📻 L’épopée des radios libres : de la piraterie à la bande FM

🎯 Pourquoi l’histoire des radios libres est-elle emblématique ?

L’histoire des **radios libres** incarne l’un des bouleversements culturels et politiques les plus marquants de la France de la fin du XXe siècle. Ce mouvement, né dans la clandestinité des années 1970, a brisé le **monopole d’État** sur la diffusion audiovisuelle et libéré la parole citoyenne. En passant de la piraterie illégale à l’institutionnalisation après **1981**, ces stations ont redessiné le paysage médiatique français.

🗂️ Dans cet article, tu vas découvrir :

👉 Poursuivons avec le premier chapitre pour bien comprendre le contexte de ce thème.

🔒 Le verrouillage médiatique : l’ère du monopole d’État

📌 Une radio sous haute surveillance politique

Pour comprendre la révolution des **radios libres**, il est indispensable de saisir la situation médiatique de la France de l’après-guerre jusqu’aux années 1970. Depuis la Libération, l’État français exerce un **monopole absolu** sur la radio et la télévision. Ce monopole est géré par l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française) à partir de 1964. Concrètement, cela signifie qu’aucune station de radio ne peut émettre depuis le sol français sans l’autorisation du gouvernement, ce qui n’arrive jamais pour des acteurs privés indépendants.

Ce contrôle strict vise à assurer la cohésion nationale, mais il sert surtout d’outil de propagande ou, à minima, de filtre pour le pouvoir en place. Le Général de Gaulle, qui avait compris l’importance des médias (voir notre article sur De Gaulle et la télévision), considérait la radio comme un instrument de souveraineté. L’information y est verticale : elle descend du sommet de l’État vers les citoyens, sans véritable possibilité de contestation ou de débat contradictoire en direct.

Les journalistes de l’ORTF travaillent sous la pression constante du ministère de l’Information. Les sujets sensibles, comme la guerre d’Algérie ou les grèves ouvrières, sont souvent traités avec un biais favorable au gouvernement ou passés sous silence. Cette situation crée une frustration grandissante au sein de la société française, qui se sent déconnectée de ses médias publics, perçus comme « La Voix de la France » officielle et compassée.

📌 Les radios périphériques : une fausse liberté ?

Face à ce monopole, une soupape de sécurité existe : les **radios périphériques**. Des stations comme **RTL** (Radio Télé Luxembourg), **Europe 1** (installée dans la Sarre allemande) ou **RMC** (Radio Monte-Carlo) émettent depuis des émetteurs situés juste au-delà des frontières françaises. Grâce à la puissance de leurs ondes (les grandes ondes), elles couvrent une grande partie du territoire national.

Ces radios offrent un ton plus libre, plus moderne et plus divertissant que la radio d’État (France Inter, France Culture). Elles introduisent des formats nouveaux, comme les émissions de libre antenne ou les flashs d’information plus réactifs. Cependant, leur liberté reste surveillée. L’État français détient souvent des parts dans les sociétés mères de ces radios (via la SOFIRAD) et peut exercer des pressions économiques ou diplomatiques si la ligne éditoriale devient trop critique.

Malgré leur popularité, les périphériques restent des médias commerciaux de masse. Elles ne donnent pas la parole aux minorités, aux luttes locales ou aux mouvements contestataires qui émergent après **Mai 68** (voir notre article sur la presse pendant Mai 68). Il manque un espace pour une parole authentique, non filtrée par les impératifs commerciaux ou la censure d’État. C’est dans ce vide que vont s’engouffrer les pirates.

📌 L’impact de la modulation de fréquence (FM)

Un facteur technique va jouer un rôle décisif dans l’émergence des **radios libres** : la démocratisation de la technologie FM (Modulation de Fréquence). Jusqu’alors, la radio émettait principalement en AM (Grandes Ondes ou Petites Ondes), nécessitant des installations gigantesques et coûteuses (pylônes immenses, émetteurs très puissants). La bande FM, elle, permet une qualité de son bien supérieure (stéréo) et, surtout, elle peut être exploitée avec du matériel léger et peu onéreux.

Dans les années 1970, il devient possible pour un passionné d’électronique de fabriquer un émetteur FM artisanal capable de couvrir un quartier ou une petite ville pour quelques centaines de francs. L’encombrement du matériel est réduit : un émetteur peut tenir dans une valise ou un sac à dos. Cette facilité technique rend le monopole d’État techniquement obsolète et impossible à défendre sur le terrain.

