đŸ« LaĂŻcitĂ© et Ă©cole : histoire d’un pilier fondamental de la RĂ©publique

🎯 Pourquoi la relation entre laĂŻcitĂ© et Ă©cole est-elle centrale en France ?

L’histoire de la France contemporaine est indissociable de la construction de son systĂšme scolaire, vĂ©ritable colonne vertĂ©brale de la RĂ©publique.

En effet, comprendre le lien entre laĂŻcitĂ© et Ă©cole, c’est plonger au cƓur des combats politiques et philosophiques qui ont façonnĂ© notre sociĂ©tĂ© depuis la RĂ©volution française jusqu’aux dĂ©bats actuels.

C’est Ă  l’école que se joue la transmission des valeurs communes, la formation du futur citoyen et l’apprentissage de la libertĂ© de conscience, loin des pressions religieuses ou politiques.

👉 Poursuivons avec le sommaire pour visualiser les grandes Ă©tapes de cette construction historique.

đŸ—‚ïž Dans cet article, tu vas dĂ©couvrir :

👉 Entrons maintenant dans le vif du sujet en remontant aux origines de cette volontĂ© d’émancipation par le savoir.

đŸŒ± Les racines du projet scolaire rĂ©publicain (1789-1879)

📌 L’hĂ©ritage des LumiĂšres et de la RĂ©volution

Pour bien saisir les enjeux de l’alliance entre laĂŻcitĂ© et Ă©cole, il faut remonter bien avant les cĂ©lĂšbres lois de la fin du XIXe siĂšcle.

En effet, l’idĂ©e que l’instruction doit ĂȘtre indĂ©pendante des dogmes religieux trouve sa source dans la philosophie des LumiĂšres, qui place la Raison au centre de l’émancipation humaine.

DĂšs la RĂ©volution française, des figures emblĂ©matiques comme Condorcet thĂ©orisent la nĂ©cessitĂ© d’une instruction publique qui ne serait soumise Ă  aucune autoritĂ© ecclĂ©siastique.

Pour approfondir cette pĂ©riode fondatrice, je t’invite Ă  lire notre article sur la laĂŻcitĂ© sous la RĂ©volution française, qui pose les bases thĂ©oriques de ces dĂ©bats.

Condorcet, dans ses Cinq mĂ©moires sur l’instruction publique (1791), affirme que l’éducation doit former des citoyens libres, capables de juger par eux-mĂȘmes, et non des fidĂšles soumis.

Cependant, malgrĂ© ces grands principes, la mise en Ɠuvre concrĂšte d’une Ă©cole totalement laĂŻque reste un vƓu pieux durant la pĂ©riode rĂ©volutionnaire, faute de moyens et de temps.

L’Église catholique reprend rapidement le contrĂŽle de l’enseignement dĂšs le concordat napolĂ©onien de 1801, car l’État impĂ©rial voit dans la religion un moyen efficace de maintenir l’ordre social.

Ainsi, pendant la majeure partie du XIXe siĂšcle, l’école reste un terrain oĂč l’influence du prĂȘtre est prĂ©pondĂ©rante, notamment dans les campagnes françaises.

📌 Le XIXe siĂšcle : une lutte d’influence acharnĂ©e

Tout au long du XIXe siÚcle, la question scolaire devient le champ de bataille principal entre les conservateurs (monarchistes, catholiques) et les progressistes (républicains, libre-penseurs).

La loi Guizot de 1833, bien qu’elle oblige chaque commune Ă  entretenir une Ă©cole primaire, maintient l’instruction religieuse au cƓur du programme scolaire.

Pire encore aux yeux des rĂ©publicains, la loi Falloux de 1850 marque le triomphe du « parti de l’Ordre » en accordant une libertĂ© immense Ă  l’enseignement catholique.

Cette loi permet aux congrĂ©gations religieuses d’ouvrir trĂšs facilement des Ă©coles et dispense les enseignants religieux des brevets de capacitĂ© exigĂ©s des laĂŻcs, ce qu’on appelle la « lettre d’obĂ©dience ».

L’école est alors vue par l’Église comme le moyen de rechristianiser la France face Ă  la montĂ©e des idĂ©es socialistes et rĂ©publicaines qui agitent les villes.

C’est dans ce contexte de tension extrĂȘme que se forge la conviction rĂ©publicaine : pour sauver la RĂ©publique, il faut arracher l’école Ă  la tutelle de l’Église.

Les républicains, comme Jules Ferry ou Léon Gambetta, comprennent que le suffrage universel (masculin) instauré en 1848 nécessite des électeurs éclairés et non influencés par la chaire.

L’idĂ©e de « sĂ©paration » commence donc par l’école avant mĂȘme de s’appliquer Ă  l’État, car c’est lĂ  que se forment les consciences de demain.

La dĂ©faite de 1870 face Ă  la Prusse joue aussi un rĂŽle d’accĂ©lĂ©rateur : on rĂ©pĂšte que c’est « l’instituteur prussien qui a gagnĂ© la guerre », soulignant l’efficacitĂ© d’un systĂšme scolaire performant et patriotique.

