đŸŠș Gilets jaunes et comparaisons historiques : comprendre la colĂšre sociale

🎯 Pourquoi ce mouvement est-il emblĂ©matique en histoire ?

Le mouvement des Gilets jaunes, nĂ© Ă  l’automne 2018, a marquĂ© les esprits par sa durĂ©e, sa violence et ses modes d’action inĂ©dits, bouleversant le paysage politique français. Ce soulĂšvement spontanĂ©, parti d’une contestation contre la hausse des taxes sur le carburant, a rapidement cristallisĂ© une colĂšre sociale bien plus profonde, rappelant de nombreux Ă©pisodes de notre passĂ©. Pour l’historien comme pour l’élĂšve, analyser les Gilets jaunes et comparaisons historiques permet de comprendre les permanences des luttes sociales en France, de la Jacquerie mĂ©diĂ©vale aux barricades de 1968. Nous allons voir que derriĂšre le fluo du gilet de sĂ©curitĂ© se cachent des mĂ©canismes de rĂ©volte sĂ©culaires qui structurent l’histoire de France.

đŸ—‚ïž Dans cet article, tu vas dĂ©couvrir :

👉 Poursuivons avec le premier chapitre pour bien comprendre le contexte de ce thùme.

💾 De la Jacquerie aux Gilets jaunes : la constante fiscale

📌 L’impĂŽt comme Ă©tincelle de la rĂ©volte

L’histoire des rĂ©voltes populaires en France est indissociable de la question de l’impĂŽt, qui est bien souvent l’étincelle mettant le feu aux poudres dans un contexte de prĂ©caritĂ© Ă©conomique. Lorsque le mouvement des Gilets jaunes Ă©clate en novembre 2018, l’élĂ©ment dĂ©clencheur est la hausse de la TICPE (Taxe intĂ©rieure de consommation sur les produits Ă©nergĂ©tiques), perçue comme injuste par les ruraux et les pĂ©ri-urbains dĂ©pendants de leur voiture. Cette mĂ©canique de l’impĂŽt « de trop » nous renvoie directement aux grandes rĂ©voltes d’Ancien RĂ©gime, oĂč la crĂ©ation ou l’augmentation d’une taxe royale provoquait des levĂ©es de boucliers immĂ©diates. L’histoire nous montre que la lĂ©gitimitĂ© de l’impĂŽt est fragile lorsque le contribuable a le sentiment de ne rien recevoir en retour ou de payer pour les excĂšs d’une Ă©lite lointaine.

Si l’on regarde en arriĂšre, les jacqueries au Moyen Âge fonctionnaient exactement sur ce modĂšle de rĂ©action Ă©pidermique face Ă  la pression fiscale seigneuriale ou royale. La Grande Jacquerie de 1358, par exemple, a vu les paysans du Bassin parisien se soulever contre la noblesse qu’ils accusaient de ne plus assurer leur protection tout en exigeant toujours plus de ressources. C’est exactement le mĂȘme ressort psychologique que l’on retrouve chez les Gilets jaunes : le sentiment d’ĂȘtre la « vache Ă  lait » de l’État, payant pour des services publics qui disparaissent des campagnes, crĂ©ant une fracture territoriale majeure. La comparaison avec les rĂ©voltes mĂ©diĂ©vales est donc pertinente sur le plan de la causalitĂ© initiale : une rupture du contrat moral entre le peuple et ceux qui prĂ©lĂšvent la richesse.

