🗳️ Révolutionnaires et suffrage : l’histoire d’une conquête politique

🎯 Pourquoi la liaison entre révolutionnaires et suffrage est-elle fondamentale ?

L’histoire de la démocratie française est avant tout le récit d’une tension permanente entre l’ordre établi et la volonté d’émancipation du peuple. Lorsque l’on étudie le couple révolutionnaires et suffrage, on plonge au cœur d’un combat acharné qui a duré près de deux siècles pour transformer des sujets obéissants en citoyens actifs. Cette lutte ne s’est pas faite linéairement, mais par à-coups, au gré des barricades, des débats parlementaires houleux et des changements de régime.

🗂️ Dans cet article, tu vas découvrir :

👉 Poursuivons avec le premier chapitre pour comprendre comment tout a basculé en 1789.

🧭 La rupture de 1789 : du sujet au citoyen

📌 La fin de l’absolutisme et la naissance de la souveraineté nationale

Pour bien saisir les enjeux liant révolutionnaires et suffrage, il faut d’abord visualiser la France d’avant 1789. Sous l’Ancien Régime, le roi détient son pouvoir de Dieu et non du peuple ; les habitants du royaume sont des sujets, soumis à l’autorité, sans mot à dire sur la gestion de l’État. La Révolution française opère un basculement mental et juridique colossal en transférant la souveraineté du monarque vers la Nation. C’est le cœur de l’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation ».

Dès lors, une question technique et philosophique se pose aux premiers révolutionnaires : comment la Nation exprime-t-elle sa volonté ? Si la souveraineté appartient à tous, cela signifie-t-il que tout le monde doit voter ? C’est ici que les débats s’enflamment. Pour la première fois, on doit définir qui a le droit de participer à la vie politique. Les révolutionnaires de 1789, majoritairement issus de la bourgeoisie, sont tiraillés entre l’idéal d’égalité et la peur du désordre populaire (la « populace »).

Ainsi, la conquête du suffrage n’est pas immédiate. Elle commence par une phase de définition théorique où l’on cherche à justifier pourquoi certains devraient voter et d’autres non. C’est un moment clé où la notion de citoyenneté se détache de la simple appartenance au territoire pour devenir un statut juridique conférant des droits politiques.

📌 La distinction entre citoyens actifs et passifs

L’abbé Sieyès, figure intellectuelle majeure de cette période, propose une distinction qui va structurer les premières années de la Révolution. Il divise les Français en deux catégories : les citoyens passifs et les citoyens actifs. Les citoyens passifs jouissent de tous les droits civils (protection, propriété, liberté) mais n’ont pas de droits politiques. Les citoyens actifs, eux, participent à la formation des pouvoirs publics. Sur quel critère repose cette distinction ? L’argent, ou plus précisément, l’impôt.

C’est la naissance du suffrage censitaire. Pour être citoyen actif, il faut être un homme, avoir plus de 25 ans, et payer une contribution directe (le cens) égale à la valeur de trois journées de travail. Cette barrière financière exclut de facto les plus pauvres, les domestiques, et bien sûr les femmes. Les révolutionnaires modérés justifient ce choix par l’idée que seuls ceux qui contribuent financièrement à l’État ou qui ont une certaine indépendance économique sont assez libres et éclairés pour voter.

Ce système est en réalité très restrictif. En 1791, sur une population d’environ 28 millions d’habitants, on ne compte que 4,3 millions de citoyens actifs. De plus, le système électoral est à deux degrés : les citoyens actifs élisent des électeurs (qui doivent être encore plus riches), qui eux-mêmes élisent les députés. On est encore loin de la démocratie directe rêvée par les franges les plus radicales. Pour approfondir ces mécanismes de sélection, tu peux consulter les ressources pédagogiques de Lumni.

📌 La contestation de Robespierre et des démocrates

Cette vision censitaire ne fait pas l’unanimité. Une minorité de révolutionnaires, menée notamment par Maximilien de Robespierre et le club des Cordeliers, s’insurge contre ce qu’ils appellent « l’aristocratie des riches ». Robespierre prononce des discours vibrants à l’Assemblée, arguant que la loi étant l’expression de la volonté générale, tous les citoyens, riches ou pauvres, doivent y concourir. Il dénonce le « marc d’argent » (le seuil d’imposition élevé pour être éligible) comme une trahison de la Déclaration des droits.