📚 Le moment fondateur : les lois Ferry (1881-1882)

📌 La gratuitĂ©, premiĂšre Ă©tape de l’égalitĂ©

La victoire des républicains aux élections de la fin des années 1870 ouvre la voie aux grandes réformes scolaires tant attendues.

Jules Ferry, nommĂ© ministre de l’Instruction publique, lance la premiĂšre offensive avec la loi du 16 juin 1881 qui Ă©tablit la gratuitĂ© absolue de l’enseignement primaire public.

Cette gratuitĂ© est une condition sine qua non de la laĂŻcitĂ© : pour que l’école soit obligatoire pour tous, elle ne doit plus dĂ©pendre de la charitĂ© des congrĂ©gations religieuses.

En rendant l’école gratuite, l’État rĂ©publicain prend Ă  sa charge le coĂ»t de l’éducation et supprime la distinction humiliante entre les Ă©lĂšves payants et les indigents.

Cela permet aussi de libĂ©rer les familles de l’emprise des Ă©coles congrĂ©ganistes qui scolarisaient souvent gratuitement les plus pauvres en Ă©change d’une Ă©ducation religieuse stricte.

C’est une Ă©tape sociale majeure, mais c’est surtout une Ă©tape politique pour asseoir l’autoritĂ© de l’État sur la jeunesse de France.

📌 L’obligation et la laĂŻcitĂ© des programmes (1882)

Le coup dĂ©cisif est portĂ© l’annĂ©e suivante avec la cĂ©lĂšbre loi du 28 mars 1882, qui instaure l’instruction obligatoire et la laĂŻcitĂ© des programmes.

C’est une vĂ©ritable rĂ©volution culturelle : pour la premiĂšre fois, la loi supprime l’instruction religieuse du programme des Ă©coles publiques.

Elle est remplacĂ©e par l’instruction morale et civique, une matiĂšre nouvelle destinĂ©e Ă  transmettre des valeurs universelles (honnĂȘtetĂ©, courage, patriotisme) sans rĂ©fĂ©rence au divin.

Jules Ferry dĂ©clare aux instituteurs : « Demandez-vous si un pĂšre de famille, je dis un seul, prĂ©sent Ă  votre classe et vous Ă©coutant, pourrait de bonne foi refuser son assentiment Ă  ce qu’il entendrait ».

Pour ne pas braquer brutalement les familles catholiques, la loi prĂ©voit un jour de relĂąche par semaine (le jeudi Ă  l’époque) pour permettre l’enseignement religieux hors de l’école.

Néanmoins, le crucifix est décroché des murs des classes, et la priÚre au début et à la fin de la journée scolaire est abolie.

Tu peux mieux comprendre cette atmosphÚre de combat politique en lisant notre article sur les débats religieux sous la IIIe République.

Les instituteurs deviennent alors les « hussards noirs de la RĂ©publique », des missionnaires laĂŻques chargĂ©s d’apporter les LumiĂšres dans chaque village de France.

Cette laïcisation des programmes suscite une résistance féroce de la part du clergé et du Vatican, qui dénoncent une « école sans Dieu » vouée à la perversion morale.

Des manuels scolaires rĂ©publicains sont mis Ă  l’Index par l’Église catholique, dĂ©clenchant ce qu’on appellera la « premiĂšre guerre des manuels ».

📌 La lettre de Jules Ferry aux instituteurs

Pour apaiser les tensions et clarifier le rĂŽle de l’instituteur, Jules Ferry rĂ©dige une cĂ©lĂšbre Lettre aux instituteurs en 1883.

Dans ce texte fondateur, il explique que la laĂŻcitĂ© n’est pas une arme contre la religion, mais une protection de la conscience de l’enfant.

Il demande aux enseignants de faire preuve de tact et de mesure, et de ne jamais blesser les croyances des enfants ou de leurs familles.

Il Ă©crit : « Vous n’ĂȘtes point l’apĂŽtre d’un nouvel Évangile ; le lĂ©gislateur n’a voulu faire de vous ni un philosophe ni un thĂ©ologien improvisĂ© ».

Cette approche pragmatique vise Ă  enraciner durablement l’école rĂ©publicaine dans les mƓurs sans provoquer de guerre civile, mĂȘme si les tensions restent vives sur le terrain.

La morale laĂŻque enseignĂ©e Ă  l’école ressemble d’ailleurs beaucoup Ă  la morale chrĂ©tienne traditionnelle (ne pas voler, respecter ses parents), mais elle est fondĂ©e sur la raison et la dignitĂ© humaine.

đŸ›ïž De la laĂŻcisation du personnel Ă  la Loi de 1905

📌 La loi Goblet de 1886 : laïciser le personnel

Si les programmes deviennent laĂŻques en 1882, le personnel enseignant ne l’est pas encore totalement : de nombreux frĂšres et sƓurs enseignent encore dans les Ă©coles publiques.

La loi Goblet du 30 octobre 1886 vient parachever l’Ɠuvre de Ferry en ordonnant la laĂŻcisation exclusive du personnel enseignant dans les Ă©coles publiques.