Cependant, la bande FM française est quasiment vide. L’État réserve ces fréquences pour de futurs développements ou pour les services de sécurité, n’utilisant qu’une infime partie du spectre pour ses propres chaînes musicales (France Musique). Ce « silence » sur la bande FM est une provocation pour les militants qui rêvent de s’exprimer. L’espace est là, disponible, mais verrouillé par la loi.

🏴‍☠️ L’explosion des radios pirates (1974-1981)

📌 La naissance de la contestation : écologie et contre-culture

Le mouvement des **radios libres** (d’abord appelées « radios pirates ») ne naît pas dans un vide politique. Il est l’enfant direct des mouvements sociaux de l’après-68. Les écologistes, les féministes, les régionalistes et les gauchistes cherchent des moyens de communication alternatifs pour contourner la presse traditionnelle. En Italie, le mouvement des « radio libere » a déjà explosé au milieu des années 70 (comme Radio Alice à Bologne), servant de modèle inspirant pour les militants français.

Le coup d’envoi symbolique est souvent attribué à **Radio Verte**, lancée par le mouvement écologiste à Paris. En **1977**, Brice Lalonde et ses amis annoncent publiquement qu’ils vont émettre, défiant ouvertement le monopole. C’est un acte de désobéissance civile. Le 13 mai 1977, Radio Verte diffuse sa première émission. Bien que brouillée rapidement, elle prouve que c’est possible. D’autres suivent immédiatement, comme **Radio Ivre** ou **Radio Fil Bleu** à Montpellier.

Ces premières radios sont bricolées, souvent mobiles pour échapper à la police. On émet depuis un appartement prêté par un sympathisant, depuis une voiture en mouvement, ou même depuis les toits des immeubles. Le contenu est militant, bordélique, passionné. On y parle de nucléaire, de droits des femmes, de luttes ouvrières locales, de musique rock ou punk boudée par les grandes stations.

📌 Lorraine Cœur d’Acier : la radio des luttes

L’exemple le plus emblématique de cette période est sans doute **Lorraine Cœur d’Acier** (LCA). Créée en **1979** à Longwy par la CGT, cette radio naît dans le contexte dramatique de la désindustrialisation et de la fermeture des usines sidérurgiques en Lorraine. Au départ conçue comme un outil de lutte syndicale classique, elle échappe rapidement à ses créateurs pour devenir un phénomène social total.

LCA ouvre ses micros à tout le monde. Pour la première fois, des ouvriers, des femmes de sidérurgistes, des enfants, des commerçants, des immigrés prennent la parole en direct, sans filtre, pour raconter leur vie, leurs angoisses et leurs espoirs. La radio devient l’agora de la ville. Elle ne se contente pas de diffuser des slogans ; elle crée du lien social, brise l’isolement et redonne une dignité à une population méprisée par les décisions économiques nationales.

L’expérience de Lorraine Cœur d’Acier démontre la puissance sociale des **radios libres**. Elle prouve que la radio peut être horizontale et non plus verticale. Elle sera finalement normalisée, puis fermée, laissant un souvenir impérissable et un modèle pour les radios associatives futures. Pour approfondir le lien avec les mouvements sociaux, vous pouvez consulter des ressources sur Vie Publique concernant les mouvements sociaux des années 70.

📌 La répression et le jeu du chat et de la souris

Face à cette floraison illégale, l’État réagit avec fermeté. Le gouvernement de Valéry Giscard d’Estaing renforce l’arsenal législatif pour protéger le monopole. Les brouillages techniques deviennent systématiques : TDF (Télédiffusion de France) envoie des signaux parasites pour couvrir les émissions pirates. Mais le brouillage est impopulaire et donne une aura de martyre aux radios.

La police (la DST ou les Renseignements Généraux) traque les émetteurs. Des descentes sont organisées dans les appartements, le matériel est saisi, et les animateurs sont poursuivis en justice (les fameux « inculpés de la bande FM »). Des radios comme **Radio 93** (créée par le PCF en Seine-Saint-Denis) ou **Radio Riposte** (créée par le PS) subissent ces assauts. En 1979, la police force les portes du siège du Parti Socialiste pour saisir l’émetteur de Radio Riposte, une image désastreuse pour le gouvernement.