Pour ces radicaux, lier révolutionnaires et suffrage restreint est un contresens. Si le peuple a pris la Bastille, s’il a marché sur Versailles, c’est qu’il est acteur de l’histoire. Lui refuser le droit de vote revient à lui voler sa victoire. Cette tension entre une bourgeoisie désireuse de stabiliser la Révolution à son profit et un peuple parisien (les Sans-culottes) qui veut aller plus loin vers l’égalité réelle va conduire à l’explosion de 1792.

C’est à ce moment que se cristallise l’idée que le suffrage n’est pas juste une fonction, mais un droit naturel. Cette période pose les bases des revendications futures : le vote ne doit pas être une récompense pour la richesse, mais un attribut inhérent à la personne humaine. C’est une idée qui résonnera bien plus tard, y compris dans les débats sur le droit de vote des jeunes et l’abaissement de la majorité électorale.

⚙️ 1792-1794 : L’expérience du suffrage universel et ses limites

📌 La chute de la monarchie et le premier suffrage universel masculin

L’année 1792 marque un tournant décisif. La guerre contre les monarchies européennes, les trahisons du Roi et la pression populaire aboutissent à l’insurrection du 10 août 1792. La prise des Tuileries par les Sans-culottes et les fédérés renverse la monarchie constitutionnelle. L’Assemblée législative, sous la pression de la rue, prononce la suspension du Roi et convoque une nouvelle assemblée : la Convention nationale.

Pour élire cette Convention, le suffrage censitaire est aboli. Pour la première fois en France (et c’est une première mondiale à cette échelle), les élections se déroulent au suffrage universel masculin. Tous les hommes de 21 ans et plus, vivant de leur revenu et domiciliés depuis un an, peuvent voter. La distinction citoyen actif/passif disparaît. C’est une victoire majeure pour le lien entre révolutionnaires et suffrage populaire.

Cependant, la réalité du vote est moins idyllique que le principe. Le climat est celui de la peur et de la violence (massacres de Septembre). Les royalistes et les modérés, terrorisés, s’abstiennent massivement. On estime que seulement 10 % à 20 % du corps électoral participe réellement au vote. Le vote ne se fait pas encore dans l’isoloir, mais souvent à voix haute ou en assemblée, ce qui expose les votants aux pressions des militants révolutionnaires locaux.

📌 La Constitution de 1793 : un idéal démocratique jamais appliqué

La Convention, une fois élue, rédige une nouvelle Constitution, celle de l’An I (juin 1793). Ce texte est considéré comme le plus démocratique de la période révolutionnaire. Il consacre le suffrage universel masculin direct et prévoit même des mécanismes de démocratie semi-directe : le peuple peut contester une loi votée par l’Assemblée via des assemblées primaires. Le but est de garantir que les élus ne trahissent pas la volonté du peuple souverain.

Cette Constitution est ratifiée par un référendum populaire (plébiscite) qui recueille près de 2 millions de « oui ». C’est un moment fort de légitimation. L’article 7 de la Constitution affirme que « Le peuple souverain est l’universalité des citoyens français ». Ici, les Jacobins tentent de fusionner totalement le peuple et l’État. C’est l’apogée théorique de l’engagement citoyen révolutionnaire.

Pourtant, ce chef-d’œuvre démocratique restera enfermé dans une arche de cèdre au sein de la Convention. En raison de la guerre civile (Vendée) et étrangère, la Convention décrète en octobre 1793 que « le gouvernement sera révolutionnaire jusqu’à la paix ». L’application de la Constitution est suspendue. C’est le début de la Terreur : la liberté est paradoxalement suspendue pour être sauvée.

📌 Les limites de la pratique électorale sous la Terreur

Durant la période de la Terreur (1793-1794), le vote change de nature. Il ne s’agit plus tant de choisir entre plusieurs programmes que d’affirmer son patriotisme et son adhésion à la République. Les sections parisiennes, ces assemblées de quartier, deviennent des lieux de délibération permanente où l’on vote à main levée. C’est une forme de démocratie directe effervescente, mais aussi excluante pour ceux qui ne pensent pas comme la majorité jacobine.