📌 Les rĂ©voltes antifiscales du XVIIe siĂšcle

Le parallĂšle devient encore plus frappant lorsqu’on Ă©tudie les mouvements du XVIIe siĂšcle, Ă©poque dorĂ©e des sĂ©ditions antifiscales face Ă  la construction de l’État absolutiste. Les rĂ©voltes paysannes (XVIIe) comme celle des Croquants dans le PĂ©rigord ou des Nu-Pieds en Normandie (1639) partagent de nombreux points communs avec la mobilisation des Gilets jaunes. Dans les deux cas, il s’agit de mouvements qui partent de la base, sans leader national préétabli, et qui agrĂšgent des communautĂ©s solidaires face Ă  l’administration centrale. En 1639, les Nu-Pieds refusaient l’introduction de la gabelle (impĂŽt sur le sel) ; en 2018, les Gilets jaunes refusent la taxe carbone : la nature du produit change, mais la symbolique de l’atteinte au pouvoir d’achat reste identique.

Un autre point de convergence fascinant est la sociologie de ces mouvements historiques par rapport Ă  celle de 2018. Les rĂ©voltes du XVIIe siĂšcle n’étaient pas uniquement le fait des plus misĂ©reux, mais impliquaient souvent des petits notables, des artisans et des paysans aisĂ©s qui craignaient le dĂ©classement. De la mĂȘme maniĂšre, le mouvement des Gilets jaunes a mobilisĂ© de nombreux travailleurs pauvres, mais aussi des retraitĂ©s, des artisans et des petits entrepreneurs inquiets pour leur avenir. Ce n’est pas une rĂ©volte de la misĂšre absolue, mais une rĂ©volte de la « peur de tomber », une angoisse du dĂ©classement social face Ă  une pression fiscale jugĂ©e confiscatoire. C’est une constante historique : les rĂ©volutions naissent souvent lorsque l’espoir d’ascension sociale se brise.

đŸ‡«đŸ‡· Cahiers de dolĂ©ances et Sans-culottes : l’hĂ©ritage de 1789

📌 La symbolique rĂ©volutionnaire omniprĂ©sente

DĂšs les premiĂšres semaines de mobilisation, les rĂ©fĂ©rences Ă  la RĂ©volution française de 1789 ont saturĂ© le discours et l’imagerie des Gilets jaunes. On a vu fleurir des bonnets phrygiens sur les ronds-points, on a entendu chanter La Marseillaise Ă  tue-tĂȘte, et des guillotines factices ont mĂȘme Ă©tĂ© Ă©rigĂ©es lors de certaines manifestations. Cette convocation de la mĂ©moire rĂ©volutionnaire n’est pas anecdotique : elle sert Ă  lĂ©gitimer le combat en l’inscrivant dans la « grande histoire » de la souverainetĂ© populaire. Le Gilet jaune lui-mĂȘme, vĂȘtement de haute visibilitĂ©, fonctionne comme une nouvelle cocarde : c’est un signe de reconnaissance, un uniforme du peuple qui se rend visible aux yeux des puissants, tout comme le pantalon des Sans-culottes marquait leur diffĂ©rence avec la culotte des aristocrates.

L’épisode le plus marquant de cette rĂ©appropriation historique fut sans doute l’ouverture des « Cahiers de dolĂ©ances » dans des milliers de mairies françaises au cours du Grand DĂ©bat National lancĂ© par l’exĂ©cutif en 2019. Cette initiative reprenait explicitement le modĂšle des États gĂ©nĂ©raux de 1789, oĂč le roi Louis XVI avait demandĂ© aux Français de lister leurs plaintes. Comme en 1789, les contributions de 2019 ont portĂ© massivement sur la justice fiscale, les privilĂšges des Ă©lus (vus comme la nouvelle noblesse) et la demande de dĂ©mocratie directe. Tu peux approfondir cette pĂ©riode fondatrice en consultant le site des Archives nationales qui conserve les originaux de ces textes, tĂ©moins inestimables de la parole populaire.

