🎯 Pourquoi « De Gaulle et la crise » est-il emblématique ?
Au cœur de Mai 68, De Gaulle et la crise forment un moment de bascule : le président paraît d’abord hésitant face à la contestation étudiante et à l’extension ouvrière, avant d’opérer un spectaculaire retournement qui rétablit l’autorité de l’État. Entre le 24 mai (discours et annonce de référendum), le 29 mai (départ discret pour Baden-Baden) et le 30 mai (appel radiodiffusé et dissolution), l’exécutif passe du doute à l’initiative. Pour comprendre ce tournant, il faut relier le tempo élyséen aux dynamiques sociales et politiques déjà à l’œuvre.
Concrètement, l’enchaînement des journées s’inscrit dans la séquence ouverte par la contestation étudiante et la jonction avec le monde du travail, que tu peux revoir dans l’article sur les étudiants et ouvriers, ainsi que dans le contexte social et politique. Le rôle des organisations, notamment la CGT, la CFDT et FO, éclaire les marges de manœuvre gouvernementales (voir le rôle des syndicats). Enfin, l’« après 68 » aide à mesurer la portée réelle des décisions gaulliennes (conséquences sociales) et leur imaginaire durable (représentations culturelles).
🗂️ Dans cet article, tu vas découvrir :
- 🧭 La conjoncture politique avant le basculement
- 📣 Le 24 mai : discours présidentiel et pari référendaire
- ✈️ Le 29 mai : Baden-Baden, l’énigme d’une absence
- 📻 Le 30 mai : l’appel radiodiffusé et la démonstration de force
- 🤝 Grenelle, dissolution et juin 68 : reprendre la main
- 📊 Bilan et interprétations : autorité restaurée, système fragilisé ?
- 🧠 À retenir
- ❓ FAQ
- 🧩 Quiz
👉 Poursuivons avec la conjoncture politique et institutionnelle qui prépare le basculement des 24–30 mai…
Pour la vue d’ensemble des événements, consulte aussi le pilier « Mai 68 en France ».
📜 La conjoncture politique avant le basculement
Avant Mai 68, le pouvoir gaulliste semblait solidement installé. Depuis 1958, la Cinquième République reposait sur un exécutif fort, incarné par un président charismatique et victorieux de nombreux référendums. Pourtant, derrière cette façade d’autorité, la société française connaissait de profondes transformations : jeunesse plus nombreuse, montée des aspirations culturelles, tensions économiques. Ces éléments sont rappelés dans le contexte social et politique de Mai 68.
Sur le plan politique, De Gaulle avait déjà connu un premier signe de fragilité lors des élections législatives de 1967 : la majorité présidentielle avait reculé, ne conservant qu’une poignée de sièges d’avance à l’Assemblée nationale. Cela révélait que l’« état de grâce » gaullien touchait à sa fin. En parallèle, l’opposition — qu’elle soit communiste, socialiste ou centriste — cherchait à profiter de la situation, tandis que la contestation extra-parlementaire montait chez les étudiants.
La perception du pouvoir gaulliste
De Gaulle, alors âgé de 77 ans, restait respecté, mais son image de « père de la Nation » paraissait moins adaptée à une génération en quête de liberté. Les slogans de la jeunesse — comme « Élections, piège à cons » — traduisaient une remise en cause non seulement du gouvernement, mais du système politique tout entier. Ainsi, De Gaulle et la crise symbolisent à la fois une épreuve institutionnelle et une rupture culturelle.
Le gouvernement Pompidou en première ligne
Durant les premiers jours de la contestation, c’est Georges Pompidou, Premier ministre, qui gérait la crise au quotidien. Son pragmatisme contrastait avec la réserve présidentielle. Il négocia directement la reprise des cours et proposa l’ouverture de discussions avec les syndicats, qui mèneront aux accords de Grenelle. Cela renforça l’impression que l’Élysée était en retrait, alors même que le pays basculait dans une crise générale.
👉 Dans la partie suivante, nous examinerons le 24 mai, moment clé où De Gaulle sort enfin du silence avec une allocution solennelle qui marque le début d’une séquence incertaine.
Pour un aperçu rapide des élections législatives de 1967 et de leurs conséquences, tu peux consulter l’analyse détaillée disponible sur Vie publique.
🎙️ Le 24 mai : discours présidentiel et pari référendaire
Le 24 mai 1968, après plusieurs semaines de grèves et de manifestations, le général De Gaulle prend enfin la parole à la radio et à la télévision. Son discours, très attendu, mêle fermeté et ouverture : il annonce un référendum sur la participation et la réforme de l’Université, tout en condamnant les violences. L’objectif est clair : réaffirmer l’autorité de l’État et reprendre l’initiative face au mouvement social.