Les révolutionnaires et suffrage entretiennent alors une relation ambiguë : ils exaltent le peuple souverain dans les discours, mais se méfient des élections locales qui pourraient ramener des royalistes ou des modérés au pouvoir. C’est pourquoi la Convention envoie des représentants en mission pour épurer les administrations locales plutôt que de laisser faire les urnes. On privilégie la « vertu » révolutionnaire au formalisme électoral.

Cette période laisse une trace durable dans la mémoire politique française : la peur que le suffrage universel, s’il n’est pas encadré par une éducation républicaine solide, ne soit manipulé par les ennemis de la liberté. Cette méfiance expliquera en partie les retours en arrière du XIXe siècle.

📜 Le reflux : suffrage censitaire et plébiscites (1795-1848)

📌 Le Directoire et le retour des « meilleurs »

Après la chute de Robespierre en thermidor an II (juillet 1794), la bourgeoisie thermidorienne reprend le contrôle. Pour eux, la Terreur a prouvé que le petit peuple n’était pas apte à gouverner. La Constitution de l’An III (1795) qui fonde le Directoire rétablit donc un suffrage censitaire strict. Boissy d’Anglas, rapporteur du projet, déclare sans ambages : « Nous devons être gouvernés par les meilleurs ; les meilleurs sont les plus instruits et les plus intéressés au maintien des lois. »

Le corps électoral est drastiquement réduit. On revient à un système où la propriété est la clé de la citoyenneté. Les pauvres, qui avaient goûté à l’égalité politique, sont renvoyés au silence. De plus, pour éviter la dictature d’une seule assemblée, le pouvoir législatif est divisé en deux chambres (Conseil des Cinq-Cents et Conseil des Anciens). Les élections deviennent annuelles pour renouveler un tiers des députés, ce qui crée une instabilité chronique et favorise les coups d’État à répétition pour annuler les résultats qui déplaisent au pouvoir exécutif.

C’est une période de désillusion pour les militants populaires. Le lien entre révolutionnaires et suffrage est rompu par le haut. Les patriotes radicaux, comme Gracchus Babeuf et sa « Conjuration des Égaux », tentent bien de réagir, mais ils sont écrasés. Babeuf rêvait d’une égalité parfaite, bien au-delà du simple bulletin de vote, préfigurant les luttes sociales futures.

📌 Napoléon et la pratique du plébiscite

Le coup d’État du 18 brumaire par Napoléon Bonaparte change encore la donne. Napoléon comprend qu’il ne peut pas revenir à l’Ancien Régime pur et simple ; il doit conserver une apparence de souveraineté populaire pour légitimer son pouvoir. Il invente (ou réinvente) une pratique politique redoutable : le plébiscite.

Sous le Consulat et l’Empire, le suffrage universel masculin est théoriquement rétabli (tous les hommes votent), mais son efficacité est neutralisée. Les citoyens ne choisissent pas directement leurs représentants ; ils suggèrent des listes de notabilités dans lesquelles le gouvernement puise pour nommer les fonctionnaires et les législateurs. Surtout, le peuple est appelé à valider les coups de force de Napoléon (Consulat à vie, Empire) par des « oui » ou « non ».

Le vote n’est plus un outil de délibération ou de choix, mais un outil de ratification et d’adhésion à un chef. Les scores sont souvent soviétiques avant l’heure, parfois un peu « arrangés » par l’administration, mais témoignent aussi d’un réel soutien populaire à l’homme qui ramène l’ordre et la gloire. Napoléon détourne l’héritage des révolutionnaires et suffrage pour construire un pouvoir personnel fort. Pour plus de détails sur cette période, les archives de la Bibliothèque nationale de France offrent des documents d’époque fascinants.

📌 La Monarchie censitaire : le pays légal contre le pays réel

La Restauration (1814-1830) et la Monarchie de Juillet (1830-1848) installent durablement le suffrage censitaire. Sous Louis-Philippe, il faut payer 200 francs d’impôts pour voter, ce qui concerne environ 240 000 électeurs pour une population de 35 millions d’habitants. C’est le triomphe des notables. Guizot, ministre influent, répond aux revendications d’élargissement du vote par sa célèbre phrase : « Enrichissez-vous par le travail et par l’épargne et vous deviendrez électeurs ! ».

Cependant, l’opposition républicaine et libérale ne désarme pas. Elle utilise la presse, les associations et les enterrements de figures célèbres pour manifester. Dans les années 1840, face à l’interdiction des réunions politiques, les républicains organisent la « Campagne des banquets ». Sous prétexte de porter des toasts, on y débat de réformes politiques et surtout du suffrage universel. C’est ce contournement de la loi qui va précipiter la chute du régime en 1848.