Cette répression est contre-productive. Elle soude le mouvement des radios libres et en fait un enjeu de liberté publique majeur. Les saisies sont médiatisées, et des manifestations de soutien s’organisent. La défense des radios libres devient un point de ralliement pour toute l’opposition de gauche, qui promet la libéralisation en cas de victoire électorale.

🌹 1981 : Le tournant politique et la libération des ondes

📌 La promesse de François Mitterrand

L’élection présidentielle de **1981** est le moment de bascule. François Mitterrand, candidat du Parti Socialiste, intègre la libération des ondes dans ses « 110 propositions pour la France ». C’est une promesse stratégique : elle séduit la jeunesse, les milieux culturels et les militants associatifs. Mitterrand lui-même a été inculpé pour son implication dans Radio Riposte, ce qui lui donne une légitimité sur le sujet.

Durant la campagne, les radios libres font activement campagne contre Giscard d’Estaing. Elles relaient les discours de l’opposition et mobilisent l’électorat (voir notre article sur la télévision et les élections pour comparer avec les médias officiels). Le soir du **10 mai 1981**, la victoire de la gauche est vécue comme une libération. Dès l’annonce des résultats, les émetteurs sortent des placards. On n’attend plus la loi : on émet.

C’est une période d’euphorie et de cacophonie. Des centaines de stations naissent en quelques semaines. Tout le monde veut sa fréquence : les associations, les journaux, les partis politiques, les communautés religieuses, les passionnés de musique. Paris devient une jungle hertzienne où les signaux se chevauchent. La tolérance est de mise : le nouveau pouvoir demande à TDF d’arrêter les brouillages et à la police de cesser les saisies.

📌 La fin du monopole et la cacophonie hertzienne

L’été 1981 est celui de l’anarchie créative. La loi n’est pas encore votée, mais le monopole est mort de fait. Des radios mythiques naissent ou sortent de l’ombre à ce moment-là : **Carbone 14** (la radio déjantée, célèbre pour son émission « Supernana »), **Radio Nova** (fondée par Jean-François Bizot), **RFM**, **NRJ** (Nouvelle Radio Jeune). Le ton change : on passe du militantisme pur à une recherche de liberté de ton, d’humour, et de nouvelles esthétiques musicales.

Cette liberté totale pose cependant des problèmes techniques majeurs. Dans les grandes villes, la bande FM est saturée. Les radios les plus puissantes (souvent celles qui ont le plus de moyens financiers) écrasent les plus petites en augmentant illégalement la puissance de leurs émetteurs. C’est la « guerre des watts ». Les auditeurs peinent parfois à capter leur station favorite sans interférences.

Le gouvernement socialiste se retrouve face à un dilemme : il a promis la liberté, mais il doit organiser le chaos. Il faut passer de la tolérance à la régulation, sans donner l’impression de rétablir une censure. C’est tout l’enjeu du travail législatif qui s’engage dès l’automne 1981.

📌 Le clivage associatif vs commercial

Dès cette période de transition, deux philosophies s’affrontent au sein du mouvement des radios libres. D’un côté, les puristes, souvent issus de la mouvance associative et politique (radios communautaires, radios de quartier), qui voient la radio comme un outil d’éducation populaire sans but lucratif. De l’autre, les entrepreneurs (comme Jean-Paul Baudecroux pour NRJ) qui comprennent très vite le potentiel économique de la FM.

Les « historiques » du mouvement craignent que la libéralisation ne profite qu’aux marchands. Ils militent pour que la publicité reste interdite sur les ondes locales, afin de préserver l’indépendance des stations et d’éviter la dictature de l’audience. Les « commerciaux », eux, arguent que pour faire une radio de qualité professionnelle, il faut de l’argent, et donc de la publicité.

Ce débat va traverser toutes les premières années du septennat Mitterrand. Au départ, le gouvernement penche pour le modèle associatif : la liberté, oui, mais pas pour faire du profit. Mais la réalité économique et la pression des auditeurs (qui plébiscitent les radios musicales commerciales) vont progressivement faire pencher la balance.

⚖️ L’institutionnalisation et la bataille législative

📌 La loi du 9 novembre 1981 : la dérogation

La première réponse législative est la loi du 9 novembre 1981. Elle prévoit des dérogations au monopole d’État pour les « radios locales privées » (RLP). C’est une avancée historique, mais elle est assortie de contraintes sévères qui reflètent la méfiance de l’aile gauche du PS envers l’argent. Les radios doivent être constituées sous forme d’associations loi 1901.

