 16 pluviôse an II (4 février 1794), sous les acclamations, reconnaissant enfin l’humanité pleine et entière des Noirs. C’est un recul historique majeur des préjugés institutionnels.
Concernant les Juifs, la Révolution marque également une rupture décisive. Après l’émancipation des Juifs du Sud-Ouest, puis de l’Est, la France devient le premier pays européen à accorder la citoyenneté totale aux Juifs. Cependant, cette inclusion se fait sur la base d’un contrat d’assimilation stricte : les Juifs doivent renoncer à leurs structures communautaires autonomes pour se fondre dans la nation une et indivisible. L’abbé Grégoire, figure tutélaire de ces combats, incarne cette volonté d’intégrer les exclus tout en espérant leur « régénération » morale et physique.
📌 Le retour de l’ordre racial sous Napoléon et la Restauration
La parenthèse égalitaire se referme brutalement avec l’arrivée au pouvoir de Napoléon Bonaparte. Guidé par une vision pragmatique et autoritaire, et influencé par le milieu créole de son épouse Joséphine, il rétablit l’esclavage par la loi du 20 mai 1802. Ce retour en arrière législatif unique dans l’histoire s’accompagne d’une réactivation violente des
idées de race et préjugés en France : l’entrée des Noirs en métropole est de nouveau interdite, les mariages mixtes sont prohibés, et l’administration coloniale se montre plus ségrégationniste que sous l’Ancien Régime.
L’expédition de Saint-Domingue, destinée à écraser la révolte noire et rétablir l’ordre esclavagiste, tourne au désastre pour l’armée française et aboutit à l’indépendance d’Haïti en 1804. Cet événement traumatisant pour l’élite française renforce la peur du « péril noir » et la conviction que la cohabitation des races est impossible sans une domination de fer. En métropole, le regard sur les Noirs se durcit, nourri par une iconographie qui commence à les caricaturer de manière grotesque.
Les Juifs ne sont pas épargnés par cette reprise en main. En 1808, Napoléon promulgue le « décret infâme » qui impose des restrictions commerciales discriminatoires aux Juifs de l’Est pour une durée de dix ans, considérant qu’ils ne sont pas encore dignes de la pleine égalité. Il faudra attendre la révolution de 1848 et l’action déterminée de Victor Schœlcher pour que l’esclavage soit définitivement aboli et que la citoyenneté soit rendue aux populations des « vieilles colonies », marquant une nouvelle victoire du droit sur le préjugé biologique. Pour comprendre l’ampleur de ce moment, je vous invite à lire la page consacrée à l’abolition de l’esclavage sur Lumni.
🔬 L’essor du racisme scientifique et la fixation des idées de race et préjugés en France (XIXe siècle)
📌 La mesure de l’homme : craniométrie et phrénologie
Au milieu du XIXe siècle, les
idées de race et préjugés en France changent de nature : elles quittent le domaine de l’opinion ou de la tradition pour entrer dans celui de la science positive. Le développement de l’anthropologie physique, portée par des savants comme Paul Broca ou Georges Cuvier, vise à établir des vérités incontestables basées sur l’anatomie. C’est l’âge d’or de la craniométrie, qui consiste à mesurer les volumes crâniens et les angles faciaux pour en déduire les capacités intellectuelles des groupes humains.
Paul Broca, fondateur de la Société d’Anthropologie de Paris en 1859, affirme que le volume du cerveau est directement corrélé à l’intelligence. Ses mesures, biaisées par ses préjugés initiaux, « prouvent » inlassablement la supériorité de l’homme blanc, bourgeois et citadin, sur les femmes, les prolétaires et les races dites « inférieures ». Cette biologisation du social permet de justifier les inégalités dans une société qui se veut pourtant méritocratique. Le racisme n’est plus une opinion, c’est une démonstration mathématique, ce qui le rend d’autant plus redoutable et difficile à combattre.
L’histoire tragique de Saartjie Baartman, la « Vénus hottentote », est emblématique de cette chosification. Exhibée dans les foires européennes pour son physique stéatopyge, elle est disséquée après sa mort par Cuvier au Muséum d’histoire naturelle. Ses organes génitaux et son cerveau sont conservés dans du formol et son squelette exposé, servant de « preuve » tangible de la proximité supposée entre les Africains et les grands singes. Le corps de l’Autre devient un objet de curiosité morbide et de validation des théories racistes.
