🕯️ La Shoah et le Porajmos : deux génocides liés au cœur de la Seconde Guerre mondiale (1941–1945)
Introduction : un double crime d’une ampleur inouïe
Entre 1941 et 1945, sous domination nazie, l’Europe vit deux génocides interdépendants :
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La Shoah, qui vise l’extermination systématique des Juifs
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Le Porajmos (ou Samudaripen), visant l’anéantissement des Tsiganes (Roms, Sinti, Manouches, etc.)
Résultat : 6 millions de Juifs et 200 000 à 500 000 Tsiganes périssent, souvent dans l’oubli du second génocide
Ce texte explique les origines idéologiques, les moyens mis en œuvre, les lieux clés, les responsables, les conséquences puis la mémoire liée à ces événements.
1. Origines idéologiques et politiques du double génocide
1.1 Le nazisme et le racisme d’État
Dès les années 1920, Hitler et le parti nazi forgent une idéologie de pureté raciale, fondée sur la supériorité de la prétendue “race aryenne” et la haine absurde des Juifs, assimilés à une race conspiratrice ennemie intérieure . Dans leur propagande, Juifs et Tsiganes sont présentés comme des « parasites » ou des « vermines », préparant psychologiquement leur suppression fr.wikipedia.org+7pedagogie.ac-reunion.fr+7cercleshoah.org+7.
Les Tsiganes, considérés “asociaux”, sont ciblés dès les années 1930 : fichages, stérilisations forcées, internements dans des camps dits « tsiganes », dès 1936 à Marzahn pedagogie.ac-reunion.fr.
1.2 Lois de persécution et premières mesures
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1933 : boycott des commerces juifs en Allemagne
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1935 : Lois de Nuremberg excluent Juifs et Tsiganes de la citoyenneté, interdisent les mariages mixtes cercleshoah.org+15fr.wikipedia.org+15lumni.fr+15fr.wikipedia.org+6fr.wikipedia.org+6cercleshoah.org+6
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1936 : internement forcé des Tsiganes
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1938 : Nuit de Cristal — pogroms et violence déchaînée, avant même l’extermination
1.3 Vers une escalade génocidaire : de l’expulsion à la mort
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1939 : invasion de la Pologne, regroupant des milliers de Juifs et Tsiganes
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1940 : plans d’expulsion massifs (Madagascar, Sibérie), rapidement abandonnés
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1941 : invasion de l’URSS. Le régime passe à l’extermination directe, avec l’ordre donné dès l’automne 1941 fr.wikipedia.org+1holocausteducation.org.uk+1. Himmler, Heydrich, Eichmann et Göring orchestrent la logistique (Wannsee, organisation des déportations…) .
🧩 Encadré : la « Solution finale » est définie lors de la conférence de Wannsee (janvier 1942) par Reinhard Heydrich, visant à l’extermination totale des Juifs européens.
1.4 Destruction démographique à caractère colonial
La logique exterminatrice s’accompagne d’un projet de colonisation. L’Europe de l’Est devient « espace vital », à repeupler par des Germaniques, au détriment des groupes jugés « inférieurs », notamment Juifs, Tsiganes et Slaves .
2. Les méthodes nazies pour éliminer Juifs et Tsiganes
2.1 Ghettos : isolement et mort lente
Dès 1939–1940, les ghettos se multiplient : Varsovie, Łódź, Minsk, Vilnius… À Varsovie, plus de 400 000 Juifs confinés dans quelques km², victimes de famine, de maladies, du travail forcé et de la violence quotidienne eduscol.education.fr+3fr.wikipedia.org+3pedagogie.ac-reunion.fr+3.
Des milliers de Tsiganes y sont également exilés, comme à Łódź dès 1941 ; une majorité y meurt du typhus et des privations pedagogie.ac-nantes.fr+3fr.wikipedia.org+3eduscol.education.fr+3.
2.2 Shoah par balles : les fusillades de masse
Dès l’été 1941, l’invasion de l’URSS conduit à la mise en place des Einsatzgruppen : exécutions de masse à ciel ouvert. Babi Yar (33 771 Juifs fusillés en deux jours, septembre 1941) reste le symbole de cette méthode .
On estime à 1,5 million le nombre de Juifs abattus en Union soviétique. Les Tsiganes en sont aussi les victimes, tués en grand nombre dans des meurtres similaires .
