🏛️ Débats religieux sous la IIIe République : une histoire de combats et de pacification

🎯 Pourquoi les débats religieux sous la IIIe République sont-ils fondateurs ?

La période qui s’étend de 1870 à 1940 est sans doute la plus cruciale pour comprendre la place de la religion en France aujourd’hui. Les débats religieux sous la IIIe République ne sont pas de simples discussions théologiques, mais de véritables batailles politiques qui ont façonné l’identité républicaine du pays. Après la chute du Second Empire, la France est divisée entre des monarchistes catholiques qui voient la défaite comme une punition divine et des républicains décidés à soustraire la société à l’influence de l’Église. C’est dans ce contexte explosif que vont se jouer l’école laïque, l’affaire Dreyfus et la célèbre Séparation de 1905.

🗂️ Dans cet article, tu vas découvrir :

👉 Poursuivons avec le premier chapitre pour bien comprendre le contexte de ce thème.

🧭 La fracture initiale : Républicains contre Cléricaux (1870-1879)

📌 Une République née dans la douleur et la prière

Pour bien saisir la violence des débats religieux sous la IIIe République, il faut revenir à la naissance du régime. En septembre 1870, le Second Empire s’effondre face à la Prusse. La République est proclamée, mais l’Assemblée nationale élue en 1871 est majoritairement monarchiste et catholique. Pour cette droite conservatrice, la défaite militaire et la Commune de Paris sont des châtiments envoyés par Dieu à une France qui s’est éloignée de la foi depuis la Révolution. C’est l’époque de l’Ordre Moral, une politique qui vise à rechristianiser la France par le haut. On organise des pèlerinages massifs et l’Assemblée vote en 1873 la construction de la Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre pour « expier » les crimes des communards.

Face à cette offensive, les Républicains, menés par des figures comme Léon Gambetta ou Jules Ferry, se soudent autour de l’anticléricalisme. Pour eux, l’Église catholique n’est pas seulement une institution spirituelle, c’est une force politique hostile aux idéaux de 1789, un « État dans l’État » qui manipule les consciences. C’est à ce moment que Gambetta prononce à la Chambre, en 1877, sa phrase devenue légendaire : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! ». Cette formule résume à elle seule l’enjeu de la décennie : il ne s’agit pas d’interdire la foi, mais d’empêcher le clergé de dicter la loi politique. Si tu veux comprendre les racines de cette opposition, tu peux relire notre article sur les origines de la laïcité sous la Révolution qui pose les bases de ce conflit séculaire.

La tension est à son comble lors de la crise du 16 mai 1877, où le président monarchiste Mac Mahon tente un coup de force contre la majorité républicaine. L’Église soutient ouvertement le président, ce qui ancre définitivement l’idée chez les Républicains que la République ne sera sauvée que si l’influence politique de l’Église est brisée. La victoire électorale des Républicains en 1879 marque le début de la véritable conquête laïque : ils ont désormais les mains libres pour légiférer.

📌 La laïcisation comme outil de consolidation du régime

Dès leur arrivée au pouvoir total en 1879, les Républicains opportunistes (c’est-à-dire les modérés) lancent un vaste programme de laïcisation de la société. L’objectif est clair : il faut arracher les Français, et surtout les paysans, à l’influence du curé pour en faire des citoyens éclairés. Les premières mesures sont symboliques mais fortes. On supprime le repos dominical obligatoire en 1880, ce qui est une véritable révolution culturelle à l’époque. On laïcise également les cimetières, interdisant les carrés confessionnels qui séparaient les morts selon leur religion. Pour approfondir ces aspects législatifs, tu peux consulter les archives parlementaires via le site de l’Assemblée nationale ou les dossiers pédagogiques de Vie-publique.fr qui détaillent ces évolutions.

Les débats religieux sous la IIIe République se focalisent aussi sur les congrégations religieuses (les moines et les nonnes). En 1880, des décrets ordonnent la dissolution des Jésuites et obligent les autres congrégations à demander une autorisation. L’exécution de ces décrets donne lieu à des scènes spectaculaires : des moines expulsés *manu militari* de leurs couvents, soutenus par des foules de fidèles en colère. Ces événements montrent que la société française est profondément divisée. D’un côté, une France « bleue », républicaine et anticléricale ; de l’autre, une France « blanche », catholique et conservatrice.

