🎯 Pourquoi la propagande nazie est-elle un cas d’école historique ?
L’étude de la propagande nazie est fondamentale pour comprendre comment une démocratie moderne a pu basculer dans le totalitarisme le plus absolu au cours du XXe siècle. Dès l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler en janvier 1933, le régime met en place une machine de persuasion sans précédent, utilisant les technologies modernes comme la radio et le cinéma pour façonner l’esprit public. Ce système, orchestré par Joseph Goebbels, ne se contente pas de diffuser des mensonges, mais vise à créer une nouvelle réalité idéologique et à exclure violemment des pans entiers de la population. Dans cet article, nous allons décortiquer les mécanismes précis de cet encadrement, des grands rassemblements de Nuremberg aux dessins animés pour enfants, pour saisir l’ampleur de cette manipulation de masse.
🗂️ Dans cet article, tu vas découvrir :
- 🏛️ L’organisation étatique de la propagande sous le IIIe Reich
- 📻 La mainmise totale sur les médias de masse
- 🚩 Le culte du Führer et la mise en scène du pouvoir
- 🥁 L’encadrement de la jeunesse et de la société
- ✡️ La construction de l’ennemi et l’antisémitisme
- ⚔️ La propagande dans la guerre totale (1939-1945)
- 🧠 À retenir
- ❓ FAQ
- 🧩 Quiz
👉 Poursuivons avec le premier chapitre pour bien comprendre comment ce système tentaculaire s’est mis en place dès 1933.
🏛️ L’organisation étatique de la propagande sous le IIIe Reich
📌 La création d’un ministère inédit : le RMVP
Dès l’accession d’Adolf Hitler à la chancellerie, la priorité absolue est de consolider le pouvoir nazi en contrôlant l’information et la culture. Le 13 mars 1933, soit moins de deux mois après la prise de pouvoir, un décret fonde le Ministère du Reich à l’Éducation du peuple et à la Propagande (Reichsministerium für Volksaufklärung und Propaganda, ou RMVP). C’est une rupture historique majeure : pour la première fois, un État moderne se dote officiellement d’un ministère dédié exclusivement à la manipulation de l’opinion publique en temps de paix. Ce ministère ne sert pas seulement à informer, mais à « éclairer » le peuple, selon la terminologie nazie, c’est-à-dire à lui imposer la vision du monde nationale-socialiste. La centralisation est totale et immédiate, permettant au régime de supprimer toute voix dissidente.
À la tête de ce ministère se trouve Joseph Goebbels, un orateur fanatique et fidèle de la première heure, titulaire d’un doctorat en philologie, qui comprend mieux que quiconque la puissance des mots et des images. Goebbels structure son ministère en plusieurs divisions couvrant tous les aspects de la vie intellectuelle : presse, radio, cinéma, théâtre, littérature, musique et arts plastiques. L’objectif est clair : il ne doit exister aucune sphère de la vie publique ou privée qui échappe à l’influence de l’idéologie nazie. Pour approfondir les origines de ces techniques, tu peux consulter notre article sur la propagande de guerre de 1914-1918, dont les nazis se sont inspirés en analysant les succès alliés.
Le budget du ministère explose rapidement, passant de 14 millions de Reichsmarks en 1933 à plus de 187 millions en 1941. Cette manne financière permet de recruter des milliers de fonctionnaires zélés et de moderniser les infrastructures de communication de l’Allemagne. Goebbels organise des conférences de presse quotidiennes où il dicte aux journalistes non seulement ce qu’ils doivent écrire, mais aussi le ton à employer et la taille des titres. C’est la fin de la liberté de la presse : les journaux d’opposition, notamment communistes et socialistes, sont interdits ou leurs imprimeries saccagées par les SA. La « vérité » devient ce que le ministère décide, créant une bulle informationnelle hermétique autour du peuple allemand.
📌 La Chambre de la culture et la « Gleichschaltung »
Pour parachever ce contrôle, le régime met en place un processus appelé Gleichschaltung, que l’on peut traduire par « mise au pas » ou « synchronisation » de la société. En septembre 1933, Goebbels crée la Chambre de la culture du Reich (Reichskulturkammer). Cette institution est l’outil administratif de la censure et de l’exclusion. Pour exercer un métier artistique ou journalistique (écrivain, musicien, acteur, peintre, éditeur), il devient obligatoire d’être membre de la chambre correspondante. L’adhésion est soumise à deux conditions strictes : une fiabilité politique avérée et, surtout, la preuve de l’ascendance « aryenne ».