Pourtant, ce pari référendaire surprend. Beaucoup y voient une fuite en avant plutôt qu’une solution. Les syndicats, notamment la CGT, qui négocient alors avec Georges Pompidou, jugent la proposition inadaptée. Du côté étudiant, l’annonce ne désamorce pas la contestation. Le soir même, de nouvelles manifestations éclatent à Paris, parfois violentes. De Gaulle et la crise entrent ainsi dans une nouvelle phase d’incertitude.
Un contexte explosif
Le jour même, la Bourse de Paris ferme prématurément, preuve d’une inquiétude économique grandissante. Les grèves paralysent le pays. Le Premier ministre poursuit les pourparlers avec les syndicats, tandis que l’opposition politique se prépare à toutes les hypothèses, y compris une démission du président. Le rapport de force semble basculer, mais De Gaulle conserve une carte maîtresse : son aura dans l’armée et dans une partie de l’opinion silencieuse.
👉 La suite des événements montrera que le général n’a pas encore joué son dernier atout. Le 29 mai, il disparaît soudainement de Paris, laissant son gouvernement et l’opinion dans un grand flou.
Pour comprendre les réactions des centrales syndicales face à cette annonce, voir l’article sur le rôle des syndicats.
La transcription intégrale du discours du 24 mai est disponible sur le site des archives INA.
🕊️ Le 29 mai : Baden-Baden, l’énigme d’une absence
Le 29 mai 1968, coup de théâtre : le général De Gaulle quitte subitement Paris sans prévenir son gouvernement. Accompagné de son aide de camp François Flohic, il se rend à Baden-Baden, en Allemagne, pour rencontrer le général Massu, commandant des forces françaises stationnées en RFA. Ce déplacement secret surprend Pompidou et même son épouse Yvonne, qui ignorait ses intentions.
Ce départ alimente aussitôt rumeurs et inquiétudes. Certains imaginent une démission imminente, d’autres une manœuvre militaire. L’Assemblée nationale s’agite, l’opposition s’interroge, tandis que les grèves paralysent toujours le pays. L’Élysée reste muet, renforçant l’impression de vide au sommet de l’État.
Les raisons d’une visite stratégique
Selon plusieurs témoignages, De Gaulle souhaite d’abord s’assurer de la loyauté de l’armée, pivot de la Cinquième République. Il craint une dérive révolutionnaire et veut connaître l’état d’esprit du haut commandement. Le général Massu le rassure sur la fidélité des forces armées et l’encourage à reprendre la main. Ce soutien s’avère décisif : De Gaulle revient à Paris renforcé, convaincu que l’heure de l’initiative a sonné.
👉 Ce mystérieux voyage marque une rupture : à son retour, De Gaulle prépare un discours offensif qui va changer le cours des événements. Le lendemain, 30 mai, il reprend la parole avec une détermination nouvelle.
Pour replacer ce moment dans la dynamique générale, relis le contexte social et politique déjà décrit dans le cluster.
Les détails de cette journée et des échanges avec Massu sont consultables sur le site Fondation Charles de Gaulle.
📢 Le 30 mai : l’appel radiodiffusé et la démonstration de force
Le 30 mai 1968 à 16 h 30, le général De Gaulle s’adresse solennellement à la nation depuis l’Élysée. Sa voix est ferme : il annonce la dissolution de l’Assemblée nationale et la tenue d’élections législatives. Il réaffirme l’autorité de l’État, demande la fin des grèves et invite « les Français à se rassembler derrière lui ». Après des jours d’incertitude, ce message marque un tournant spectaculaire dans De Gaulle et la crise.
Quelques heures plus tard, une immense manifestation gaulliste déferle sur les Champs-Élysées. On estime entre 300 000 et 500 000 participants, un chiffre qui dépasse largement les cortèges précédents de la contestation étudiante. La « majorité silencieuse » se manifeste enfin, rassurant les partisans de l’ordre et impressionnant l’opinion publique.
Un discours qui renverse la dynamique
En appelant au « maintien de la République » et à des élections, De Gaulle repositionne le débat sur un terrain institutionnel. Les syndicats poursuivent certes les négociations de Grenelle, mais l’élan des grèves commence à s’essouffler. La CGT, qui redoutait une radicalisation incontrôlable, se montre plus ouverte à la reprise du travail.
Cette journée du 30 mai illustre la stratégie gaullienne : accepter une brève phase de retrait pour mieux revenir en force. Elle montre aussi l’importance de la communication radio dans une France encore peu télévisée, confirmant la capacité du général à parler directement à la nation.
👉 La dernière étape de cette séquence s’achève avec les accords de Grenelle et les élections législatives de juin 1968, qui donneront au camp gaulliste une victoire éclatante.
