🕯️ Vichy, persécutions et Shoah en France : Comprendre la tragédie

🎯 Pourquoi l’histoire de Vichy et de la Shoah est-elle centrale ?

La période de l’Occupation et du régime de Vichy représente sans doute la page la plus sombre et la plus complexe de l’histoire contemporaine française, marquée par l’effondrement de la République et la mise en place d’une politique d’exclusion radicale. Comprendre Vichy, persécutions et Shoah en France, c’est analyser comment un État français a devancé les demandes de l’occupant nazi pour discriminer, arrêter et livrer une partie de sa propre population. C’est aussi étudier les mécanismes administratifs, policiers et idéologiques qui ont conduit à la déportation de près de 76 000 Juifs de France, dont 11 400 enfants. Enfin, ce chapitre est essentiel pour saisir les enjeux de mémoire qui traversent encore notre société aujourd’hui.

🗂️ Dans cet article, tu vas découvrir :

👉 Poursuivons avec le premier chapitre pour bien comprendre le contexte de ce thème.

🏳️ La fin de la République et l’idéologie de la Révolution nationale

📌 Le traumatisme de la défaite et le vote des pleins pouvoirs

Pour comprendre comment la France a basculé dans une politique de persécution, il faut d’abord revenir sur le choc immense de mai-juin 1940. L’offensive allemande foudroyante provoque l’effondrement de l’armée française et l’exode de millions de civils sur les routes, créant un climat de panique et de désarroi total. Le Maréchal Pétain, figure héroïque de la Première Guerre mondiale, est appelé au gouvernement et demande l’armistice, signé le 22 juin 1940 à Rethondes. Cet armistice coupe la France en deux : une zone occupée au nord et une zone dite « libre » au sud, administrée par le gouvernement français installé à Vichy. Le 10 juillet 1940, l’Assemblée nationale vote les pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain, mettant fin *de facto* à la IIIe République.

Ce changement de régime n’est pas qu’une simple parenthèse administrative imposée par la guerre, c’est une véritable rupture politique voulue par une partie des élites conservatrices. Le nouveau régime rejette les principes de 1789, la démocratie parlementaire et le libéralisme, jugés responsables de la décadence du pays et de la défaite militaire. Pétain et son entourage, notamment Pierre Laval, entendent profiter de la situation pour « redresser » la France selon des valeurs traditionnelles et autoritaires. C’est dans ce terreau fertile que vont germer les mesures d’exclusion qui viseront très rapidement les « ennemis de l’intérieur » désignés par le nouveau pouvoir.

L’installation du régime à Vichy, ville d’eau au centre de la France, symbolise cette volonté de rupture avec Paris et les agitations républicaines. Le maréchalisme, véritable culte de la personnalité autour de Pétain, sert de ciment à cette nouvelle construction politique. Les Français, assommés par la défaite, font massivement confiance au « Vainqueur de Verdun » pour les protéger, sans imaginer l’ampleur de la collaboration qui va se mettre en place. Pour approfondir les racines de ces idées, tu peux consulter l’article sur les idées de race et préjugés en France.

📌 La Révolution nationale : une idéologie d’exclusion

Le projet politique de Vichy porte un nom : la Révolution nationale. Sa devise, « Travail, Famille, Patrie », remplace le triptyque républicain « Liberté, Égalité, Fraternité ». Cette idéologie est fondamentalement réactionnaire, prônant le retour à la terre, l’ordre moral, la hiérarchie sociale et l’autorité du chef. Mais la Révolution nationale se définit surtout par ce qu’elle rejette : c’est une idéologie de l’épuration. Pour régénérer la « race française » (au sens culturel et parfois biologique du terme), le régime estime qu’il faut éliminer les éléments jugés inassimilables ou nuisibles au corps national.