Ce système permet une épuration culturelle massive sans avoir besoin d’interdire chaque œuvre individuellement : il suffit d’interdire à l’artiste de travailler. Des milliers d’artistes juifs, de créateurs d’avant-garde ou d’opposants politiques se retrouvent du jour au lendemain sans emploi, contraints à l’exil ou au silence. C’est ainsi que l’Allemagne perd une grande partie de son élite intellectuelle, comme Thomas Mann ou Fritz Lang. La culture allemande, autrefois foisonnante et diverse sous la République de Weimar, se fige dans un néo-classicisme monumental et un art völkisch (populaire et racial) qui exalte le sang et le sol. En parallèle, les bibliothèques sont purgées, culminant avec les tristement célèbres autodafés de mai 1933, où les livres jugés « anti-allemands » sont brûlés publiquement.
L’encadrement ne se limite pas aux professionnels : il touche aussi les amateurs et les associations locales. Les chorales, les clubs de sport, les associations de jardinage sont tous intégrés dans des structures nazies ou dissous. La propagande nazie ne se diffuse donc pas uniquement du haut vers le bas, mais imprègne le tissu social horizontalement. Chaque citoyen devient un relais potentiel ou un surveillant de la conformité idéologique de son voisin. Ce contrôle totalitaire vise à supprimer l’individualisme au profit de la Volksgemeinschaft (communauté du peuple), une notion clé qui définit qui appartient à la nation (les « Aryens ») et qui en est exclu.
📻 La mainmise totale sur les médias de masse
📌 La radio : l’arme principale du régime
Si la presse écrite reste importante, c’est la radio qui devient l’instrument de prédilection de la propagande nazie. Goebbels considère la radio comme le moyen le plus efficace pour atteindre les masses directement dans leur foyer, contournant l’alphabétisation ou l’effort de lecture. Dès 1933, le régime lance la production du Volksempfänger (le « récepteur du peuple »), un poste de radio bon marché (le modèle VE301 coûte 76 marks, soit une semaine de salaire moyen). L’objectif est d’équiper chaque foyer allemand. Le taux d’équipement passe de 25 % en 1933 à plus de 70 % en 1941, le taux le plus élevé au monde à l’époque.
Ces postes ont une particularité technique : ils ont une sensibilité limitée, conçue pour capter les stations locales allemandes mais difficilement les stations étrangères. Écouter les radios étrangères (comme la BBC plus tard) devient un crime sévèrement puni, parfois de mort pendant la guerre. La programmation est entièrement remaniée : la musique légère et les divertissements occupent une place prépondérante pour séduire l’auditeur, mais ils sont entrecoupés de discours politiques, de bulletins d’information orientés et d’allocutions du Führer. Hitler, dont la voix rauque et hypnotique passe mal à l’écrit, trouve dans la radio le canal idéal pour électriser les foules à distance.
Le régime organise également l’écoute collective. Dans les usines, les bureaux et les places publiques, des haut-parleurs sont installés. Lorsque Hitler parle, le travail s’arrête, les sirènes retentissent et tout le pays doit écouter « religieusement ». Cette « radio communautaire » crée un sentiment d’unité artificielle : chaque Allemand a l’impression de vibrer à l’unisson avec des millions d’autres. Pour comprendre l’évolution de ce média dans un autre contexte autoritaire, tu peux lire notre article sur la radio et le cinéma sous Vichy, qui montre comment le maréchal Pétain a utilisé des techniques similaires en France.
📌 Le cinéma : divertir pour endoctriner
Le cinéma est la passion personnelle de Joseph Goebbels, qui comprend que la propagande la plus efficace est celle qui ne se voit pas. Contrairement à l’idée reçue, la majorité des films produits sous le IIIe Reich (plus de 1000 longs métrages) sont des comédies, des mélodrames ou des films historiques apparemment apolitiques. Le but est d’offrir une échappatoire à la population, de maintenir le moral et de diffuser subtilement les valeurs nazies (le sacrifice, l’obéissance, le rôle traditionnel de la femme) sans asséner de slogans lourds. Cependant, le régime produit aussi des œuvres de pure propagande politique d’une grande maîtrise technique.