📌 Femmes du peuple et marche sur les lieux de pouvoir

Une autre analogie frappante avec la pĂ©riode rĂ©volutionnaire concerne le rĂŽle actif des femmes et la volontĂ© physique d’aller chercher le pouvoir lĂ  oĂč il se trouve. En octobre 1789, ce sont les femmes de Paris, les marchandes des Halles, qui marchent sur Versailles pour rĂ©clamer du pain et ramener le roi (« le Boulanger ») Ă  Paris. Lors du mouvement des Gilets jaunes, les femmes Ă©taient particuliĂšrement nombreuses et visibles sur les ronds-points et dans les cortĂšges, incarnant la gestion difficile du budget familial et la charge mentale de la prĂ©caritĂ©. C’est la figure de la « mĂšre courage » qui se bat pour remplir le frigo, Ă©cho direct des Ă©meutiĂšres de la faim de l’Ancien RĂ©gime.

De plus, la focalisation gĂ©ographique sur les lieux de pouvoir parisiens rappelle la dynamique rĂ©volutionnaire centralisatrice. Les Gilets jaunes, bien que partis d’un mouvement territorial et pĂ©riphĂ©rique, ont convergĂ© chaque samedi vers Paris, ciblant l’ÉlysĂ©e ou l’Arc de Triomphe. Cette obsession de « monter Ă  Paris » pour se faire entendre du monarque rĂ©publicain est un hĂ©ritage direct de notre histoire politique centralisĂ©e. Le saccage de l’Arc de Triomphe le 1er dĂ©cembre 2018 a choquĂ© prĂ©cisĂ©ment parce qu’il touchait un symbole sacrĂ© de la nation, rappelant les actes d’iconoclasme (destruction de symboles) frĂ©quents lors des pĂ©riodes rĂ©volutionnaires, oĂč le peuple s’attaque aux monuments pour signifier sa rupture avec l’ordre Ă©tabli.

đŸ§± Barricades et ronds-points : les Ă©chos du XIXe siĂšcle

📌 La rue comme champ de bataille politique

Le XIXe siĂšcle français est le siĂšcle des rĂ©volutions par excellence, jalonnĂ© par 1830, 1848 et 1871, des moments oĂč le peuple de Paris a pris le contrĂŽle de la rue pour renverser des rĂ©gimes. Si les Gilets jaunes n’ont pas renversĂ© le gouvernement, leur occupation de l’espace public rappelle fortement cette tradition de l’émeute urbaine. La RĂ©volution de 1830, dite des Trois Glorieuses, a popularisĂ© la barricade comme outil dĂ©fensif et offensif du peuple contre l’armĂ©e. En 2018, les barricades de fortune sur les Champs-ÉlysĂ©es ou les pĂ©ages d’autoroute transformĂ©s en bastions imprenables sont les hĂ©ritiers directs de cette stratĂ©gie de l’obstruction physique.

Cependant, la gĂ©ographie a changĂ© : au XIXe siĂšcle, les rĂ©voltes se jouaient dans les ruelles Ă©troites du vieux Paris, propices aux embuscades. Depuis les travaux d’Haussmann sous le Second Empire, conçus en partie pour faciliter le maintien de l’ordre, les larges avenues parisiennes rendent la constitution de barricades traditionnelles plus difficile. C’est pourquoi les Gilets jaunes ont inventĂ© une nouvelle centralitĂ© : le rond-point. SituĂ© en pĂ©riphĂ©rie, lieu de passage obligĂ© de la France de l’automobile, le rond-point est devenu l’agora du XXIe siĂšcle, remplaçant la place publique ou le bistrot du village. C’est lĂ  que s’est recréée une fraternitĂ© combattante, rappelant les sections parisiennes de la RĂ©volution ou les clubs politiques de 1848.