Cependant, il ne faut pas croire que tous les catholiques sont monarchistes, ni que tous les républicains sont athées. Beaucoup de républicains sont déistes ou protestants et voient dans la laïcité une manière de garantir la liberté de conscience face au dogme catholique romain. La laïcité qui se construit n’est pas (encore) une guerre totale contre la religion, mais une volonté farouche de séparer les domaines. C’est la condition *sine qua non* pour que la République s’enracine durablement dans les mentalités.

⚙️ La mère des batailles : l’école laïque (1880-1889)

📌 Jules Ferry et les Hussards noirs

Si un domaine cristallise les débats religieux sous la IIIe République, c’est bien l’éducation. Avant 1880, l’école est largement sous la tutelle de l’Église, notamment grâce à la loi Falloux de 1850 qui favorisait l’enseignement catholique. Pour Jules Ferry et ses amis, c’est inacceptable : l’école doit former des citoyens républicains, pas des sujets du Pape. L’école devient le champ de bataille principal où se joue l’avenir du régime. C’est une lutte pour l’âme des enfants de France.

Les célèbres lois Ferry de 1881 et 1882 instaurent l’école primaire gratuite, obligatoire et laïque. Le terme « laïque » signifie concrètement que l’instruction religieuse est supprimée du programme scolaire et remplacée par l’instruction morale et civique. C’est une rupture majeure. Le jeudi est laissé libre pour permettre aux parents qui le souhaitent de faire donner une instruction religieuse à leurs enfants, mais en dehors de l’école. Tu trouveras plus de détails sur cette période charnière dans notre article dédié à la laïcité et l’école en France.

Les instituteurs, surnommés plus tard les « Hussards noirs de la République » par Charles Péguy, deviennent les missionnaires de cette nouvelle foi laïque. Ils doivent enseigner une morale universelle, fondée sur la raison et le devoir, indépendante des dogmes religieux. Cette réforme provoque une levée de boucliers immense. Le clergé et la presse catholique dénoncent « l’école sans Dieu », « l’école du crime ». Des manuels scolaires républicains sont mis à l’Index par le Vatican, et dans certaines régions très catholiques comme l’Ouest ou le Massif central, des « guerres des manuels » éclatent où des parents brûlent les livres de l’école publique.

📌 La laïcisation du personnel et l’éducation des filles

La bataille ne s’arrête pas aux programmes. La loi Goblet de 1886 va plus loin en ordonnant la laïcisation du personnel enseignant dans les écoles publiques. Jusqu’alors, beaucoup d’instituteurs étaient des frères des écoles chrétiennes ou des religieuses. Ils sont progressivement remplacés par des fonctionnaires laïcs formés dans les Écoles normales. C’est un processus long, qui prendra des années, mais qui vise à assurer que ceux qui enseignent au nom de l’État ne soient soumis à aucune hiérarchie religieuse.

Un autre aspect souvent oublié des débats religieux sous la IIIe République concerne l’éducation des filles. Les républicains considèrent que les femmes, souvent plus pratiquantes, sont sous l’emprise de l’Église et transmettent cette influence à leurs enfants et à leurs maris. Pour briser ce lien, Camille Sée fait voter en 1880 une loi créant des lycées de jeunes filles. L’objectif est assumé : il faut donner aux futures mères une culture républicaine pour qu’elles élèvent des citoyens patriotes. L’Église voit d’un très mauvais œil cette concurrence sur l’éducation féminine, qu’elle considérait comme sa chasse gardée.

Malgré les tensions extrêmes, l’école laïque finit par s’imposer. Elle devient le creuset de la nation, où l’on apprend le français (contre les patois souvent associés à la tradition locale et religieuse), l’histoire de France et l’amour de la patrie. À la fin des années 1880, bien que le conflit soit encore vif, la République a gagné la bataille scolaire. Elle a réussi à créer un espace neutre, même si cette neutralité est jugée agressive par les catholiques les plus intransigeants.