La réalisatrice Leni Riefenstahl incarne cette esthétisation de la politique. Son film Le Triomphe de la volonté (1935), qui documente le congrès du parti à Nuremberg, est un chef-d’œuvre de manipulation visuelle. Grâce à des angles de caméra innovants, des travellings et un montage rythmé, elle transforme Hitler en une figure messianique descendant des nuages pour sauver l’Allemagne. Les masses ordonnées de soldats et de civils deviennent des motifs géométriques, symbolisant l’ordre et la puissance. Ce film n’est pas un documentaire, mais une construction mythologique qui fascine encore aujourd’hui par sa force formelle et son contenu terrifiant.
À l’opposé de cette glorification, le cinéma est aussi utilisé pour instiller la haine. Le film Le Juif Süss (1940) de Veit Harlan est l’exemple le plus toxique de la propagande antisémite. Vu par plus de 20 millions de personnes en Europe, ce film de fiction historique déforme la réalité pour présenter les Juifs comme des prédateurs sexuels, des conspirateurs et des ennemis du peuple. Il est projeté obligatoirement aux gardiens de camps de concentration et aux unités SS pour désinhiber la violence. D’autres films, comme le pseudo-documentaire Le Juif éternel, utilisent des images de rats superposées à des images de ghettos pour déshumaniser les victimes et préparer psychologiquement la population à la Solution finale.
📌 La presse et l’édition : une voix unique
Même si la radio monte en puissance, la presse écrite reste un vecteur d’influence crucial pour les élites et les cadres du parti. Le parti nazi possède sa propre maison d’édition, la Eher Verlag, qui rachète progressivement la majorité des journaux allemands. Le titre phare, le Völkischer Beobachter (L’Observateur populaire), devient le quotidien officiel de l’État. D’autres publications ciblent des publics spécifiques : Der Angriff (L’Attaque) pour les travailleurs berlinois, ou l’hebdomadaire abject Der Stürmer dirigé par Julius Streicher. Ce dernier se spécialise dans la pornographie antisémite, publiant des caricatures grossières et des accusations de crimes rituels pour attiser la haine populaire la plus basique.
Les éditeurs et libraires sont tenus de promouvoir la littérature nazie. Mein Kampf, le livre-programme d’Hitler rédigé en prison en 1924, devient un best-seller artificiel : l’État l’offre à tous les jeunes mariés, assurant des millions de ventes et des royalties colossales à son auteur. Les manuels scolaires sont réécrits pour intégrer les théories raciales et le militarisme dès le plus jeune âge. L’histoire est révisée pour présenter la République de Weimar comme une période de décadence juive et le IIIe Reich comme l’aboutissement millénaire de l’histoire germanique. Pour en savoir plus sur les sources officielles de cette période, vous pouvez consulter les archives numérisées disponibles via la Bibliothèque nationale de France.
🚩 Le culte du Führer et la mise en scène du pouvoir
📌 L’architecture de la domination
La propagande nazie ne se limite pas aux médias ; elle s’inscrit dans la pierre et l’espace urbain. Hitler, artiste raté passionné d’architecture, et son architecte favori Albert Speer, conçoivent des bâtiments colossaux destinés à écraser l’individu et à glorifier l’État. Le site des congrès du parti à Nuremberg en est l’illustration parfaite. Le Zeppelinfeld, avec sa tribune inspirée de l’autel de Pergame, peut accueillir des centaines de milliers de participants. L’architecture est massive, rectiligne, utilisant le granit pour suggérer l’éternité du « Reich de mille ans ».
Lors des rassemblements nocturnes, Speer invente la « cathédrale de lumière » : plus de 130 projecteurs de la défense antiaérienne (Flak) sont pointés vers le ciel à la verticale, créant des colonnes de lumière qui semblent soutenir une voûte céleste artificielle. L’effet est mystique et religieux. Le nazi ne se vit pas comme un citoyen politique, mais comme le fidèle d’une nouvelle religion séculière. Ces mises en scène visent à provoquer une extase collective, où l’esprit critique s’efface devant l’émotion brute et le sentiment de puissance partagée. L’individu se sent petit physiquement, mais immense par son appartenance à la masse.
Les Jeux Olympiques de Berlin en 1936 constituent l’apogée de cette diplomatie de la façade. Le régime suspend temporairement les campagnes antisémites les plus violentes pour présenter au monde l’image d’une Allemagne « nouvelle », pacifique, ordonnée et athlétique. Le stade olympique monumental est une vitrine de la réussite nazie. La propagande y est subtile : l’efficacité de l’organisation et la beauté des infrastructures doivent prouver la supériorité du système nazi sur les « démocraties décadentes ». C’est un succès international trompeur qui endort la méfiance de nombreux observateurs étrangers.