📌 La violence et la rupture avec les Ă©lites : l’ombre de la Commune

L’épisode historique qui rĂ©sonne peut-ĂȘtre le plus douloureusement avec la violence ressentie lors de la crise des Gilets jaunes est la rĂ©volte de la Commune de Paris en 1871. La Commune a Ă©tĂ© marquĂ©e par une haine fĂ©roce entre le peuple de Paris et les « Versaillais » (le gouvernement rĂ©fugiĂ© Ă  Versailles), perçus comme des traĂźtres bourgeois. On retrouve chez les Gilets jaunes cette dĂ©testation viscĂ©rale d’une Ă©lite jugĂ©e mĂ©prisante (les « premiers de cordĂ©e »), coupĂ©e des rĂ©alitĂ©s et arrogante. Les slogans hostiles au PrĂ©sident de la RĂ©publique et aux mĂ©dias rappellent la virulence des pamphlets communards contre Thiers et la presse bourgeoise de l’époque.

La question de la rĂ©pression policiĂšre est Ă©galement centrale dans cette comparaison. Le mouvement des Gilets jaunes a suscitĂ© un vif dĂ©bat sur les violences policiĂšres et le maintien de l’ordre (usage des LBD, grenades), un niveau d’affrontement physique que la France n’avait plus connu depuis longtemps. Si l’on est loin des 20 000 morts de la Semaine sanglante de 1871, la logique de confrontation binaire « Peuple contre État » a rĂ©activĂ© des mĂ©moires traumatiques. Pour analyser la maniĂšre dont l’État gĂšre ces crises, les ressources de Vie-publique.fr offrent des Ă©clairages intĂ©ressants sur l’évolution du maintien de l’ordre en France.

🛒 La boutique contre l’État : du Poujadisme aux Bonnets rouges

📌 La dĂ©fense des « petits » contre les « gros »

Si les comparaisons avec la gauche rĂ©volutionnaire sont frĂ©quentes, les Gilets jaunes empruntent aussi Ă  une tradition de contestation plus conservatrice ou corporatiste : celle de la dĂ©fense des classes moyennes indĂ©pendantes. Le terme « poujadisme » est souvent revenu dans les analyses mĂ©diatiques. Il fait rĂ©fĂ©rence au mouvement lancĂ© par Pierre Poujade en 1953, l’Union de dĂ©fense des commerçants et artisans (UDCA). Ce mouvement luttait contre le fisc, la complexitĂ© administrative et le dĂ©veloppement des grandes surfaces qui menaçaient les petits commerces. Comme les Gilets jaunes, le poujadisme Ă©tait un mouvement antifiscal, anti-Ă©lite et profondĂ©ment ancrĂ© dans la France des bourgs et des petites villes, rejetant la technocratie parisienne.

Cette filiation se retrouve dans la sociologie initiale des Gilets jaunes : beaucoup d’indĂ©pendants, d’artisans, de routiers, de petits patrons qui ne se sentent pas reprĂ©sentĂ©s par les syndicats de salariĂ©s traditionnels. Le discours sur le « racket fiscal » de l’État, sur les radars automatiques vus comme des « pompes Ă  fric », s’inscrit dans cette lignĂ©e de la rĂ©volte des « petits » qui travaillent dur contre les « gros » qui profitent du systĂšme ou l’État qui gaspille. C’est une forme de populisme (au sens d’appel au peuple contre les Ă©lites) qui traverse rĂ©guliĂšrement la droite et le centre de l’échiquier politique français.

📌 Le prĂ©cĂ©dent immĂ©diat : les Bonnets rouges bretons

Plus prĂšs de nous, en 2013, le mouvement des Bonnets rouges en Bretagne a prĂ©figurĂ© Ă  bien des Ă©gards celui des Gilets jaunes. NĂ© d’une opposition Ă  l’écotaxe (une taxe sur les poids lourds), ce mouvement a rĂ©ussi Ă  faire plier le gouvernement de l’époque par l’action directe : destruction des portiques Ă©cotaxe, manifestations massives. Les Bonnets rouges partageaient avec les Gilets jaunes le rejet d’une taxe Ă©cologique punitive, l’ancrage territorial fort (ici l’identitĂ© bretonne) et l’alliance interclassiste (patrons et ouvriers bretons manifestant ensemble pour l’emploi local).