Cette vision du monde désigne explicitement quatre « ennemis » principaux, souvent regroupés sous le terme d’Anti-France : les communistes, les francs-maçons, les étrangers et, surtout, les Juifs. L’antisémitisme n’est donc pas une importation allemande imposée par la force, mais une composante structurelle de la Révolution nationale de Vichy. Il puise ses racines dans l’antisémitisme français traditionnel de la fin du XIXe siècle, exacerbé par l’affaire Dreyfus et les ligues d’extrême droite des années 1930. Tu peux lire notre dossier sur le racisme et l’antisémitisme dans la France républicaine pour voir ces continuités.

Dès l’été 1940, avant même les premières ordonnances allemandes sur les Juifs en zone occupée, Vichy prend des mesures spontanées contre les étrangers et les naturalisés récents. La loi du 22 juillet 1940 lance la révision des naturalisations accordées depuis 1927 : 15 000 personnes, dont environ 6 000 Juifs, perdent ainsi la nationalité française et deviennent apatrides, donc vulnérables. Cette obsession de la pureté nationale et de la xénophobie d’État prépare le terrain juridique et psychologique aux persécutions plus ciblées qui vont suivre. Le régime met en place une logique d’exclusion administrative froide, bureaucratique, qui va s’avérer redoutablement efficace.

📜 L’antisémitisme d’État : statuts et spoliations

📌 Le premier Statut des Juifs d’octobre 1940

Le tournant majeur intervient le 3 octobre 1940, date à laquelle le gouvernement de Vichy promulgue le premier Statut des Juifs. Il est crucial de retenir que cette loi est adoptée sans aucune pression directe de l’Allemagne nazie : c’est une initiative souveraine française. Ce texte définit juridiquement qui est Juif sur des critères raciaux (et non plus confessionnels) : est considérée comme juive toute personne issue de trois grands-parents de race juive, ou de deux grands-parents si son conjoint est lui-même juif. C’est l’introduction officielle du racisme biologique dans la loi française.

Ce statut organise l’exclusion sociale et professionnelle des Juifs. Ils sont désormais bannis de la fonction publique, du corps enseignant, de l’armée, de la presse, du cinéma et des postes de direction dans l’industrie. Des milliers de fonctionnaires, professeurs, magistrats ou officiers sont révoqués du jour au lendemain, perdant leurs moyens de subsistance. Le lendemain, 4 octobre 1940, une autre loi autorise les préfets à interner les « ressortissants étrangers de race juive » dans des camps spéciaux ou à les assigner à résidence. L’appareil légal de la persécution est en place : définition, exclusion, internement.

La propagande du régime justifie ces mesures en expliquant qu’il faut rendre la France aux Français. En zone occupée, les Allemands avaient promulgué une ordonnance dès le 27 septembre définissant les Juifs et ordonnant leur recensement. Vichy, par zèle, étend ces mesures à la zone libre (non occupée), montrant sa volonté de gérer « son » problème juif de manière autonome. C’est une trahison fondamentale du principe d’égalité devant la loi, socle du droit français depuis 1789. Les réactions de l’opinion publique sont alors mitigées : si peu approuvent la violence, beaucoup restent indifférents ou adhèrent à l’idée qu’il y avait « trop d’influence juive ».

📌 Le « Commissariat général aux questions juives » et l’aryanisation

Pour orchestrer cette politique, Vichy crée en mars 1941 une administration spécifique : le Commissariat général aux questions juives (CGQJ). Dirigé successivement par Xavier Vallat (un nationaliste antisémite traditionnel) puis par Darquier de Pellepoix (un collaborateur fanatique proche des nazis), cet organisme est chargé de proposer les lois antisémites et de superviser leur application. Le CGQJ devient le moteur de la persécution bureaucratique, coordonnant l’action des ministères et de la police pour resserrer l’étau autour des familles juives.