📌 Le mythe du Führer
Au cœur de tout le dispositif se trouve le « Führerprinzip » (le principe du chef) et le culte de la personnalité d’Adolf Hitler. La propagande construit méticuleusement une image double du dictateur. D’un côté, il est le surhomme, l’homme providentiel envoyé par le destin pour venger la défaite de 1918 et redonner sa fierté à l’Allemagne. Il est présenté comme infaillible, travaillant jour et nuit, sacrifiant sa vie privée pour la nation. Le slogan « Hitler est l’Allemagne, l’Allemagne est Hitler » résume cette identification totale.
De l’autre côté, la propagande (notamment via les photos d’Heinrich Hoffmann) le montre comme un homme simple, proche du peuple, aimant les enfants et les chiens (sa bergère allemande Blondi), végétarien et modeste. Cette humanisation permet de créer un lien affectif fort avec les Allemands ordinaires. Même lorsque le parti nazi ou les petits chefs locaux sont critiqués (« Si le Führer savait ça ! »), la figure d’Hitler reste longtemps préservée des critiques. Ce mythe est essentiel pour maintenir la cohésion nationale, même lorsque la guerre tourne mal. Pour mieux comprendre la place des dirigeants dans les régimes autoritaires, le site du Mémorial de Caen offre des ressources pédagogiques très riches sur la comparaison des totalitarismes.
Le salut hitlérien (« Heil Hitler ») devient obligatoire pour les fonctionnaires puis se généralise dans toute la société, remplaçant le « Bonjour ». C’est un acte de soumission quotidien : refuser de le faire, c’est se signaler comme opposant. Les portraits du Führer sont présents dans toutes les classes, les bureaux de poste et de nombreux salons privés. Ce culte omniprésent crée une pression conformiste où chacun surveille l’enthousiasme de l’autre, renforçant l’autocontrôle de la population.
🥁 L’encadrement de la jeunesse et de la société
📌 La jeunesse hitlérienne : l’avenir du Reich
Le régime nazi comprend que pour durer « mille ans », il doit formater les esprits dès le berceau. La jeunesse est la cible prioritaire. « Celui qui a la jeunesse, a l’avenir », répète Hitler. Les mouvements de jeunesse concurrents (scouts, jeunesses catholiques ou socialistes) sont interdits ou absorbés. La Jeunesse Hitlérienne (Hitlerjugend ou HJ) pour les garçons et la Ligue des jeunes filles allemandes (Bund Deutscher Mädel ou BDM) deviennent les seules structures autorisées. En 1936, l’adhésion devient quasi-obligatoire, et totalement obligatoire en 1939.
Pour les garçons, la propagande exalte la virilité, la camaraderie, la violence et le sacrifice militaire. Les activités (camping, marches, sports de combat) préparent les corps à la guerre. On leur apprend à ne pas craindre la mort et à obéir aveuglément aux ordres. Pour les filles, le BDM prépare au rôle de mère et d’épouse au foyer, gardienne de la pureté du sang allemand. Elles font du sport pour être en bonne santé et enfanter de futurs soldats, et apprennent l’économie domestique. L’éducation intellectuelle est reléguée au second plan derrière la formation physique et idéologique.
Cet encadrement crée souvent un conflit de loyauté au sein des familles. Les enfants, endoctrinés à l’école et à la HJ, sont encouragés à dénoncer leurs propres parents s’ils critiquent le régime. L’autorité du parti supplante l’autorité paternelle. De nombreux jeunes Allemands ont été séduits par le sentiment d’importance et de pouvoir que leur donnait l’uniforme, l’aventure et l’appartenance à un groupe d’élite, ne réalisant que trop tard la manipulation dont ils étaient victimes.
📌 Contrôler les travailleurs et les loisirs
Pour s’assurer la loyauté de la classe ouvrière, historiquement proche du socialisme et du communisme, le régime nazi détruit les syndicats dès mai 1933 et les remplace par le Front allemand du travail (DAF). Au sein du DAF, l’organisation « La Force par la Joie » (Kraft durch Freude ou KdF) joue un rôle central de propagande sociale. KdF organise les loisirs des ouvriers : concerts, théâtre, cours de gymnastique, et surtout tourisme de masse. Des croisières vers la Norvège ou Madère sont proposées à des prix cassés, permettant à des ouvriers modestes de voyager comme des bourgeois.