📜 L’esprit nouveau, le Ralliement et le choc Dreyfus (1890-1899)

📌 La tentative d’apaisement : le Ralliement

Au début des années 1890, une accalmie semble se dessiner dans les débats religieux sous la IIIe République. Le pape Léon XIII, plus diplomate que ses prédécesseurs, comprend que l’Église de France s’isole en s’accrochant à l’espoir d’une restauration monarchique qui ne vient pas. En 1892, il publie l’encyclique *Au milieu des sollicitudes* et encourage les catholiques français à accepter la République : c’est la politique du « Ralliement ». Le geste symbolique fort est le « Toast d’Alger » prononcé par le cardinal Lavigerie, qui lève son verre à la santé de la République.

Du côté républicain, on parle aussi d’un « Esprit nouveau ». Les modérés, comme Eugène Spuller, estiment que la République est désormais assez solide pour ne plus avoir besoin de combattre l’Église avec la même virulence. On relâche la pression sur les congrégations, on tolère davantage les manifestations publiques de foi. C’est une période de détente relative où l’on espère voir émerger une droite républicaine catholique, conservatrice mais loyale aux institutions. Pour explorer les documents diplomatiques de cette période entre la France et le Vatican, les archives de Gallica (BnF) sont une mine d’or, notamment la presse de l’époque comme *Le Gaulois* ou *L’Univers*.

Cependant, ce Ralliement est difficile. Beaucoup de monarchistes refusent de se soumettre au Pape sur le plan politique, et beaucoup de républicains radicaux se méfient de cette conversion soudaine, qu’ils jugent opportuniste. Ils craignent que les catholiques n’entrent dans la République que pour mieux la contrôler de l’intérieur. Cette méfiance latente va exploser avec une violence inouïe à la fin de la décennie.

📌 L’Affaire Dreyfus : le retour de la guerre religieuse

L’Affaire Dreyfus (qui éclate vraiment en 1898 avec le « J’accuse » de Zola) va balayer tous les efforts d’apaisement et relancer brutalement les débats religieux sous la IIIe République. Très vite, l’affaire judiciaire devient un affrontement idéologique. La grande majorité des institutions catholiques, notamment la presse (avec le journal *La Croix* qui se proclame le journal « le plus anti-juif de France »), prend parti contre le capitaine Dreyfus. L’antisémitisme et le nationalisme catholique se déchaînent, associant la défense de l’Armée à la défense de la France chrétienne contre les « sans-patrie ».

En face, les Dreyfusards, qui défendent l’innocence du capitaine au nom de la Justice et de la Vérité, sont majoritairement des républicains, des protestants, des juifs et des anticléricaux. Pour eux, l’attitude de l’Église pendant l’Affaire est la preuve irréfutable que le cléricalisme est incompatible avec la démocratie et les Droits de l’Homme. Ils accusent les moines, et particulièrement les Assomptionnistes (propriétaires de *La Croix*) et les Jésuites, de comploter contre la République en influençant les officiers de l’État-major.

La victoire finale des Dreyfusards en 1899 marque le retour en force de l’anticléricalisme militant. Le gouvernement de « Défense républicaine » dirigé par Waldeck-Rousseau se forme avec un objectif clair : mettre au pas les forces religieuses qui ont menacé la République pendant l’Affaire. La tolérance des années 1890 est terminée. La voie est ouverte pour une législation beaucoup plus dure, qui mènera directement à la Séparation.

🎨 La rupture radicale et la loi de 1905 (1900-1905)

📌 La loi de 1901 et le combat du « Petit Père Combes »

Le premier acte de cette contre-offensive est la célèbre loi de 1901 sur les associations. Si cette loi garantit la liberté d’association pour les citoyens (ce qui est un progrès immense), elle contient un régime d’exception très sévère pour les congrégations religieuses. Celles-ci doivent désormais obtenir une autorisation législative pour exister. En 1902, le Bloc des Gauches remporte les élections et porte au pouvoir Émile Combes, un radical farouchement anticlérical. Combes, ancien séminariste devenu athée, fait appliquer la loi de 1901 avec une rigueur implacable.