La diffĂ©rence majeure rĂ©side dans l’encadrement. Les Bonnets rouges Ă©taient structurĂ©s, soutenus par des Ă©lus locaux et des chefs d’entreprise rĂ©gionaux. Les Gilets jaunes, eux, ont poussĂ© la logique jusqu’au bout en refusant toute structure, tout porte-parole officiel et toute rĂ©cupĂ©ration politique. C’est cette horizontalitĂ© absolue qui a rendu le mouvement insaisissable pour le pouvoir, mais qui a aussi rendu difficile la nĂ©gociation d’une sortie de crise, contrairement Ă  2013 oĂč l’abandon de l’écotaxe a sifflĂ© la fin de la rĂ©crĂ©ation.

📣 Mai 68 et Gilets jaunes : deux mondes qui s’opposent ?

📌 Convergences et divergences sociologiques

La rĂ©fĂ©rence Ă  Mai 68 est incontournable dĂšs qu’on parle de crise sociale en France, mais la comparaison avec les Gilets jaunes montre surtout des diffĂ©rences fondamentales. Mai 68 Ă©tait, Ă  l’origine, un mouvement Ă©tudiant parisien (la jeunesse intellectuelle) rejoint par le monde ouvrier encadrĂ© par des syndicats puissants (CGT, CFDT). La sociologie des Gilets jaunes est presque l’inverse : c’est le mouvement de la « France pĂ©riphĂ©rique » (concept du gĂ©ographe Christophe Guilluy), des invisibles, souvent Ă©loignĂ©s de la culture universitaire et mĂ©fiants envers les syndicats. En 68, on voulait « changer la vie » ; chez les Gilets jaunes, on voulait d’abord « finir le mois ».

Les mots d’ordre diffĂšrent Ă©galement. Mai 68 portait des revendications qualitatives, libertaires et sociĂ©tales (libertĂ© sexuelle, critique de l’autoritĂ©, autogestion). Les Gilets jaunes portent des revendications quantitatives, matĂ©rialistes et sĂ©curisantes (pouvoir d’achat, baisse des taxes, retour des services publics). LĂ  oĂč 68 regardait vers l’avenir et l’utopie, les Gilets jaunes expriment souvent une nostalgie d’un passĂ© oĂč le travail payait et oĂč l’État protĂ©geait. Cependant, la jonction s’est faite sur la critique de la verticalitĂ© du pouvoir : le « Degaulle dĂ©mission » de 68 trouve un Ă©cho parfait dans le « Macron dĂ©mission » de 2018.

📌 La question de la « convergence des luttes »

Un des grands Ă©checs – ou une des caractĂ©ristiques – du mouvement des Gilets jaunes a Ă©tĂ© la difficultĂ© d’opĂ©rer la fameuse « convergence des luttes » rĂȘvĂ©e par les militants de gauche depuis Mai 68. En 1968, Ă©tudiants et ouvriers ont fini par paralyser le pays ensemble (grĂšve gĂ©nĂ©rale de 10 millions de personnes). En 2018-2019, malgrĂ© des tentatives de rapprochement avec les syndicats ou les Ă©cologistes (« Fin du monde, fin du mois, mĂȘme combat »), la fusion n’a jamais vraiment pris. La mĂ©fiance des Gilets jaunes envers les « corps intermĂ©diaires » (syndicats, partis) a empĂȘchĂ© la structuration d’un front commun.

Cette atomisation des luttes est typique de notre Ă©poque, marquĂ©e par l’individualisation et le dĂ©clin des grandes structures collectives du XXe siĂšcle (Parti communiste, Église, grands syndicats). Les Gilets jaunes ont dĂ» inventer une nouvelle forme de fraternitĂ©, non plus basĂ©e sur l’appartenance Ă  une usine ou Ă  un parti, mais sur le partage d’une condition de vie prĂ©caire et d’un lieu gĂ©ographique (le rond-point). C’est une forme de solidaritĂ© plus fluide, plus fragile aussi, qui explique les flux et reflux du mouvement sur la longue durĂ©e.