Le projet de la « voiture du peuple » (Volkswagen), lancée par Hitler, fait partie de cette stratégie. Même si peu d’Allemands recevront leur voiture avant la guerre (l’usine se reconvertissant pour l’armement), la promesse de la prospérité et de la motorisation pour tous est un outil de propagande puissant. Le régime veut prouver que le « socialisme national » apporte des avantages concrets aux travailleurs, en échange de leur liberté politique et de leur soumission aux cadences infernales des usines d’armement. Cette politique de séduction permet d’acheter la paix sociale et de réduire la résistance ouvrière.
✡️ La construction de l’ennemi et l’antisémitisme
📌 Définir l’exclusion pour souder la communauté
La propagande nazie fonctionne sur un principe binaire : ami / ennemi. Pour souder la « Volksgemeinschaft », il faut désigner des boucs émissaires responsables de tous les maux de l’Allemagne (défaite de 1918, inflation, chômage). L’antisémitisme est la pierre angulaire de cette vision du monde. Les Juifs ne sont pas présentés comme des êtres humains d’une autre religion, mais comme une « race » biologiquement dangereuse, un « virus » ou un « parasite » qui menace la santé du corps national allemand. Cette déshumanisation par le langage et l’image est une étape préalable indispensable au génocide.
Les expositions itinérantes, comme « Le Juif éternel » (Der ewige Jude) en 1937, attirent des centaines de milliers de visiteurs. On y présente des graphiques pseudo-scientifiques, des objets religieux juifs sortis de leur contexte et des caricatures grotesques pour « prouver » la nocivité juive. La propagande associe contradictoirement les Juifs à la fois au capitalisme financier international (Wall Street) et au bolchevisme soviétique (Moscou), créant le mythe du « judéo-bolchevisme ». Peu importe la logique, l’important est de susciter la peur et le dégoût.
D’autres groupes sont visés : les Tziganes, les homosexuels, les Témoins de Jéhovah, et les handicapés mentaux ou physiques. Ces derniers sont la cible du programme d’euthanasie « T4 ». La propagande diffuse des affiches calculant combien coûte l’entretien d’un malade mental à la société, suggérant que cet argent serait mieux dépensé pour les jeunes couples allemands sains. C’est une préparation psychologique froide et calculée au meurtre de masse des « vies indignes d’être vécues ». Tu peux approfondir ce sujet via les dossiers pédagogiques du site Lumni Enseignement, qui propose des analyses d’affiches de cette époque.
📌 La théorie de l’espace vital (Lebensraum)
La propagande prépare aussi la guerre de conquête. Elle martèle que l’Allemagne est un « peuple sans espace », encerclé par des ennemis jaloux. Le concept de Lebensraum (espace vital) justifie l’expansion vers l’Est (Pologne, URSS). Les peuples slaves sont dépeints comme des « Untermenschen » (sous-hommes), culturellement arriérés et destinés à servir d’esclaves à la « race des seigneurs ». Cette idéologie raciale légitime par avance la brutalité de l’occupation et les spoliations.
Avant chaque agression militaire (Autriche, Tchécoslovaquie, Pologne), une campagne de presse massive est lancée pour inverser les rôles. L’Allemagne est toujours présentée comme la victime de provocations intolérables, obligée d’intervenir pour protéger les minorités allemandes opprimées. Hitler se pose en apôtre de la paix qui est « forcé » de faire la guerre. Ce mensonge permanent permet de maintenir le soutien de la population allemande, traumatisée par la Première Guerre mondiale et peu enthousiaste à l’idée d’un nouveau conflit en 1939.
⚔️ La propagande dans la guerre totale (1939-1945)
📌 Des victoires éclairs au tournant de Stalingrad
Au début du conflit (1939-1941), la tâche de Goebbels est facile. Les victoires foudroyantes de la Wehrmacht (Blitzkrieg) en Pologne et en France fournissent des images spectaculaires. Les actualités cinématographiques (Die Deutsche Wochenschau) montrent des chars avançant irrésistiblement, des soldats allemands héroïques et bien nourris, accueillis dans la joie. La guerre semble propre, rapide et victorieuse. La propagande vise à intimider les adversaires et à rassurer l’arrière.
Cependant, l’échec de l’invasion de l’URSS et l’entrée en guerre des États-Unis changent la donne. À partir de l’hiver 1941-1942, les nouvelles du front se raréfient ou sont maquillées. La défaite de Stalingrad en février 1943 marque un tournant psychologique majeur. Le régime ne peut cacher l’anéantissement de la VIe armée. Goebbels décide alors de changer de stratégie : il ne promet plus une victoire facile, mais appelle à la résistance fanatique.