Surtout, cette loi maintient **l’interdiction de la publicité**. Les radios doivent se financer par des subventions publiques, des dons d’auditeurs ou des prestations propres. L’idée est de créer un tiers secteur audiovisuel, ni étatique, ni capitaliste. Pour réguler les fréquences, une commission est créée : la Commission consultative des radios locales privées. Elle a la lourde tâche de trier les demandes et d’attribuer les fréquences, tentant de mettre fin à la guerre des watts.

Cette interdiction de la publicité est vécue comme une asphyxie par les radios les plus ambitieuses. RFM ou NRJ contournent la loi ou militent ouvertement pour son abolition. Elles diffusent de la « publicité clandestine » ou des messages de parrainage déguisés. La tension monte entre le pouvoir (qui veut faire respecter la loi) et les radios commerciales (qui ont le soutien de la jeunesse).

📌 La Haute Autorité de la communication audiovisuelle

Pour garantir l’indépendance des médias vis-à-vis du pouvoir politique (la grande promesse de rompre avec l’ORTF), la loi du **29 juillet 1982** crée une instance inédite : la **Haute Autorité de la communication audiovisuelle**. C’est l’ancêtre du CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) et de l’actuelle ARCOM. C’est une révolution juridique : l’État se dessaisit de son pouvoir de régulation directe au profit d’une autorité indépendante.

La Haute Autorité a pour mission de garantir le pluralisme, d’attribuer les fréquences et de veiller au respect des cahiers des charges. Elle nomme également les présidents des chaînes publiques, une rupture symbolique forte avec la pratique des nominations en Conseil des ministres. Cette institutionnalisation marque la fin de l’époque « pirate ». Désormais, émettre est un droit, mais un droit régulé.

Cependant, la question du financement reste le point noir. Les radios associatives peinent à survivre avec les seules subventions. Les radios commerciales, de leur côté, gagnent des parts de marché phénoménales. NRJ devient un phénomène de société. Le gouvernement socialiste, pragmatique et soucieux de ne pas se couper de la jeunesse, va devoir lâcher du lest.

📌 1984 : L’autorisation de la publicité et le tournant libéral

L’année **1984** marque la seconde mort du monopole, cette fois sur le plan économique. Face à la pression, le gouvernement de Laurent Fabius autorise la publicité sur les radios locales privées. C’est la victoire du modèle commercial. Les radios peuvent désormais vendre des espaces publicitaires pour se financer et se développer. Cette décision, bien que réaliste, signe l’arrêt de mort de nombreuses petites radios associatives qui ne peuvent pas rivaliser sur ce terrain.

C’est à ce moment que se structure le paysage radio moderne. Les stations se classent en catégories (A pour les associatives, B pour les locales commerciales, C et D pour les réseaux nationaux). Les radios associatives obtiennent en contrepartie un fonds de soutien (le FSER), financé par une taxe sur les régies publicitaires des grandes radios. Ce système unique au monde a permis de sauvegarder un tissu de radios associatives en France jusqu’à aujourd’hui.

L’autorisation de la publicité permet aux radios comme NRJ, Fun Radio ou Skyrock de devenir des entreprises rentables et puissantes, capables d’investir dans des animateurs stars et du matériel de pointe. La radio libre devient une industrie.

💰 De la liberté au marché : l’essor des réseaux commerciaux

📌 La « manif NRJ » : un moment culte

L’histoire de la commercialisation est marquée par un événement spectaculaire en décembre 1984. La Haute Autorité, tentant de faire respecter les règles, décide de suspendre NRJ pour non-respect des puissances d’émission (la station émettait trop fort pour couvrir tout Paris). La réaction est immédiate et orchestrée de main de maître par Jean-Paul Baudecroux.

NRJ appelle ses auditeurs à manifester. Le slogan est resté célèbre : « **NRJ m’a tuer** » (référence à l’affaire Omar Raddad, avec la faute d’orthographe volontaire ou non). Des centaines de milliers de jeunes descendent dans la rue à Paris pour défendre « leur » radio. C’est une démonstration de force incroyable. Le pouvoir politique recule, la sanction est levée. Cet événement prouve que les radios libres commerciales ont désormais une base populaire plus forte que les partis politiques traditionnels.