L’une des missions principales du CGQJ est la mise en œuvre de l’aryanisation économique. Ce terme désigne le processus de spoliation (vol légalisé) des biens juifs. Les entreprises, commerces, immeubles et comptes bancaires appartenant à des Juifs sont saisis et confiés à des « administrateurs provisoires » chargés de les vendre ou de les liquider au profit de l’État ou d’acquéreurs « aryens ». C’est un pillage massif : plus de 40 000 entreprises et commerces sont ainsi volés à leurs propriétaires, les privant de toute ressource économique. Cette mort sociale précède la mort physique.

Le 2 juin 1941, un second Statut des Juifs, encore plus rigoureux, remplace celui d’octobre 1940. Il allonge la liste des professions interdites et durcit la définition de la judéité. Parallèlement, un recensement obligatoire des Juifs est organisé : ils doivent se déclarer dans les commissariats et préfectures. Ces fichiers, minutieusement établis par l’administration française, deviendront des outils mortels lors des rafles futures. En zone occupée, à partir de juin 1942, le port de l’étoile jaune est imposé par les Allemands, rendant les Juifs visibles et stigmatisés dans l’espace public.

🤝 La collaboration policière et administrative

📌 La politique de collaboration d’État

La persécution des Juifs en France s’inscrit dans le cadre plus large de la collaboration d’État, officiellement inaugurée par la poignée de main entre Pétain et Hitler à Montoire le 24 octobre 1940. Pour Vichy, collaborer est un choix stratégique : en aidant l’Allemagne, Pétain et Laval espèrent obtenir une place de choix pour la France dans la future « Europe nouvelle » nazie, ainsi que des assouplissements des conditions d’armistice (retour des prisonniers, baisse des frais d’occupation). Mais c’est un marché de dupes : les Allemands prennent tout et ne cèdent rien, exigeant toujours plus de main-d’œuvre et de soutien policier.

Dans le domaine de la répression, cette collaboration atteint des sommets. Vichy met sa police, sa gendarmerie et son administration au service de l’occupant. C’est une spécificité française en Europe de l’Ouest : nulle part ailleurs un État autochtone n’a prêté son concours avec autant d’autonomie et de zèle à la déportation. Sans l’aide de l’administration française, les Allemands, dont les effectifs policiers étaient très faibles en France (environ 3 000 hommes pour tout le territoire), n’auraient jamais pu arrêter autant de personnes. L’historien Robert Paxton a démontré que Vichy a souvent anticipé les désirs allemands pour affirmer sa souveraineté, même dans le crime.

Cette logique conduit à des négociations monstrueuses. En 1942, alors que l’Allemagne décide de mettre en œuvre la « Solution finale » (l’extermination systématique des Juifs d’Europe), elle demande à la France de lui livrer des contingents de Juifs. Pierre Laval et René Bousquet (secrétaire général de la Police de Vichy) négocient alors avec les chefs SS, notamment le général Oberg. C’est ce qu’on appelle les « accords Oberg-Bousquet » de l’été 1942. La police française accepte d’arrêter les Juifs étrangers en zone occupée et, fait unique, de livrer également les Juifs étrangers de la zone libre, où il n’y a pourtant pas un seul soldat allemand.

📌 Le rôle clé de la police et de la gendarmerie françaises

La police française devient le bras armé de la Shoah en France. Sous les ordres de René Bousquet, les forces de l’ordre françaises (gardiens de la paix, gendarmes, inspecteurs) organisent et exécutent les arrestations. Les Allemands fixent les quotas et fournissent les trains, mais ce sont des policiers français qui vont chercher les familles chez elles à l’aube, qui gardent les camps d’internement et qui escortent les convois jusqu’à la frontière. Cette implication massive de l’appareil d’État donne une efficacité redoutable aux rafles, car la police française possède les fichiers et connaît le terrain.