Pour comprendre la réaction des syndicats à ce coup d’éclat, consulte l’article sur le rôle des syndicats.
L’enregistrement complet de l’allocution est disponible sur l’INA.
🏛️ Grenelle, dissolution et juin 68 : reprendre la main
Les accords de Grenelle, négociés entre le gouvernement et les syndicats du 25 au 27 mai, prévoient notamment une hausse du SMIG de 35 % et des améliorations significatives des conditions de travail. Après le discours du 30 mai, ces mesures facilitent la reprise du travail dans de nombreux secteurs. Le 4 juin, la plupart des grèves sont levées, même si des foyers de contestation persistent.
Les élections législatives de juin 1968 offrent à la majorité gaulliste une victoire éclatante : plus de 350 sièges sur 487. Ce résultat conforte la légitimité du président et de son Premier ministre Georges Pompidou, tout en marginalisant l’opposition de gauche. De Gaulle sort renforcé, mais aussi plus isolé : il a gagné la bataille institutionnelle, non la bataille des idées.
Un système réaffirmé mais fragilisé
Cette séquence révèle une double vérité. D’un côté, l’appareil gaulliste montre une capacité de réaction remarquable. De l’autre, la société française poursuit sa modernisation, et les aspirations de Mai 68 continuent de transformer les mœurs, comme le montrent les conséquences sociales à long terme. La crise a donc renforcé l’État tout en accélérant le mouvement de réforme sociale et culturelle.
👉 Dans la conclusion suivante, nous dresserons le bilan global de De Gaulle et la crise, entre autorité restaurée et usure du pouvoir.
Pour une mise en perspective scientifique, voir l’article de l’historien Serge Berstein sur le site Persée.
🔎 Bilan et interprétations : autorité restaurée, système fragilisé ?
La séquence de mai-juin 1968 illustre parfaitement la complexité de De Gaulle et la crise. Le général a su reprendre la main par une combinaison de fermeté et de calcul politique, mais son pouvoir sort à la fois consolidé et entamé. Consolidé, car les élections de juin 1968 lui offrent une majorité parlementaire écrasante. Entamé, car le mouvement de Mai 68 révèle un décalage grandissant entre le chef de l’État et une partie de la jeunesse ainsi qu’une société en pleine mutation.
Sur le plan institutionnel, De Gaulle démontre la force de la Cinquième République : un exécutif fort, capable de résister à une crise majeure. Mais l’épisode de Baden-Baden laisse planer des interrogations sur son assurance personnelle et sa confiance dans le système qu’il avait pourtant façonné.
Des conséquences durables
À court terme, le général sort victorieux. À moyen terme, son autorité s’érode. Le référendum d’avril 1969 sur la régionalisation et la réforme du Sénat se solde par un échec, entraînant sa démission. De Gaulle quitte le pouvoir moins d’un an après son triomphe, confirmant que Mai 68 a ouvert une brèche dans son image d’invincibilité.
Enfin, l’héritage de Mai 68, y compris la révolte étudiante et les avancées sociales, s’ancre durablement dans la mémoire collective française. Les évolutions en matière de droits des femmes, de culture et d’éducation se poursuivent, comme le montre l’article sur les représentations culturelles.
👉 Poursuivons avec un résumé visuel des points essentiels.
🧠 À retenir
- Le 24 mai 1968, De Gaulle propose un référendum, mais échoue à calmer la contestation.
- Le 29 mai, il disparaît brièvement pour rencontrer le général Massu à Baden-Baden, s’assurant du soutien de l’armée.
- Le 30 mai, il dissout l’Assemblée nationale et provoque d’immenses manifestations gaullistes, réaffirmant son autorité.
- Les élections de juin 1968 offrent une victoire écrasante au camp gaulliste, mais la société française reste en mutation profonde.
- Moins d’un an plus tard, De Gaulle démissionne après l’échec du référendum d’avril 1969, signe que la crise a laissé des traces.
❓ FAQ : Questions fréquentes sur De Gaulle et la crise de Mai 68
Pourquoi De Gaulle s’est-il rendu à Baden-Baden ?
Pour s’assurer du soutien de l’armée et évaluer la situation militaire en cas de débordement révolutionnaire.
Quel rôle Georges Pompidou a-t-il joué pendant la crise ?
Il a mené les négociations avec les syndicats et géré la situation quotidienne pendant l’absence de De Gaulle.
Les élections de juin 1968 ont-elles mis fin à la contestation ?
Oui, elles ont permis de restaurer l’ordre institutionnel, même si les aspirations sociales de Mai 68 ont perduré.
De Gaulle a-t-il gagné politiquement à long terme ?
À court terme, oui. Mais son autorité s’est érodée, menant à sa démission après le référendum de 1969.