Cette victoire symbolique consacre la domination des réseaux musicaux. Les jeunes ne s’identifient plus aux radios militantes de 1978, mais aux marques commerciales qui diffusent les hits du moment. Le « star system » des animateurs radio explose (Nagui, Arthur, Cauet débutent ou explosent dans ces années-là).

📌 La concentration et la constitution des réseaux

Avec l’argent de la publicité, les stations locales les plus performantes commencent à racheter leurs concurrentes ou à passer des accords de franchise. C’est la naissance des **réseaux nationaux**. Une station parisienne (la tête de réseau) diffuse son programme partout en France, en laissant quelques décrochages locaux pour les infos et la pub. C’est la fin du rêve d’une radio purement locale et décentralisée pour le grand public.

Dans la seconde moitié des années 80 et les années 90, le paysage se fige. Quelques grands groupes (NRJ Group, RTL Group, Lagardère) dominent le marché. Les petites radios libres historiques disparaissent, sont rachetées ou se replient sur le statut associatif (Catégorie A). La liberté de ton des débuts (l’improvisation, le désordre) laisse place au « formatage » : des playlists testées auprès de panels, des interventions chronométrées, un flux tendu pour garder l’auditeur.

Certaines radios tentent de garder un esprit rebelle au sein de ce système commercial, comme Skyrock avec les libres antennes du soir (Maurice, puis plus tard Difool), ou Radio Nova qui maintient une exigence culturelle forte. Mais globalement, la radio FM devient un média de flux commercial très rentable.

📌 Skyrock et la liberté de parole des années 90

Si la dimension politique des radios libres s’estompe, une forme de liberté de parole renaît dans les années 90 avec les **libres antennes** nocturnes. Skyrock, en particulier, relance le concept de laisser la parole aux auditeurs sans filtre (ou presque). C’est l’époque des débats sur le sida, le chômage, la sexualité, la drogue, les problèmes des banlieues.

Ces émissions jouent un rôle social important, rappelant par moments l’esprit de « Lorraine Cœur d’Acier », mais dans un contexte commercial. Elles permettent à une jeunesse souvent exclue des médias traditionnels de s’exprimer. Cependant, elles sont aussi régulièrement critiquées pour leurs dérapages (propos crus, insultes) et surveillées de près par le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel), qui succède à la CNCL et à la Haute Autorité en 1989.

Ce modèle de la libre antenne reste l’un des héritages directs de l’époque des radios pirates : l’idée que la radio est un téléphone ouvert sur le monde, où n’importe qui peut devenir l’acteur principal pendant quelques minutes.

🌐 L’héritage des radios libres à l’ère du numérique

📌 La survivance du secteur associatif

Malgré la domination des réseaux commerciaux, le secteur des radios associatives n’est pas mort. Grâce au **FSER** (Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique), la France conserve un paysage radiophonique unique en Europe avec plus de 600 radios associatives (Catégorie A). Ces radios (comme Radio Campus, Fréquence Paris Plurielle, ou les radios locales rurales) continuent de porter l’esprit originel des radios libres.

Elles assurent des missions que le service public et les radios commerciales ne remplissent pas toujours : expression des minorités linguistiques, promotion des musiques de niche, débats citoyens locaux, ateliers pédagogiques dans les écoles. Elles sont des laboratoires d’innovation sociale et culturelle, souvent sans grands moyens mais avec une liberté éditoriale totale.

Pour en savoir plus sur le cadre légal actuel et le soutien à ces radios, vous pouvez consulter le site du Ministère de la Culture, qui détaille les aides aux médias de proximité.

📌 Internet : les nouvelles radios libres ?

L’arrivée d’Internet et la révolution numérique ont réactivé l’esprit des radios libres. Aujourd’hui, créer une **webradio** ou un **podcast** coûte encore moins cher que de fabriquer un émetteur FM en 1975. La contrainte de la rareté des fréquences a disparu : l’espace numérique est infini. (Voir notre article sur Internet et l’information).

Les podcasts natifs, en particulier, ont retrouvé la liberté de ton, la longueur des formats et la spécificité des sujets qui caractérisaient les débuts de la FM. On y retrouve des enquêtes au long cours, des témoignages intimes, des sujets de niche ignorés par les grands médias. D’une certaine manière, le podcasteur indépendant est le « pirate » des temps modernes, émettant depuis sa chambre vers le monde entier.

Les réseaux sociaux et les plateformes de streaming (Twitch, YouTube) permettent aussi des formats de libre antenne interactifs qui rappellent les grandes heures de la radio libre. La technologie change, mais le besoin de prendre la parole horizontalement reste une constante démocratique.