Il ne faut pas oublier le rôle de la justice et des préfectures. Les magistrats appliquent les lois antisémites sans protester (une seule démission de magistrat est connue pour ce motif). Les préfectures gèrent la logistique de l’internement. C’est une machinerie bureaucratique huilée qui se met en marche, où la responsabilité individuelle se dilue dans l’obéissance administrative. Cependant, certains policiers préviennent discrètement les familles avant les rafles, permettant des fuites, mais l’institution dans son ensemble obéit aux ordres de Vichy.

En échange de cette collaboration policière, Laval et Bousquet obtiennent que la police française garde une certaine autonomie et, dans un premier temps, que les Juifs de nationalité française soient provisoirement épargnés par les rafles massives. C’est un calcul cynique : sacrifier les Juifs étrangers (souvent réfugiés d’Europe de l’Est ou d’Allemagne) pour tenter de « protéger » les nationaux. Mais cette « protection » est illusoire et temporaire : vers la fin de la guerre, les Juifs français seront eux aussi arrêtés et déportés en grand nombre. Au total, environ 24 000 des 76 000 déportés étaient de nationalité française.

🚔 L’engrenage des rafles et les camps d’internement

📌 La rafle du Vel d’Hiv : symbole de la déportation

L’été 1942 marque le basculement dans l’horreur de masse. Les nazis exigent l’arrestation de 22 000 Juifs en région parisienne. La police française mobilise plus de 4 000 agents et gendarmes pour mener l’opération. Les 16 et 17 juillet 1942, c’est la rafle du Vélodrome d’Hiver (Vel d’Hiv). 13 152 personnes sont arrêtées à Paris et en banlieue, dont 4 115 enfants. C’est la plus grande arrestation massive de Juifs réalisée en France pendant la guerre. Fait terrible : alors que les Allemands ne réclamaient initialement que les adultes, Pierre Laval a insisté pour que les enfants soient aussi déportés, prétextant un souci « humanitaire » de ne pas séparer les familles (et surtout pour ne pas avoir à gérer ces milliers d’orphelins).

Les conditions de détention au Vélodrome d’Hiver sont inhumaines : entassés pendant plusieurs jours sous une verrière en plein été, sans eau, sans nourriture suffisante, avec peu de sanitaires et sous un éclairage violent constant, les familles vivent un enfer. L’odeur est insoutenable, les suicides se multiplient, les malades ne sont pas soignés. C’est le chaos absolu géré par la police française, sous le regard lointain des autorités allemandes. Du Vel d’Hiv, les familles sont ensuite transférées vers les camps du Loiret (Pithiviers et Beaune-la-Rolande) ou directement à Drancy.

Dans les camps du Loiret, un drame atroce se joue : les gendarmes français séparent par la force les mères de leurs enfants. Les parents sont déportés vers Auschwitz en premier. Les enfants restent seuls, livrés à eux-mêmes dans une misère effroyable, avant d’être à leur tour envoyés à Drancy puis déportés vers les chambres à gaz quelques semaines plus tard. Aucun de ces enfants n’est revenu. Pour en savoir plus sur les mécanismes de la répression en général, n’hésite pas à consulter la page du Mémorial de la Shoah.

📌 Le système concentrationnaire français : Drancy, Gurs, Rivesaltes

La France de Vichy s’est couverte d’un réseau de camps d’internement. Avant d’être des centres de transit vers la mort, ces camps ont servi à exclure et enfermer les « indésirables ». En zone sud, des camps comme Gurs, Rivesaltes ou Les Milles ont d’abord accueilli des réfugiés espagnols de la Retirada, puis des Juifs étrangers raflés par Vichy. Les conditions y sont épouvantables : faim, froid, boue, maladies (typhus, dysenterie). Des milliers de personnes y meurent de misère avant même toute déportation. Ces camps sont sous administration exclusivement française.