2.3 Camps de concentration : travail, torture, mort lente
En parallèle, de très nombreux camps (Dachau, Sachsenhausen, Ravensbrück, Buchenwald…) servent à emprisonner Juifs et Tsiganes pour y subir travail forcé, privations, violences, expériences médicales .
2.4 Camps d’extermination : mort industrielle
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Fin 1941 : Chelmno utilise des camions à gaz pour tuer rapidement
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1942–1943 : Aktion Reinhardt conduit à la création de Belzec, Sobibor, Treblinka : plus de 1,5 million de Juifs exterminés, principalement.
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Auschwitz-Birkenau devient un lieu où 900 000 Juifs et 23 000 Tsiganes sont gazés dès l’arrivée ; 1,1 million meurent à Auschwitz au total encyclopedia.ushmm.org.
Corps brûlés, effets personnels récupérés : on parle d’une « machine à tuer industrielle ».
2.5 Expérimentations médicales et brutalités sadiques
Des médecins SS mènent des expérimentations inhumaines. Mengele à Auschwitz expérimente sur les jumeaux, Tsiganes, enlève organs… .
2.6 Élimination et dissimulation postérieures
Dès 1944–1945, pour cacher les preuves, les nazis détruisent les crématoires, exhument et réduisent en cendres les fosses, brulent archives et registres.
3. Lieux emblématiques du génocide
3.1 En Pologne occupée
Les six grands camps d’extermination s’y trouvent :
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Auschwitz‑Birkenau (1,1 M de morts)
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Treblinka II (≈ 800 000)
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Belzec (≈ 434 000)
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Sobibor (≈ 170 000)
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Majdanek (≈ 78 000 Juifs)
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Chelmno (≈ 150 000 victimes, Juifs et Tsiganes)
Au total, plus de 3 millions de Juifs polonais périssent, soit 90 % de la communauté .
3.2 Union soviétique et pays baltes
Massacres de populations locales, Yakiv + Einsatzgruppen + milices : Babi Yar (Ukraine), Ponary (près de Vilnius) font partie des ravins de la mort. Tsiganes aussi exterminés cercleshoah.org+6fr.wikipedia.org+6pedagogie.ac-reunion.fr+6.
3.3 Balkans et peninsule balkanique
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En Yougoslavie : camp de Jasenovac par les Oustachis, ciblant Juifs, Tsiganes, Serbes.
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En Roumanie : Antonescu organise le génocide en Transnistrie (≈ 130 000 Juifs, ≈ 20 000 Tsiganes).
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En Grèce : la communauté sépharade de Salonique (≈ 50 000 personnes) est déportée, 98 % meurt à Auschwitz fr.wikipedia.org+2fr.wikipedia.org+2eduscol.education.fr+2rm.coe.int.
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À Francfort, les Juifs sont raflés. Tsiganes aussi déportés de l’Europe occidentale vers les camps anglais-centrals.
3.4 Europe occidentale
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France : environ 76 000 Juifs déportés (250 000 en zone occupée), rafle du Vel’ d’Hiv, moins de 3 % survivront memorialdelashoah.org.
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Pays-Bas : ≈ 100 000 morts juives.
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Belgique : ≈ 25 000.
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Italie : ≈ 15 % communauté juive.
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Tsiganes déportés via convois « Z » de France, Malines, etc. .
4. Responsables et complices
4.1 Au sommet du régime nazi
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Hitler : décision ultime, discours haineux, planification.
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Himmler : SS, police, camps, déportation des Tsiganes en 1942 (camp familial à Auschwitz).
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Heydrich : conférence de Wannsee, Kombination des Einsatzgruppen.
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Eichmann : logistique des trains, quotas, départements nationaux.
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Göring : signé l’ordre du 31 juillet 1941, pillage économique.
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Goebbels : propagande, incitation à la violence, “Berlin Judenfrei”.
D’autres : Müller, Globocnik (Aktion Reinhardt), Höss (Auschwitz), Mengele, Clauberg, Rascher…
4.2 Collaborateurs et pouvoirs locaux
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France (Vichy) : Pétain, Laval, Bousquet organisent rafles (Vel d’Hiv), déportent enfants fr.wikipedia.org.
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Slovaquie (Tiso) : paie l’expulsion de 58 000 Juifs.
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Hongrie (Horthy puis Szálasi) : déportation de 437 000 Juifs en 1944.