📌 Arthur de Gobineau et le mythe de l’inégalité
Si les scientifiques mesurent, les écrivains théorisent. Arthur de Gobineau publie entre 1853 et 1855 son
Essai sur l’inégalité des races humaines, un pavé dans la mare qui va durablement influencer les
idées de race et préjugés en France et en Europe. Gobineau y développe une vision pessimiste de l’histoire : pour lui, la race est le moteur unique des civilisations. Il établit une hiérarchie stricte avec la race blanche, et particulièrement la branche aryenne, au sommet, seule capable de créer de l’ordre et de la beauté.
Cependant, la thèse de Gobineau est celle d’une décadence inévitable. Il pense que les civilisations, en s’étendant, finissent toujours par se métisser avec les races inférieures qu’elles ont conquises, ce qui dilue le sang noble et entraîne leur chute. Le métissage est vu comme un poison mortel pour la civilisation. Bien que Gobineau n’appelle pas à la violence ou à l’extermination (il pense que le processus est déjà trop avancé pour être stoppé), ses écrits fournissent une grille de lecture raciale de l’histoire qui sera récupérée par les nationalistes allemands et plus tard par les nazis.
En France, cette idéologie renforce la peur de la « dégénérescence » nationale, particulièrement durant la période de
racisme et antisémitisme dans la France républicaine (1870–1914). Après la défaite de 1870 contre la Prusse, l’angoisse d’un affaiblissement biologique de la race française hante les élites. On encourage le sport, l’hygiène et on surveille l’immigration pour « régénérer » le sang gaulois, montrant comment les théories raciales s’infiltrent dans les politiques de santé publique et d’éducation.
🕎 L’antisémitisme racial : une nouvelle facette des idées de race et préjugés en France (fin XIXe)
📌 Du rejet religieux à la haine raciale
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l’hostilité envers les Juifs opère une mutation fondamentale, s’intégrant pleinement aux nouvelles
idées de race et préjugés en France. L’antijudaïsme traditionnel, fondé sur des arguments théologiques, perd du terrain dans une société qui se laïcise. Il est remplacé par un antisémitisme économique et racial. L’intégration réussie des Juifs dans la République, leur accès aux hautes fonctions de l’État et à la banque, suscite jalousies et fantasmes de complot.
Le terme « sémite », emprunté à la linguistique (qui distinguait les langues indo-européennes des langues sémitiques), devient une catégorie raciale. Ernest Renan, pourtant savant respecté, oppose dans ses cours l’esprit aryen, créatif et rationnel, à l’esprit sémite, rigide et monothéiste. Cette dichotomie académique est vulgarisée et radicalisée par des polémistes violents. Le Juif n’est plus celui qui refuse le Christ, mais celui qui est biologiquement différent du « Français de souche », un corps étranger inassimilable qui menace l’intégrité de la nation.
📌 Drumont, la presse et l’Affaire Dreyfus
Le catalyseur de cette haine nouvelle est Édouard Drumont, qui publie en 1886
La France juive. Ce pamphlet, immense succès de librairie, synthétise tous les griefs : le Juif y est décrit comme un prédateur financier, un traître potentiel et un être physiquement disgracieux (nez crochu, mains griffues), stéréotypes qui saturent les caricatures de presse. Drumont fonde le journal
La Libre Parole, qui diffuse ces idées haineuses à grande échelle, exploitant le scandale de Panama pour dénoncer la « finance juive ».
L’Affaire Dreyfus (1894-1906) est le point d’orgue de cette montée des périls. La condamnation du capitaine Dreyfus pour trahison, sans preuves réelles, repose entièrement sur le préjugé qu’un Juif, même officier français, ne peut être totalement loyal à la France. L’explosion de violence verbale et physique qui accompagne l’Affaire, divisant la France en deux camps, révèle à quel point l’antisémitisme racial a pénétré les esprits, préfigurant les persécutions futures de
Vichy et de la Shoah en France. Pour en savoir plus sur les mécanismes de cette haine, vous pouvez consulter les ressources du
Mémorial de la Shoah, qui documente cette montée vers l’abîme.