Le camp de Drancy, situé dans une cité inachevée de la banlieue nord de Paris, devient le nœud central de la Shoah en France. C’est l’antichambre de la mort. À partir de l’été 1942, la quasi-totalité des convois de déportation partent de la gare du Bourget puis de Bobigny, après avoir transité par Drancy. Le camp est d’abord gardé par les gendarmes français, puis directement par les SS d’Alois Brunner à partir de 1943. La vie à Drancy est rythmée par l’angoisse des départs, les appels, la faim et les brimades. C’est là que se décide la composition des convois vers l’Est.

Il existe aussi des rafles en zone libre (zone sud). Le 26 août 1942, une immense rafle est organisée par Vichy dans toute la moitié sud de la France : 6 500 Juifs étrangers sont arrêtés par la gendarmerie et livrés aux Allemands. C’est la preuve définitive que la zone « libre » n’est pas un refuge. À partir de novembre 1942, les Allemands envahissent la zone sud, étendant la traque directe à tout le territoire, aidés par la Milice française, une force paramilitaire fasciste créée en 1943 qui se montrera d’une violence extrême.

🚂 La déportation et la mise en œuvre de la Solution finale

📌 Les convois vers l’Est : la destination Auschwitz

La déportation des Juifs de France commence véritablement le 27 mars 1942 avec le premier convoi, mais elle s’accélère brutalement après la rafle du Vel d’Hiv. Au total, près de 79 convois ferroviaires quittent la France, emportant environ 76 000 personnes. Les déportés sont entassés dans des wagons à bestiaux plombés (environ 100 personnes par wagon), sans eau, avec un simple seau hygiénique, pour un voyage qui dure souvent trois jours et trois nuits. Beaucoup de vieillards et de malades meurent durant le trajet, étouffés par la chaleur ou glacés par le froid, épuisés par la soif et la terreur.

La destination principale est le complexe d’Auschwitz-Birkenau, en Pologne occupée, centre de mise à mort immédiate et camp de concentration. Environ 69 000 déportés de France y sont envoyés. À l’arrivée sur la « Judenrampe », c’est la « sélection » : les SS séparent les hommes des femmes, et surtout les « aptes au travail » des « inaptes ». Les enfants, les personnes âgées, les femmes avec bébés et les personnes fragiles sont envoyés directement vers les chambres à gaz. La majorité des déportés de France sont assassinés quelques heures après leur arrivée.

D’autres convois, moins nombreux (les convois 50, 51, 52 et 53), sont dirigés vers le camp d’extermination de Sobibor ou vers Majdanek et Kaunas. Le sort des Tsiganes (Roms, Manouches) doit aussi être souligné : internés dans des camps français (comme à Montreuil-Bellay), certains sont déportés, bien que leur persécution en France ait pris des formes différentes, davantage centrées sur l’internement prolongé que sur la déportation systématique (environ 350 Tsiganes déportés depuis le Nord-Pas-de-Calais rattaché à la Belgique).

📌 Le bilan chiffré de la Shoah en France

Les chiffres sont terribles et précis grâce aux travaux de Serge et Beate Klarsfeld. Sur les quelque 330 000 Juifs présents en France en 1940, environ 76 000 ont été déportés. Parmi eux, on compte 11 400 enfants. À la fin de la guerre, en 1945, seulement 2 500 de ces déportés sont rentrés vivants, soit à peine 3 %. C’est un taux de survie infime qui témoigne de la volonté d’extermination totale des nazis. On compte également environ 3 000 Juifs morts dans les camps d’internement français avant même la déportation et environ 1 000 exécutés comme otages ou résistants.

Cependant, il faut aussi lire ces chiffres en miroir : près de 75 % des Juifs de France ont survécu. C’est l’un des taux de survie les plus élevés d’Europe occupée (en comparaison, 90 % des Juifs de Pologne et 75 % des Juifs des Pays-Bas ont été exterminés). Ce « paradoxe français » s’explique par plusieurs facteurs : la dispersion géographique du territoire (villages isolés, montagnes), l’existence de la zone libre jusqu’en 1942, mais aussi et surtout l’aide de la population et des organisations de sauvetage. Tu peux consulter les ressources de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah via Chemins de Mémoire pour des détails sur ces statistiques.