Ce long tunnel censitaire a eu un effet paradoxal : il a sacralisé le suffrage universel aux yeux du peuple. Privé de vote, le peuple l’a idéalisé comme la solution magique à tous ses problèmes sociaux et économiques (chômage, misère). Le droit de vote est devenu le symbole de la dignité ouvrière.

🎨 1848 : Le triomphe définitif du suffrage universel masculin

📌 L’euphorie du Printemps des peuples

Février 1848 : Paris se couvre de barricades, Louis-Philippe abdique. La Deuxième République est proclamée. Le gouvernement provisoire, qui compte des figures comme le poète Lamartine, le républicain Ledru-Rollin et le socialiste Louis Blanc, prend une décision historique immédiate. Le décret du 5 mars 1848 instaure le suffrage universel masculin direct. Le corps électoral passe brutalement de 240 000 à plus de 9 millions d’électeurs. C’est un saut dans l’inconnu vertigineux.

C’est l’âge d’or du romantisme politique. On plante des arbres de la liberté bénis par les prêtres. L’abolition de l’esclavage, portée par Victor Schœlcher, est indissociable de ce mouvement : les anciens esclaves des colonies deviennent immédiatement citoyens et électeurs. Le lien entre révolutionnaires et suffrage semble enfin épanoui et apaisé. L’urne doit remplacer le fusil. Lamartine proclame que le suffrage universel est « l’interdiction des révolutions ».

Les premières élections d’avril 1848 pour l’Assemblée constituante sont un moment de ferveur incroyable. La participation frôle les 84 %. Dans les villages, les hommes vont voter en cortège, menés par le maire et le curé, drapeaux en tête. C’est un rite civique presque religieux. Le peuple a le sentiment de reprendre son destin en main.

📌 La désillusion et le conservatisme rural

Mais le résultat des urnes douche les espoirs des révolutionnaires parisiens. La France rurale, majoritaire, vote massivement pour des notables modérés, voire monarchistes. Elle se méfie des « partages » et des désordres parisiens. Les républicains radicaux et les socialistes sont battus. C’est la première grande leçon du suffrage universel en France : le nombre ne favorise pas forcément la Révolution, il peut être conservateur.

La tension monte rapidement. En juin 1848, suite à la fermeture des Ateliers nationaux (qui donnaient du travail aux chômeurs), les ouvriers parisiens se soulèvent. Cette fois, la République tire sur les ouvriers. C’est une rupture tragique. Le suffrage universel a porté au pouvoir une assemblée qui écrase l’avant-garde révolutionnaire. Beaucoup de militants se sentent trahis par ce vote qu’ils avaient tant réclamé.

Cette déception explique pourquoi, plus tard, certains mouvements sociaux comme ceux évoqués dans l’article sur Mai 68 et les mouvements sociaux se méfieront parfois de la voie électorale classique, préférant l’action directe. En 1848, la République montre qu’elle peut être socialement conservatrice tout en étant politiquement démocratique.

📌 Le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte

L’histoire de 1848 se termine par une nouvelle manipulation du suffrage. Louis-Napoléon Bonaparte, élu président de la République au suffrage universel (une première) avec une majorité écrasante en décembre 1848, se présente comme l’homme du peuple contre l’Assemblée conservatrice. Lorsque l’Assemblée restreint le droit de vote en 1850 (loi du 31 mai qui radie 3 millions d’électeurs pauvres), Louis-Napoléon saisit l’occasion.

Lors de son coup d’État du 2 décembre 1851, sa première mesure est de… rétablir le suffrage universel intégral ! Il utilise le peuple contre les représentants. Le plébiscite qui suit valide son coup de force. C’est le retour au césarisme démocratique. Le suffrage est utilisé pour tuer la République. Il faudra attendre la chute du Second Empire en 1870 pour que les républicains tentent de réconcilier durablement démocratie et liberté.

🌍 Les oubliées du suffrage : le combat des femmes et des minorités

📌 Pourquoi les révolutionnaires ont-ils exclu les femmes ?