đŸ—łïž DĂ©gagisme et crise de la reprĂ©sentation politique

📌 Le rejet des intermĂ©diaires et l’influence du numĂ©rique

Si les comparaisons historiques sont nombreuses, le mouvement des Gilets jaunes possĂšde une caractĂ©ristique propre au XXIe siĂšcle : le rĂŽle central des rĂ©seaux sociaux, en particulier Facebook. C’est l’algorithme de Facebook, favorisant les groupes locaux et les contenus Ă©motionnels, qui a permis l’agrĂ©gation des colĂšres individuelles en un mouvement national sans passer par les mĂ©dias traditionnels ou les partis. Historiquement, les rĂ©voltes se propageaient par la rumeur, les pamphlets ou les journaux clandestins. Ici, la vitesse de propagation a Ă©tĂ© instantanĂ©e, court-circuitant tous les « filtres » habituels de la dĂ©mocratie reprĂ©sentative.

Ce phĂ©nomĂšne s’inscrit dans une vague mondiale de « dĂ©gagisme » et de populisme numĂ©rique. Le rejet des Ă©lus (« Tous pourris », « Ils ne nous comprennent pas ») n’est pas nouveau – l’antiparlementarisme des annĂ©es 1930 Ă©tait trĂšs virulent – mais il prend une forme nouvelle avec la demande d’horizontalitĂ© absolue. Le refus de dĂ©signer des chefs a Ă©tĂ© une force pour Ă©viter la rĂ©cupĂ©ration, mais une faiblesse pour nĂ©gocier. C’est une rupture avec la tradition rĂ©publicaine française fondĂ©e sur la dĂ©lĂ©gation de pouvoir Ă  des reprĂ©sentants Ă©lus.

📌 Le RIC : une demande de dĂ©mocratie directe

La revendication centrale qui a Ă©mergĂ© du mouvement, le RIC (RĂ©fĂ©rendum d’Initiative Citoyenne), est la preuve de cette volontĂ© de reprendre le contrĂŽle direct sur la politique. Cette idĂ©e plonge ses racines dans la philosophie des LumiĂšres et les pratiques de la RĂ©volution française (la Constitution de 1793 Ă©tait trĂšs dĂ©mocratique), mais aussi dans les thĂ©ories du mandat impĂ©ratif chĂšres Ă  la Commune de Paris. Les Gilets jaunes ont rĂ©activĂ© le vieux rĂȘve d’une dĂ©mocratie sans filtres, oĂč le peuple lĂ©gifĂšre ou rĂ©voque ses Ă©lus directement.

Cette demande remet en cause le modĂšle de la Ve RĂ©publique, souvent critiquĂ©e pour sa concentration excessive des pouvoirs entre les mains du PrĂ©sident (la « monarchie rĂ©publicaine »). En demandant plus de participation directe, les Gilets jaunes s’inscrivent dans une critique historique du bonapartisme et du gaullisme. Pour comprendre ces enjeux institutionnels, tu peux consulter les dossiers pĂ©dagogiques sur Lumni qui expliquent le fonctionnement de nos institutions et l’histoire du vote en France. Le mouvement a ainsi forcĂ© la France Ă  se regarder dans le miroir et Ă  interroger la santĂ© de sa dĂ©mocratie reprĂ©sentative.