Sous le ministère Combes, les demandes d’autorisation des congrégations sont quasi systématiquement rejetées. Des milliers d’écoles tenues par des religieux sont fermées. Les moines et les sœurs sont expulsés, choisissant souvent l’exil en Belgique ou en Espagne. C’est une période de tensions extrêmes dans les débats religieux sous la IIIe République. En 1904, les relations diplomatiques avec le Vatican sont rompues suite à la visite du président français Émile Loubet au roi d’Italie (que le Pape considérait comme un usurpateur de ses États pontificaux). La rupture est totale.

L’idée de la séparation des Églises et de l’État, qui semblait utopique ou trop dangereuse quelques années plus tôt, devient alors une nécessité politique pour les Républicains. Le Concordat de 1801, qui régissait les relations entre la France et l’Église depuis Napoléon, est devenu caduc dans les faits. Il faut inventer un nouveau système.

📌 L’élaboration de la loi de 1905 : un compromis libéral

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la loi de 1905 n’est pas une loi de combat rédigée par Combes (qui chute début 1905), mais une loi de compromis et de liberté, portée par le député socialiste Aristide Briand. Briand comprend qu’une loi trop vindicative serait inapplicable et déclencherait une guerre civile. Il travaille à un texte qui garantisse la liberté de conscience tout en déconnectant l’État de toute religion. Tu peux lire le texte intégral et ses analyses sur Légifrance pour voir la précision des termes choisis.

La loi du 9 décembre 1905 s’ouvre sur deux articles fondamentaux. Article 1 : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes… ». Article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». C’est la fin du régime concordataire. L’État ne nomme plus les évêques et ne paie plus les prêtres. L’Église gagne en liberté interne (le Pape nomme désormais librement les évêques) ce qu’elle perd en statut officiel et en financement public. Pour tout savoir sur ce monument législatif, consulte notre dossier complet sur la loi de laïcité de 1905.

Les débats parlementaires ont été houleux, mais Briand a réussi à faire voter l’article 4, qui confie la gestion des biens de l’Église à des associations cultuelles conformes aux « règles d’organisation générale du culte ». Cette phrase subtile rassure le Vatican (involontairement ou non) car elle empêche que des laïcs schismatiques ne s’emparent des églises contre l’avis de l’évêque. Malgré cela, le Pape Pie X, intransigeant, condamne la loi dans l’encyclique *Vehementer Nos* en 1906, interdisant aux catholiques de créer ces fameuses associations cultuelles.

🌍 De la guerre des inventaires à l’Union sacrée (1906-1918)

📌 La crise des Inventaires : le dernier flamboiement

L’application de la loi de 1905 débute par une crise grave : la querelle des Inventaires. La loi prévoyait un inventaire des biens des églises avant leur transfert aux associations cultuelles. Pour les fidèles, souvent chauffés à blanc par une partie du clergé et de la noblesse locale, c’est une profanation. On craint que l’État ne vole les calices et les objets sacrés. En 1906, dans de nombreuses régions (Bretagne, Massif central, Flandres), les fonctionnaires chargés des inventaires trouvent porte close, barricadée par des fidèles armés de fourches ou de bâtons.

Les affrontements font des blessés et même un mort dans le Nord. Le gouvernement, dirigé par Clemenceau (avec Briand à l’Instruction publique), décide alors de jouer l’apaisement. Clemenceau déclare : « La question de savoir si l’on comptera ou non des chandeliers dans une église ne vaut pas une vie humaine ». Les inventaires sont suspendus là où ils rencontrent de la résistance. C’est une étape clé dans les débats religieux sous la IIIe République : la République montre qu’elle est forte, mais qu’elle refuse la persécution.

Face au blocage du Pape qui refuse les associations cultuelles, la République vote de nouvelles lois en 1907 et 1908 pour laisser les églises à la disposition gratuite du clergé et des fidèles pour le culte. Concrètement, la messe continue, les églises restent ouvertes, et l’État (ou les communes) reste propriétaire des bâtiments construits avant 1905, prenant à sa charge leur entretien. Paradoxalement, cette situation qui semblait provisoire devient un avantage financier énorme pour l’Église, dispensée de l’entretien des cathédrales et églises historiques.