Ce bilan montre la double réalité de la période : l’efficacité meurtrière de la collaboration d’État qui a livré des milliers de personnes, et les limites de cette politique face à la réaction, parfois tardive mais réelle, de la société civile. Vichy a voulu sacrifier les Juifs étrangers pour sauver les Juifs français, mais a fini par livrer les deux, participant activement à un crime contre l’humanité.

🕊️ Survie, sauvetage et résistance civile

📌 Les Justes et la solidarité civile

Face à la persécution, de nombreux Français ont choisi de ne pas obéir ou d’aider les proscrits. On les appelle les Justes parmi les Nations, un titre décerné par l’Institut Yad Vashem à Jérusalem. En France, plus de 4 000 personnes ont reçu ce titre, mais le nombre de ceux qui ont aidé est bien plus grand. Il s’agit de paysans qui ont caché des familles dans leurs fermes, de religieux (couvents, prêtres, pasteurs) qui ont délivré de faux certificats de baptême ou caché des enfants, de policiers qui ont averti avant une rafle, ou de simples citoyens qui ont prêté un appartement ou donné de la nourriture.

La géographie a joué un rôle : des régions comme le plateau protestant du Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire) sont devenues de véritables refuges collectifs où toute la population a participé au sauvetage. De même, la zone d’occupation italienne (dans le sud-est, jusqu’en septembre 1943) a longtemps servi de refuge car les autorités fascistes italiennes refusaient de livrer les Juifs aux nazis, contrairement à la police de Vichy. Cette résistance civile, souvent silencieuse et individuelle, a été déterminante pour la survie des trois quarts des Juifs de France.

L’opinion publique a évolué. Si l’antisémitisme était répandu en 1940, les images des rafles de l’été 1942, et particulièrement la violence faite aux femmes et aux enfants, ont choqué. Des voix se sont élevées, comme celle de Mgr Saliège, archevêque de Toulouse, qui fait lire en chaire une lettre pastorale retentissante en août 1942 : « Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes… Tout n’est pas permis contre eux ». Cette protestation morale a brisé l’indifférence et a compliqué la tâche de Vichy, forçant Laval à ralentir quelque peu le rythme des déportations pour ne pas braquer totalement l’opinion.

📌 Les organisations juives de sauvetage

Les Juifs n’ont pas été passifs face à leur destin. Des organisations comme l’OSE (Œuvre de Secours aux Enfants), les Éclaireurs Israélites de France (EIF) ou le Mouvement de Jeunesse Sioniste (MJS) ont monté des réseaux clandestins incroyablement efficaces. Leur priorité absolue a été de sauver les enfants. Ils les sortaient des camps d’internement (parfois en les faisant passer pour des non-Juifs), leur fabriquaient de faux papiers, et les dispersaient dans des familles d’accueil ou des institutions religieuses à la campagne. On estime que ces réseaux ont sauvé entre 7 000 et 10 000 enfants.

Certains Juifs ont aussi rejoint la Résistance armée. Des groupes comme la MOI (Main-d’œuvre immigrée), illustrés par le groupe Manouchian (l’Affiche rouge), ont mené la guérilla urbaine contre les nazis à Paris. D’autres ont rejoint les maquis. Il y a eu une résistance spécifiquement juive, comme l’Armée Juive (AJ), qui combattait à la fois pour la libération de la France et pour la défense des Juifs. Cette participation montre que les victimes désignées par les nazis ont aussi été des acteurs de leur propre libération.

Pour approfondir le contexte de ces luttes et les lois mémorielles qui ont suivi, tu peux lire notre article satellite sur les luttes et lois contre le racisme et l’antisémitisme en France, qui évoque notamment la reconnaissance officielle de la responsabilité de l’État français par Jacques Chirac en 1995, mettant fin au « mythe du bouclier » selon lequel Vichy aurait protégé les Français.