🧠 À retenir sur Gilets jaunes et comparaisons historiques

  • Le mouvement dĂ©marre en novembre 2018 sur un motif fiscal, rappelant les jacqueries mĂ©diĂ©vales et les rĂ©voltes antifiscales du XVIIe siĂšcle.
  • Il emprunte une symbolique forte Ă  la RĂ©volution française de 1789 (cahiers de dolĂ©ances, cocardes, marche des femmes, souverainetĂ© populaire).
  • Les modes d’action (occupation de l’espace, violence, barricades) font Ă©cho aux rĂ©volutions urbaines du XIXe siĂšcle et Ă  la Commune de 1871.
  • Il se distingue de Mai 68 par sa sociologie (populaire et pĂ©ri-urbaine vs Ă©tudiante) et ses revendications (pouvoir d’achat vs libertĂ© sociĂ©tale).

❓ FAQ : Questions frĂ©quentes sur Gilets jaunes et comparaisons historiques

đŸ§© Les Gilets jaunes sont-ils une rĂ©volution ?

Pas au sens strict de renversement du rĂ©gime politique, car la Ve RĂ©publique est restĂ©e en place. C’est une rĂ©volte sociale majeure, une crise politique profonde, voire une situation insurrectionnelle Ă  certains moments (dĂ©cembre 2018), mais elle n’a pas abouti Ă  un changement de constitution comme en 1789, 1830 ou 1848.

đŸ§© Pourquoi compare-t-on souvent les Gilets jaunes aux Sans-culottes ?

La comparaison vient de la composition sociale (le « petit peuple » qui travaille) et de la volonté de surveillance directe des élus. Comme les Sans-culottes, les Gilets jaunes se méfient des riches et des corps intermédiaires, portent un signe distinctif vestimentaire et réclament une justice fiscale immédiate.

đŸ§© Quelle est la diffĂ©rence avec les Bonnets rouges ?

Les Bonnets rouges (2013) Ă©taient un mouvement rĂ©gional (Bretagne) soutenu par des patrons et des Ă©lus locaux pour dĂ©fendre l’Ă©conomie rĂ©gionale. Les Gilets jaunes sont un mouvement national, sans leaders, sans soutien patronal ou syndical, et portant des revendications beaucoup plus larges que la seule taxe carbone.

đŸ§© Quiz – Gilets jaunes et histoire des rĂ©voltes

1. En quelle année le mouvement des Gilets jaunes a-t-il débuté ?



2. Quelle taxe a Ă©tĂ© l’Ă©lĂ©ment dĂ©clencheur du mouvement ?



3. Quelle révolte médiévale de 1358 sert souvent de point de comparaison ?



4. Quel vĂȘtement symbolique les Gilets jaunes rappellent-ils par sa fonction de reconnaissance ?



5. Quel dispositif de 1789 a été réactivé dans les mairies en 2019 ?



6. Quelle révolte antifiscale normande de 1639 est citée en comparaison ?



7. Quel lieu géographique a remplacé la barricade de rue pour les Gilets jaunes ?



8. Quelle révolution du XIXe siÚcle est célÚbre pour ses barricades à Paris ?



9. Quel mouvement de commerçants des années 1950 est souvent comparé aux Gilets jaunes ?



10. Quelle est la principale différence sociologique avec Mai 68 ?



11. Quel acronyme désigne la revendication démocratique majeure des Gilets jaunes ?



12. Quel mouvement breton de 2013 a préfiguré les Gilets jaunes ?



13. Quel monument parisien a été saccagé le 1er décembre 2018 ?



14. Quel terme désigne le rejet des élus et des élites en place ?



15. Quelle classe sociale médiévale correspond aux « premiers de cordée » critiqués par les Gilets jaunes ?



16. Quel rÎle ont joué les femmes chez les Gilets jaunes, rappelant octobre 1789 ?



17. Quel outil moderne a remplacé les pamphlets et la rumeur pour organiser la révolte ?



18. Quelle diffĂ©rence majeure existe-t-il dans l’organisation des Gilets jaunes par rapport aux syndicats ?



19. Comment appelle-t-on la période sanglante qui a mis fin à la Commune de Paris en 1871 ?



20. Quel concept gĂ©ographique explique l’origine de nombreux Gilets jaunes ?



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