🎨 La culture populaire comme vecteur des idées de race et préjugés en France
📌 L’exotisme colonial et les zoos humains
Les
idées de race et préjugés en France ne restent pas confinées dans les livres savants ; elles imprègnent toute la culture visuelle et populaire de la fin du XIXe siècle. L’expansion de l’Empire colonial (Indochine, Afrique de l’Ouest, Madagascar) suscite un engouement pour l’exotisme. La publicité, la chanson de café-concert et la littérature d’aventure (comme celle de Pierre Loti) véhiculent une image romancée mais hiérarchisée des colonies : l’indigène y est soit un grand enfant naïf à éduquer, soit un sauvage sanguinaire à pacifier.
Le phénomène des « zoos humains » ou exhibitions ethnographiques marque l’apogée de cette mise en spectacle du racisme. Au Jardin d’Acclimatation de Paris, à partir de 1877, des entrepreneurs exhibent des Nubiens, des Inuits, des Canaques ou des Ashantis dans des décors reconstitués. Le public parisien vient en famille observer ces « spécimens » derrière des grilles, leur jetant de la nourriture comme à des animaux. Ces exhibitions, qui culmineront lors des Expositions universelles, habituent le regard des Français à voir l’Autre comme un être radicalement différent, inférieur et dominé, légitimant ainsi l’œuvre coloniale « civilisatrice ».
L’imagerie publicitaire (le tirailleur sénégalais de Banania, la lessive qui « blanchit le nègre ») fixe ces stéréotypes dans le quotidien. Ces représentations simplistes et racistes, répétées à l’infini sur les murs des villes et dans les journaux, construisent un inconscient collectif colonial qui perdurera bien après la décolonisation et nourrit encore le
racisme et l’antisémitisme en France depuis 1945. C’est ce bain culturel permanent qui a rendu les thèses racistes acceptables pour une grande partie de la population.
🧠 À retenir sur les idées de race et préjugés en France
- L’évolution sémantique : le mot « race » passe d’une signification sociale (noblesse) à une signification biologique au contact de l’esclavage colonial.
- Le Code Noir (1685) : texte fondateur qui inscrit l’inégalité raciale dans le droit français et interdit le mélange des sangs.
- Le paradoxe des Lumières : une époque d’émancipation qui voit pourtant naître les classifications raciales pseudo-scientifiques (Buffon, Linné).
- Le tournant scientifique du XIXe siècle : la craniométrie et les théories de Gobineau donnent une caution « scientifique » au racisme et à la hiérarchie des peuples.
- La mutation de l’antisémitisme : la haine des Juifs se racialise à la fin du XIXe siècle (Drumont, Affaire Dreyfus), devenant un enjeu politique national.
❓ FAQ : Questions fréquentes sur l’histoire du racisme en France
🧩 Quand le racisme est-il devenu une théorie scientifique en France ?
C’est véritablement au milieu du XIXe siècle, avec l’essor de l’anthropologie physique et les travaux de Paul Broca ou Gobineau, que le racisme s’est paré d’arguments scientifiques, prétendant prouver l’inégalité par la biologie.
🧩 Quel était le but des zoos humains ?
Les zoos humains servaient à divertir le public tout en justifiant la colonisation. En montrant les peuples colonisés comme des sauvages primitifs, on prouvait par l’image la nécessité de leur apporter la « civilisation » française.
🧩 Les philosophes des Lumières ont-ils combattu l’esclavage ?
Le bilan est mitigé. Si certains comme Condorcet ou l’abbé Raynal ont fermement condamné l’esclavage, d’autres comme Voltaire ont eu des positions ambiguës, voire méprisantes. Le mouvement abolitionniste s’est surtout structuré à la fin du siècle avec la Société des Amis des Noirs.
🧩 En quoi l’antisémitisme de l’Affaire Dreyfus est-il nouveau ?
Il est nouveau car il est politique et racial, et non plus seulement religieux. Il utilise la presse de masse pour diffuser l’idée que les Juifs forment une « race » étrangère conspirant contre la nation, une idée qui préfigure les horreurs du XXe siècle.
🧩 Quiz – Histoire des idées de race et préjugés en France