📌 La Grande Guerre et l’Union Sacrée

C’est la Première Guerre mondiale qui va véritablement sceller la paix religieuse. Dès août 1914, face à l’invasion allemande, le président Poincaré appelle à l’Union Sacrée. Les querelles politiques et religieuses doivent s’effacer devant la défense de la patrie. Les mesures contre les congrégations sont suspendues de fait : de nombreux religieux exilés rentrent en France pour se battre. Les prêtres sont mobilisés comme brancardiers ou infirmiers, et souvent même comme soldats combattants (le « curé sac au dos »).

Dans les tranchées, l’aumônier militaire côtoie l’instituteur socialiste. Ils partagent les mêmes souffrances, la même boue, le même danger de mort. Cette fraternité des armes fait tomber bien des préjugés. L’anticléricalisme virulent paraît déplacé quand le prêtre risque sa vie pour aller chercher un blessé. De son côté, le clergé fait preuve d’un patriotisme sans faille, prouvant définitivement que l’on peut être un bon catholique et un bon républicain.

Au sommet de l’État, les relations se détendent. Les funérailles nationales et les cérémonies patriotiques voient réapparaître des représentants de l’Église. La République ne renie pas ses lois laïques, mais elle admet tacitement que la religion catholique est une composante majeure de l’identité nationale, surtout dans l’épreuve du deuil de masse qui frappe la France.

🤝 Vers une normalisation des relations (1919-1940)

📌 Le rétablissement des relations diplomatiques

Après la victoire de 1918, impossible de revenir à la guerre religieuse d’avant 1905. Le retour de l’Alsace-Moselle pose d’ailleurs un problème juridique : ces territoires étaient allemands au moment de la loi de 1905 et sont donc restés sous le régime du Concordat de 1801. Par pragmatisme, la République décide de ne pas leur imposer la Séparation : c’est la naissance du droit local d’Alsace-Moselle, toujours en vigueur aujourd’hui, une exception notable à la laïcité française. Pour comprendre les spécificités juridiques de cette exception, le site du Conseil d’État propose des analyses historiques très pertinentes.

En 1921, la France rétablit officiellement ses relations diplomatiques avec le Vatican. C’est une reconnaissance mutuelle nécessaire. La République veut avoir son mot à dire sur la scène internationale via le Saint-Siège, et le Vatican veut sécuriser le statut juridique de l’Église en France. En 1924, un accord est trouvé sur les « associations diocésaines », une formule juridique qui respecte à la fois la loi française de 1905 et le droit canonique (l’autorité de l’évêque). Le Pape Pie XI autorise enfin les catholiques français à se conformer à la loi. La crise institutionnelle est close.

📌 Le dernier sursaut : le Cartel des Gauches

Il y a bien un dernier soubresaut en 1924, lorsque le Cartel des Gauches (alliance de radicaux et socialistes) gagne les élections. Édouard Herriot, président du Conseil, tente de relancer une politique anticléricale en voulant appliquer la loi de 1905 à l’Alsace-Moselle et en appliquant strictement les lois sur les congrégations. Mais la réaction est immédiate et massive. La Fédération Nationale Catholique (FNC), dirigée par le général de Castelnau, organise des manifestations gigantesques. Des millions de catholiques descendent dans la rue.

Face à cette mobilisation populaire inédite, le gouvernement recule. Cet épisode marque la fin de l’anticléricalisme comme moteur principal de la politique de gauche. Désormais, les problèmes économiques et sociaux (la crise de 1929, la montée du fascisme) prennent le pas sur la question religieuse. La laïcité est devenue un acquis, un cadre de vie accepté par l’immense majorité des Français, y compris les catholiques. Les débats religieux sous la IIIe République se sont apaisés, laissant place à une cohabitation pacifiée, bien que vigilante.

À la veille de la Seconde Guerre mondiale, la « guerre des deux France » semble terminée. Il faudra attendre le régime de Vichy pour voir une remise en cause temporaire de cet équilibre, avant que la IVe et la Ve République ne confirment solennellement le caractère laïque de la France dans leurs constitutions. Si tu t’intéresses aux débats actuels, notre article sur la défense contemporaine de la laïcité montre comment ces vieux combats résonnent encore aujourd’hui face à de nouveaux défis.