🧠 À retenir sur Vichy, persécutions et Shoah en France

  • Le régime de Vichy, dirigé par Pétain, met en place dès octobre 1940 un antisémitisme d’État autonome (Statut des Juifs) sans pression allemande initiale.
  • La police et l’administration françaises ont activement collaboré à l’arrestation et à la déportation des Juifs (accords Bousquet-Oberg), notamment lors de la rafle du Vel d’Hiv en juillet 1942.
  • Environ 76 000 Juifs ont été déportés de France, principalement vers Auschwitz, et seuls 2 500 ont survécu en 1945.
  • Malgré la collaboration de l’État, 75 % des Juifs de France ont survécu grâce à l’aide de la population (les Justes), aux organisations de sauvetage juives et à la dispersion sur le territoire.

❓ FAQ : Questions fréquentes sur Vichy et la Shoah

🧩 Quelle est la différence entre un camp d’internement et un camp de concentration ?

Les camps d’internement en France (comme Gurs ou Drancy) servaient à enfermer et regrouper les populations jugées indésirables avant leur déportation. Les camps de concentration et d’extermination (comme Auschwitz) situés à l’Est étaient destinés au travail forcé jusqu’à la mort ou à l’assassinat industriel immédiat (chambres à gaz).

🧩 Est-ce que Vichy a protégé les Juifs français ?

C’est une thèse longtemps défendue par les pétainistes (la théorie du glaive et du bouclier), mais les historiens (comme R. Paxton) ont prouvé qu’elle était fausse. Si Vichy a d’abord livré les Juifs étrangers en priorité, il n’a pas hésité à livrer ensuite des Juifs français (notamment les enfants nés en France) et a promulgué des lois raciales qui frappaient tous les Juifs sans distinction.

🧩 Qu’est-ce que l’étoile jaune ?

C’est un insigne distinctif en tissu jaune en forme d’étoile de David avec le mot « Juif », imposé par les nazis à partir de juin 1942 en zone occupée pour tous les Juifs de plus de 6 ans. Elle servait à les identifier, les humilier et faciliter leur arrestation. Elle n’a pas été imposée en zone libre (non occupée).

🧩 Quiz – Vichy et la Shoah en France

1. Quand le premier Statut des Juifs est-il promulgué par Vichy ?



2. Qui est le chef de l’État français (régime de Vichy) ?



3. Comment appelle-t-on l’idéologie officielle du régime de Vichy ?



4. Quelle opération policière a eu lieu les 16 et 17 juillet 1942 à Paris ?



5. Combien de Juifs ont été déportés de France environ ?



6. Quel camp situé près de Paris servait de principal lieu de transit avant la déportation ?



7. Quelle était la destination principale des convois de déportation partis de France ?



8. Qui était Pierre Laval ?



9. Qu’est-ce que l’aryanisation économique ?



10. Quel est le taux de survie approximatif des déportés juifs de France en 1945 ?



11. Comment appelle-t-on les personnes non-juives qui ont aidé à sauver des Juifs ?



12. Quel organisme de Vichy était chargé spécifiquement des « problèmes juifs » ?



13. Quelle force de police française a effectué la rafle du Vel d’Hiv ?



14. Quelle catégorie de population a été livrée aux Allemands par Vichy en premier ?



15. Quel archevêque a publiquement protesté contre les déportations en août 1942 ?



16. Quel pourcentage approximatif de Juifs vivant en France a survécu à la guerre ?



17. Qu’est-ce que le village de Chambon-sur-Lignon a de particulier ?



18. En quelle année Jacques Chirac a-t-il reconnu la responsabilité de l’État français ?



19. Qui était René Bousquet ?



20. Quel était le sort réservé aux enfants lors des déportations à Auschwitz ?



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