📌 Le DAB+ et l’avenir de la radio

Technologiquement, la radio vit une nouvelle mutation avec le déploiement du **DAB+** (Radio Numérique Terrestre). Cette technologie permet de diffuser plus de radios sur une même zone géographique avec une meilleure qualité sonore. C’est une opportunité pour de nouvelles radios indépendantes d’accéder à la diffusion hertzienne, là où la bande FM était saturée depuis des décennies.

Cependant, le défi reste la visibilité. Dans un océan de contenus numériques, comment se faire entendre ? L’histoire des radios libres nous enseigne que la liberté technique ne suffit pas : il faut aussi un modèle économique viable et une communauté d’auditeurs engagés. Le combat pour le pluralisme des médias, initié par les pirates des années 70, est un combat permanent qui se rejoue à chaque saut technologique.

En conclusion, les radios libres ont profondément transformé la société française. Elles ont accompagné l’individualisation des pratiques culturelles, libéré la parole publique et forcé l’État à abandonner sa posture de contrôle total sur l’information. C’est une leçon d’histoire politique : la technologie et la société civile vont souvent plus vite que la loi.

🧠 À retenir sur l’histoire des radios libres

  • Avant 1981, l’État exerce un monopole absolu sur la radio (ORTF), contourné seulement par les radios périphériques (RTL, Europe 1).
  • Dès les années 1970, des radios pirates (Radio Verte, Lorraine Cœur d’Acier) bravent l’interdit pour donner la parole aux mouvements sociaux et écologistes.
  • L’élection de François Mitterrand en 1981 marque la libération des ondes, officialisée par la loi de 1982 et la création de la Haute Autorité.
  • En 1984, l’autorisation de la publicité permet l’essor des grandes radios commerciales (NRJ) et la marginalisation des radios associatives, qui survivent grâce aux subventions.

❓ FAQ : Questions fréquentes sur les radios libres

🧩 Qu’est-ce qu’une radio périphérique ?

C’était une radio commerciale (comme RTL ou Europe 1) qui émettait depuis l’étranger (Luxembourg, Allemagne) pour contourner le monopole d’État français, tout en étant captée en France grâce à des émetteurs puissants.

🧩 Pourquoi appelle-t-on les radios de 1970 des « radios pirates » ?

Parce qu’elles émettaient illégalement, sans autorisation de l’État. Elles violaient le monopole de diffusion et étaient pourchassées par la police et brouillées par TDF.

🧩 Quel rôle a joué NRJ dans l’histoire de la radio ?

NRJ a symbolisé la transformation des radios libres en entreprises commerciales. Avec la manifestation de 1984, elle a forcé le gouvernement à accepter la puissance des radios privées musicales.

🧩 Quiz – L’histoire des radios libres

1. Quel organisme gérait le monopole de l’audiovisuel avant 1974 ?



2. Quelle technologie a facilité l’émergence des radios pirates ?



3. Quelle radio emblématique a été créée à Longwy en 1979 ?



4. En quelle année François Mitterrand est-il élu, promettant la libération des ondes ?



5. Comment appelait-on l’action technique pour empêcher une radio d’émettre ?



6. Quelle radio a organisé une manifestation massive en 1984 ?



7. Quelle autorité indépendante a été créée en 1982 pour réguler l’audiovisuel ?



8. Quelle était la principale revendication économique des radios privées après 1981 ?



9. Comment se nomme le fonds qui soutient les radios associatives aujourd’hui ?



10. Quelle radio périphérique émettait depuis le Luxembourg ?



11. Qui était Brice Lalonde dans l’histoire des radios libres ?



12. Qu’est-ce que la « guerre des watts » ?



13. Quelle radio est célèbre pour ses « libres antennes » nocturnes dans les années 90 ?



14. En quelle année la publicité a-t-elle été autorisée sur les radios locales privées ?



15. Quel président a renforcé la répression contre les radios pirates à la fin des années 70 ?



16. Que signifie le sigle DAB+ ?



17. Quelle radio a été créée par le Parti Socialiste avant 1981 ?



18. Quel mouvement social est étroitement lié à l’émergence des radios libres ?



19. Quelle catégorie de radio correspond aux radios associatives non commerciales ?



20. Quel était l’argument principal de l’État pour justifier le monopole ?



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