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Croatie (Oustachis) : Jasenovac tue Tsiganes/Serbes.
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Roumanie (Antonescu) : massacres en Transnistrie, pogrom de Iași fr.wikipedia.org.
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Pays baltes/Ukraine : milices locales soutiennent les Einsatzgruppen. Certains responsables locaux outragent même leurs propres alliés SS .
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Norvège (Quisling), Grèce, etc., participent à la coopération.
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Opposition : figures de résistance (ex. Jules Coelst à Bruxelles) sauvent des Juifs.
5. Bilan humain et conséquences
5.1 Victimes et traumatisme démographique
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≈ 6 millions de Juifs (≈ 2/3 des Juifs d’Europe), dont 1,5 million d’enfants .
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Des villes comme Varsovie, Cracovie, Vilnius, Salonique se vident.
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200 000–500 000 Tsiganes morts (≈ 25–50 % de leur population) .
5.2 Conséquences sociales, psychologiques, migratoires
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Survivants effondrés, familles brisées.
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Pogroms post-guerre (Kielce 1946), exils massifs vers Palestinien/É-U/Canada, etc.
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Les Roms restent souvent stigmatisés, cachent leur identité eduscol.education.fr.
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Traumatisme guérilla persiste par générations.
5.3 Instanciation du droit et justice
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Tribunal de Nuremberg (1945–46) crée la notion de crimes contre l’humanité.
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Raphaël Lemkin forge le terme “génocide” (1944).
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Déclaration ONU 1948, Convention Génocide, DUDH.
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Procès Eichmann (1961) à Jérusalem, procès Auschwitz de Francfort (1963), procès Barbie (1987), Touvier (1994), Papon (1997)… Tsiganes rarement mentionnés dans les jugements .
5.4 Culture, mémoire et héritages
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Littérature majeure : Primo Levi, Elie Wiesel…
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Philosophie (Adorno…), représentations culturelles.
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Création de mémoriaux : Yad Vashem (1957), USHMM (1993), Mémorial Paris, Berlin (2005, mémorial juif ; 2012, mémorial rom).
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Porajmos longtemps ignoré : premier mémorial Tsigane en Pologne (2011), catalogué en RFA (1982) nationalww2museum.org+8hmd.org.uk+8fr.wikipedia.org+8.
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Émergence du 2 août comme Journée européenne mémoire du génocide rom education.gouv.fr+4eduscol.education.fr+4fr.wikipedia.org+4.
6. Mémoire et enseignement au lycée (mot-clé : Shoah lycée)
6.1 Enjeux éducatifs
Le génocide Juif/Tsigane est au programme du collège (3e) et du lycée (terminale HGGSP, 1re pro…) eduscol.education.fr.
6.2 Pédagogie active
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Visites d’Auschwitz, Drancy
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Ateliers pédagogiques par mémoriaux (families Jacob, Vel d’Hiv) memorialdelashoah.org
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Analyses de documents d’archives, témoignages, films (ex. documentaire “Shoah”, 1985… mentionné sur l’Éducation nationale ).
6.3 Enjeux civiques
Il s’agit de :
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Reconnaître les signes précurseurs (discours de haine, lois discriminatoires, stigmatisation)
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Éduquer à la diversité, à la tolérance
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Construire la notion de devoir de mémoire
6.4 Lutte contre le négationnisme
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Lois Gayssot (1990) criminalisent la négation de la Shoah
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Affaires médiatiques (Dieudonné, etc.) confronte encore la société face à ce fléau.
7. Comment se souvient-on aujourd’hui ?
7.1 Procès et justice
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Nuremberg, Eichmann, Barbie, Papon… importants jalons de reconnaissance.
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Reconnaissance tardive du Porajmos (RFA, Croatie)… justice encore en chemin content.sph.harvard.edu+8coe.int+8hmd.org.uk+8content.sph.harvard.eduerrc.org+8fr.wikipedia.org+8en.wikipedia.org+8.
7.2 Commémorations, dates clés
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27 janvier : Journée internationale de la mémoire de l’Holocauste (libération Auschwitz, 27/01/1945) education.gouv.fr+1en.wikipedia.org+1.
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Yom HaShoah : jour hébraïque généralement en avril.