L’immense paradoxe de cette épopée révolutionnaires et suffrage est l’exclusion systématique des femmes. Pourtant, elles ont été de toutes les luttes : la marche sur Versailles en octobre 1789, les clubs politiques, les tribunes de la Convention. Des figures comme Olympe de Gouges, auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791), ont réclamé l’égalité politique en affirmant : « La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la Tribune ».

Pourquoi ce refus obstiné, même chez les Jacobins les plus radicaux ? Plusieurs raisons se mêlent. D’abord, une vision naturaliste héritée de Rousseau : la place de la femme est au foyer, pour éduquer les futurs citoyens, pas dans l’arène publique virile. Ensuite, au XIXe siècle, les républicains développent une peur politique : ils craignent que les femmes, supposées plus pieuses et soumises à l’influence de l’Église, ne votent massivement pour les candidats conservateurs et cléricaux, mettant en danger la République laïque.

Cette exclusion perdurera bien plus longtemps en France que chez ses voisins (Royaume-Uni, Allemagne). Le mouvement des Suffragettes françaises, mené par des femmes comme Hubertine Auclert, devra se battre contre un mur de préjugés, y compris à gauche. Il faudra attendre l’engagement des femmes dans la Résistance pour que le Général de Gaulle signe l’ordonnance de 1944 accordant enfin le droit de vote aux femmes (voir l’article Résistants de la Seconde Guerre).

📌 L’expérience radicale de la Commune de 1871

Si l’on cherche une expérience où la notion de révolutionnaires et suffrage a été repensée en profondeur, il faut regarder du côté de la Commune de Paris en 1871. Après la défaite face à la Prusse, le peuple de Paris se soulève et installe un gouvernement autonome. La Commune organise des élections le 26 mars 1871. Mais elle va plus loin que le simple vote : elle instaure le principe du mandat impératif.

L’idée est simple : l’élu n’est pas un représentant libre de faire ce qu’il veut pendant son mandat ; il est un mandataire du peuple, révocable à tout moment s’il ne respecte pas ses engagements. Les étrangers qui participent à la défense de la Commune obtiennent aussi de fait une citoyenneté active (comme le Hongrois Léo Frankel, élu délégué au Travail). Les femmes, comme Louise Michel, bien que n’ayant pas officiellement le droit de vote, participent activement aux débats et à la gestion de la cité.

La Commune est écrasée dans le sang lors de la Semaine sanglante, mais elle laisse un héritage puissant : l’idée que la démocratie ne se limite pas à mettre un bulletin dans l’urne tous les cinq ans, mais implique une participation citoyenne constante et directe. Ce modèle inspirera de nombreux mouvements autogestionnaires par la suite.

🤝 Apprendre à voter : de l’insurrection à l’isoloir

📌 L’enracinement de la République et la « discipline républicaine »

Avec l’installation définitive de la IIIe République à partir de 1875, le suffrage universel masculin devient la norme incontestée. Le défi pour les républicains (comme Gambetta ou Jules Ferry) est alors d’éduquer l’électeur. L’école gratuite, laïque et obligatoire joue un rôle clé : elle doit former des citoyens capables de voter avec raison, et non sous l’influence du notable ou du curé. C’est la naissance de la « méritocratie républicaine ».

Le vote devient un rituel d’apaisement social. On apprend la discipline républicaine : au second tour, les partis de gauche se désistent pour le candidat le mieux placé afin de faire barrage à la droite monarchiste ou bonapartiste. Cette pratique ancre l’idée que le vote sert avant tout à défendre la forme républicaine du régime. Le lien révolutionnaires et suffrage se transforme : le révolutionnaire ne prend plus le fusil, il milite, colle des affiches et bourre les urnes (parfois au sens propre).

📌 L’anarchisme et le refus du vote

Tout le monde n’accepte pas cette « domestication » du peuple. À la fin du XIXe siècle, le mouvement anarchiste prône l’abstentionnisme révolutionnaire. Leur slogan ? « Élections, piège à cons ». Pour eux, le suffrage universel est une illusion qui fait croire au peuple qu’il est souverain alors qu’il ne fait que choisir ses maîtres bourgeois. Ils opposent l’action directe (grèves, propagande par le fait) au parlementarisme.

Cette critique radicale du vote pose une question toujours actuelle : le changement social peut-il venir des urnes ou doit-il venir de la rue ? Cette tension traverse toute l’histoire de la gauche française, des syndicalistes révolutionnaires de la CGT (Charte d’Amiens, 1906) aux débats contemporains sur la démocratie participative et le rôle des ONG et du bénévolat dans la cité.