Le 18 février 1943, au Palais des sports de Berlin (Sportpalast), Goebbels prononce son discours le plus célèbre. Devant une foule sélectionnée de fanatiques, il pose la question rhétorique : « Voulez-vous la guerre totale ? ». La foule hurle « Oui ! ». La propagande joue désormais sur la peur : « La victoire ou le chaos ». Goebbels peint un tableau apocalyptique de ce qui arriverait si les « hordes asiatiques » (les Soviétiques) envahissaient l’Allemagne. La peur des représailles et du bolchevisme devient le moteur principal pour faire tenir la population et les soldats.
📌 Le mensonge jusqu’à la fin
Dans les derniers mois de la guerre, alors que les villes allemandes sont réduites en cendres par les bombardements alliés et que les armées ennemies pénètrent sur le territoire, la propagande nazie devient de plus en plus délirante. Elle promet l’arrivée imminente d’armes miracles (Wunderwaffen) comme les fusées V1 et V2 ou de nouveaux avions à réaction qui renverseront le cours de la guerre à la dernière minute. On invoque l’histoire, notamment Frédéric II de Prusse, pour prêcher la résistance jusqu’au bout.
Le cinéma continue de fonctionner jusqu’aux derniers jours. Le film en couleur Kolberg, achevé en 1945, mobilise des milliers de soldats comme figurants alors que le front manque d’hommes. Il raconte la résistance héroïque d’une ville prussienne contre Napoléon. C’est le testament cinématographique du régime : une incitation au suicide collectif glorieux plutôt qu’à la capitulation. Jusqu’à son suicide le 1er mai 1945, Goebbels utilise la radio et les tracts pour exhorter les Allemands (et même les enfants de la Hitlerjugend armés de bazookas) à se battre sans espoir, prolongeant inutilement l’agonie du IIIe Reich et augmentant le nombre de victimes.
Pour faire le lien avec l’après-guerre et la division du monde qui s’ensuit, n’hésite pas à consulter notre article sur la guerre froide et les médias, qui montre comment la propagande a continué sous d’autres formes des deux côtés du rideau de fer.
🧠 À retenir sur la propagande nazie
- Le RMVP, dirigé par Joseph Goebbels dès 1933, centralise tous les médias (radio, presse, cinéma, arts) pour contrôler totalement l’information.
- La radio (Volksempfänger) et le cinéma sont les outils privilégiés pour toucher les masses, mêlant divertissement et endoctrinement politique.
- Le culte d’Hitler et l’idéologie raciale (antisémitisme) sont diffusés via l’école, les Jeunesses Hitlériennes et les organisations de loisirs (KdF) pour créer une communauté soudée et excluante.
- Dès 1943 (Stalingrad), la propagande bascule vers la « guerre totale », utilisant la peur du bolchevisme pour maintenir la résistance jusqu’à l’effondrement en 1945.
❓ FAQ : Questions fréquentes sur la propagande nazie
🧩 Les Allemands croyaient-ils vraiment à la propagande ?
L’adhésion n’était pas totale ni uniforme. Si le culte d’Hitler et les succès diplomatiques ont séduit une majorité au début, le doute s’est installé avec les défaites militaires. Cependant, la terreur policière (Gestapo) et le monopole de l’information rendaient la critique publique impossible. Beaucoup se sont réfugiés dans une « émigration intérieure », faisant semblant de croire pour survivre.
🧩 Quel était le rôle précis de Joseph Goebbels ?
Joseph Goebbels était le Ministre de l’Éducation du peuple et de la Propagande. Il était le cerveau du système, contrôlant tout ce qui se disait et s’écrivait en Allemagne. Proche d’Hitler, il a orchestré les campagnes antisémites (comme la Nuit de Cristal) et a maintenu le moral de l’arrière pendant la guerre grâce à ses talents d’orateur et de metteur en scène.
🧩 Comment la propagande a-t-elle préparé la Shoah ?
En déshumanisant les Juifs pendant des années, en les comparant à des rats ou des parasites (films, affiches, livres scolaires), la propagande a créé un climat d’indifférence morale. Elle a rendu l’exclusion légale acceptable aux yeux de la population et a levé les inhibitions des bourreaux, présentant le massacre comme une mesure d’hygiène publique nécessaire.