🧠 À retenir sur les débats religieux sous la IIIe République

  • L’affrontement initial (1870-1880) oppose les Monarchistes catholiques (Ordre Moral) aux Républicains anticléricaux (Gambetta : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi »).
  • L’école est le cœur du conflit : les lois Jules Ferry (1881-1882) rendent l’école laïque, gratuite et obligatoire pour former des citoyens républicains.
  • L’Affaire Dreyfus (1898) relance violemment la guerre religieuse, l’Église étant majoritairement antidreyfusarde, ce qui entraîne une riposte politique radicale.
  • La Loi de Séparation des Églises et de l’État (1905) met fin au Concordat, garantit la liberté de conscience mais supprime le financement public des cultes.
  • La Première Guerre mondiale (Union Sacrée) et l’accord de 1924 sur les associations diocésaines permettent une pacification durable des relations.

❓ FAQ : Questions fréquentes sur les débats religieux de l’époque

🧩 Pourquoi dit-on que la IIIe République est « anticléricale » ?

On la qualifie d’anticléricale car ses fondateurs (Gambetta, Ferry) ont combattu l’influence politique du clergé (le cléricalisme). Ils ne voulaient pas interdire la religion, mais empêcher l’Église de dicter sa loi à l’État et aux citoyens, notamment à l’école.

🧩 Quel rôle a joué l’Affaire Dreyfus dans la laïcité ?

Un rôle d’accélérateur. L’implication de la presse catholique (comme La Croix) contre Dreyfus a convaincu les Républicains que l’Église était une menace pour la République et la Justice. Cela a conduit directement à l’interdiction de nombreuses congrégations et à la loi de 1905.

🧩 La loi de 1905 a-t-elle chassé les prêtres des églises ?

Non, c’est une idée reçue. Si la loi a retiré à l’Église son budget public et son statut officiel, elle a laissé les bâtiments (églises) à la disposition gratuite du clergé pour le culte. Les messes ont continué sans interruption, sauf lors des troubles brefs des inventaires.

🧩 Qu’est-ce que l’Union Sacrée ?

C’est la trêve politique décrétée en 1914 au début de la Grande Guerre. Républicains athées et catholiques conservateurs ont mis de côté leurs haines religieuses pour défendre la France ensemble. Cette fraternité des tranchées a grandement aidé à accepter la laïcité après la guerre.

🧩 Quiz – As-tu bien suivi les débats religieux sous la IIIe République ?

1. Qui a prononcé la phrase : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! » ?



2. Quelle basilique est construite pour « expier » les péchés de la France après 1870 ?



3. En quelles années sont votées les lois scolaires de Jules Ferry ?



4. Comment surnommait-on les instituteurs de la République ?



5. Que signifie le « Ralliement » dans les années 1890 ?



6. Quel événement a brisé l’apaisement du Ralliement ?



7. Quelle loi de 1901 a été utilisée pour expulser les congrégations ?



8. Qui était surnommé le « Petit Père Combes » ?



9. Quelle est la date exacte de la loi de Séparation ?



10. Qui est le rapporteur et l’architecte du compromis de la loi de 1905 ?



11. Que garantit l’article 1 de la loi de 1905 ?



12. Quel événement violent a suivi le vote de la loi de 1905 ?



13. Qui a mis fin aux inventaires pour éviter des morts ?



14. Quelle région conserve un régime concordataire (pas de séparation) ?



15. Quel impact a eu la Guerre de 14-18 sur les relations religieuses ?



16. Quand les relations diplomatiques avec le Vatican ont-elles été rétablies ?



17. Qu’est-ce que le Cartel des Gauches a tenté de faire en 1924 ?



18. Comment s’appelait l’organisation de défense catholique dirigée par Castelnau ?



19. Quelle solution juridique a permis l’accord de 1924 avec le Pape ?



20. Quel était l’objectif final des Républicains avec la laïcité ?



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