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2 août : Mémoire du génocide rom (massacre des Tsiganes d’Auschwitz) pedagogie.ac-reunion.fr+2eduscol.education.fr+2fr.wikipedia.org+2.
Monuments, cérémonies, conférences, discours officiels (Berlin, Paris, Borzęcin, etc.).
7.3 Musées et lieux de mémoire
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Yad Vashem (Jérusalem)
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USHMM (Washington)
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Mémorial de la Shoah (Paris)
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Auschwitz-Birkenau Museum
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Mémorial Juif Berlin + Mémorial Tsigane Berlin en.wikipedia.org+1en.wikipedia.org+1memorialdelashoah.org.
Lieux pédagogiques essentiels pour visites et sensibilisation.
7.4 Recherche historique et transmission
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Pionniers : Raul Hilberg, Browning… étude approfondie.
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Ensemble académique croissant sur Porajmos (Harvard, Conseil de l’Europe, IHRA…) fr.wikipedia.org.
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L’éducation française intègre progressivement le Porajmos.
7.5 Débats mémoriels
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Unicité de la Shoah vs mémoire universelle des génocides
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Integration du Porajmos dans la mémoire collective
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Responsabilité des États et héritage moral
Conclusion : enseigner pour prévenir
La Shoah et le Porajmos sont des avertissements, pas seulement des faits historiques.
Reconnaître les mécanismes (haine, propagande, bureaucratie, indifférence) est capital pour prévenir toute nouvelle tragédie. L’éducation, la réflexion critique, la vigilance citoyenne sont des armes contre l’inhumain : « Plus jamais ».
📣 Témoignages marquants : des voix qui racontent l’innommable
🧕 Simone Veil – rescapée d’Auschwitz
« Nous étions des numéros, plus des noms. Je n’étais plus Simone, j’étais 78651. »
Simone Veil, déportée à 16 ans avec sa famille, raconte la perte de dignité, le froid, la peur constante, et l’absurde brutalité du camp. Survivante d’Auschwitz-Birkenau, elle devient plus tard ministre puis présidente du Parlement européen. Toute sa vie, elle a porté la mémoire de la Shoah, et rappelé l’importance de transmettre, résister, enseigner.
👩 Ceija Stojka – voix rom oubliée
« J’ai vu ma mère tondue. J’ai vu mon petit frère qu’on emmenait. J’ai vu… trop de choses pour une enfant. »
Ceija, Rom autrichienne, a été déportée enfant à Auschwitz, Ravensbrück puis Bergen-Belsen. Sa famille fut décimée. Elle a témoigné très tardivement (années 90), brisant le silence tsigane, avec des œuvres peintes et des livres poignants. Elle incarne cette mémoire longtemps ignorée du Porajmos.
🗺️ Carte des lieux clés du génocide
Terme | Définition |
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Shoah | Mot hébreu signifiant “catastrophe”, utilisé pour désigner le génocide des Juifs par les nazis. |
Porajmos | Mot romani signifiant “dévorer”, utilisé pour désigner le génocide des Tsiganes. |
Ghetto | Quartier fermé où les nazis ont enfermé les Juifs, souvent dans des conditions inhumaines. |
Einsatzgruppen | Unités mobiles nazies chargées de fusiller en masse les Juifs, Roms, opposants. |
Camps d’extermination | Lieux spécialement conçus pour tuer à grande échelle (gazages, incinérations). |
Zyklon B | Pesticide utilisé dans les chambres à gaz d’Auschwitz pour assassiner les déportés. |
Conférence de Wannsee | Réunion de janvier 1942 où les nazis planifient la Solution finale. |
Justes parmi les nations | Non-Juifs ayant sauvé des Juifs pendant la guerre, parfois au péril de leur vie. |
Négationnisme | Idéologie qui nie ou minimise le génocide juif (ou rom) malgré les preuves. |
“Judenfrei” | Terme nazi signifiant “libéré de Juifs”, utilisé pour qualifier des villes après les déportations. |
Thème | Faits clés |
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1. Qui ? | Juifs (6 M morts), Tsiganes (200–500 K morts) |
2. Quand ? | 1941–1945 : basculement vers l’extermination |
3. Méthodes | Ghettos, fusillades, camps, gaz, expérimentations |
4. Responsables | Hitler, Himmler, Eichmann, Pétain, Antonescu… |
5. Mémoire | Procès, mémoriaux, musées, enseignement, lois |