📌 1913 : L’isoloir et le secret du vote

Dernière étape technique mais symbolique : l’adoption de l’isoloir en 1913. Jusqu’alors, on remettait son bulletin au président du bureau de vote, souvent au vu et au su de tous. L’isoloir garantit le secret du vote et libère l’électeur des pressions sociales (du patron, du propriétaire terrien, de la famille). C’est l’aboutissement de l’individualisation du citoyen.

Avec l’isoloir, le vote devient un acte de conscience intime. Le révolutionnaire qui vote n’est plus un homme dans une foule en colère, c’est une conscience isolée derrière un rideau. Cela change la psychologie du vote et marque la fin d’une certaine époque héroïque et collective du suffrage pour entrer dans la démocratie d’opinion moderne, que l’on retrouve dans les mobilisations citoyennes récentes.

🧠 À retenir sur Révolutionnaires et Suffrage

  • 1789-1791 : La Révolution crée le citoyen mais distingue les actifs (riches) des passifs (pauvres) via le suffrage censitaire.
  • 1792 : Chute de la monarchie et première expérience du suffrage universel masculin pour élire la Convention.
  • 1848 : La IIe République instaure définitivement le suffrage universel masculin, abolissant la barrière de l’argent mais excluant toujours les femmes.
  • Le vote a longtemps été un outil de contrôle pour les régimes autoritaires (plébiscites de Napoléon Ier et III) avant de devenir un outil démocratique.

❓ FAQ : Questions fréquentes sur Révolutionnaires et Suffrage

🧩 Pourquoi les femmes n’ont-elles pas voté dès 1848 ?

Les républicains de 1848, bien que progressistes sur le plan social, restaient prisonniers d’une vision patriarcale où la femme était destinée à la famille. De plus, ils craignaient l’influence de l’Église catholique sur le vote des femmes, ce qui aurait pu menacer la jeune République.

🧩 Qu’est-ce que le suffrage censitaire ?

C’est un système électoral où le droit de vote est réservé aux citoyens qui paient un certain montant d’impôt, appelé le « cens ». C’est le contraire du suffrage universel. Il a été en vigueur sous la monarchie constitutionnelle (1791-1792) et de 1815 à 1848.

🧩 Quelle est la différence entre un plébiscite et un référendum ?

Historiquement, le plébiscite est utilisé par un homme fort (comme Napoléon) pour faire valider son pouvoir personnel par le peuple (on vote pour un homme). Le référendum porte théoriquement sur une question ou un texte de loi (on vote pour une mesure). La frontière est parfois floue.

🧩 Quiz – La conquête du droit de vote

1. En quelle année la Déclaration des droits de l’homme pose-t-elle le principe de souveraineté nationale ?



2. Comment appelle-t-on les citoyens exclus du vote en 1791 ?



3. Qui a combattu le « marc d’argent » et le suffrage censitaire ?



4. Quelle assemblée est élue au suffrage universel masculin en 1792 ?



5. Quel régime politique a mis en place le suffrage censitaire strict en 1795 ?



6. Comment Napoléon Bonaparte utilisait-il le vote pour légitimer son pouvoir ?



7. Quel ministre a dit aux Français « Enrichissez-vous » pour pouvoir voter ?



8. Quelle révolution instaure définitivement le suffrage universel masculin ?



9. Quelle figure féminine a rédigé la Déclaration des droits de la femme en 1791 ?



10. Quelle invention de 1913 garantit le secret du vote ?



11. Durant la Commune de Paris, quel type de mandat est défendu ?



12. En quelle année les femmes obtiennent-elles le droit de vote en France ?



13. Qui a porté l’abolition de l’esclavage en 1848, liée à la citoyenneté ?



14. Quel groupe politique se méfiait du vote qualifié de « piège à cons » ?



15. Combien d’électeurs (environ) comptait-on à la fin de la Monarchie de Juillet ?



16. Quel événement a contourné l’interdiction de réunion politique avant 1848 ?



17. Qui est élu premier Président de la République au suffrage universel en 1848 ?



18. Quelle constitution n’a jamais été appliquée à cause de la Terreur ?



19. Quelle féministe célèbre s’est battue pour le vote sous la IIIe République ?



20. Quel philosophe des Lumières a inspiré l’idée de volonté générale ?



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