Cela signifie que seuls des laĂŻcs (non-religieux) peuvent dĂ©sormais ĂȘtre instituteurs ou institutrices dans le public.

Cette mesure prendra du temps Ă  ĂȘtre appliquĂ©e partout, faute de remplaçants formĂ©s immĂ©diatement, mais elle marque la rupture dĂ©finitive entre le prĂȘtre et l’instituteur.

Les Écoles Normales (formant les instituteurs) deviennent des bastions de l’idĂ©ologie rĂ©publicaine, formant des cadres dĂ©vouĂ©s corps et Ăąme Ă  la laĂŻcitĂ©.

C’est Ă  cette Ă©poque que se cristallise l’opposition sociologique entre l’instituteur (souvent radical-socialiste) et le curĂ©, deux figures d’autoritĂ© rivales dans le village.

📌 La Loi de 1905 : l’école a prĂ©cĂ©dĂ© l’État

Il est crucial de noter un point historique majeur : en France, l’école est devenue laĂŻque avant l’État.

Quand la cĂ©lĂšbre loi de SĂ©paration des Églises et de l’État est votĂ©e le 9 dĂ©cembre 1905, l’école publique est dĂ©jĂ  laĂŻque depuis plus de vingt ans.

La loi de 1905 vient confirmer et sĂ©curiser l’édifice scolaire en affirmant que la RĂ©publique ne reconnaĂźt ni ne subventionne aucun culte.

Cependant, la loi de 1905 ne change pas fondamentalement le quotidien de l’école, car le travail de fond a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© fait par les lois Ferry et Goblet.

Pour comprendre l’ampleur de cet Ă©vĂ©nement, je te conseille de consulter notre article dĂ©taillĂ© sur la Loi de 1905 et la sĂ©paration des Églises et de l’État.

Cette antĂ©rioritĂ© de la laĂŻcitĂ© scolaire explique pourquoi l’école est, encore aujourd’hui, le lieu oĂč la sensibilitĂ© Ă  la laĂŻcitĂ© est la plus forte en France.

L’école a Ă©tĂ© conçue comme le laboratoire de la RĂ©publique, l’endroit oĂč l’on fabrique le citoyen avant qu’il n’entre dans la sociĂ©tĂ© civile.

📌 La guerre des deux Frances

Le dĂ©but du XXe siĂšcle reste marquĂ© par des affrontements idĂ©ologiques violents autour de l’école, souvent appelĂ©s la « guerre des deux Frances ».

D’un cĂŽtĂ©, la France catholique et conservatrice qui dĂ©fend « l’école libre » (privĂ©e catholique) ; de l’autre, la France rĂ©publicaine et anticlĂ©ricale qui dĂ©fend « l’école sans Dieu ».

Les associations de pĂšres de famille catholiques surveillent les manuels scolaires et n’hĂ©sitent pas Ă  demander aux enfants de dĂ©chirer les pages jugĂ©es contraires Ă  la foi.

En rĂ©ponse, les amicales laĂŻques et les syndicats d’instituteurs se mobilisent pour dĂ©fendre l’école publique et promouvoir les Ɠuvres post-scolaires laĂŻques.

Cette bipolarisation structure la vie politique française jusqu’à la PremiĂšre Guerre mondiale, oĂč l’Union SacrĂ©e mettra temporairement ces querelles sous le boisseau.

đŸ€ Le XXe siĂšcle : entre apaisement et nouveaux compromis

📌 L’entre-deux-guerres et le rĂ©gime de Vichy

AprĂšs l’hĂ©catombe de 1914-1918, les querelles scolaires s’apaisent quelque peu, la RĂ©publique ayant prouvĂ© sa soliditĂ© dans l’épreuve.

Cependant, une exception notable perdure : le statut de l’Alsace-Moselle, redevenue française en 1918.

Pour ne pas heurter les populations locales restées sous administration allemande pendant prÚs de 50 ans, la République accepte de maintenir le régime concordataire dans ces trois départements.

Encore aujourd’hui, en Alsace-Moselle, l’enseignement religieux est dispensĂ© dans les Ă©coles publiques, une exception unique au principe de laĂŻcitĂ© scolaire française.

Durant la Seconde Guerre mondiale, le rĂ©gime de Vichy (1940-1944) tente de revenir sur la laĂŻcitĂ© scolaire en rĂ©introduisant les devoirs envers Dieu dans les programmes et en subventionnant l’école privĂ©e.

La Libération rétablit immédiatement la législation républicaine, mais la question du financement des écoles privées (majoritairement catholiques) revient sur le tapis.

📌 La loi DebrĂ© de 1959 : le contrat d’association

La Ve RĂ©publique, sous l’impulsion du gĂ©nĂ©ral de Gaulle, cherche Ă  rĂ©gler dĂ©finitivement la « querelle scolaire » par un compromis historique.

La loi DebrĂ© du 31 dĂ©cembre 1959 crĂ©e le systĂšme des Ă©coles privĂ©es sous contrat d’association avec l’État.

Le principe est le suivant : l’État accepte de payer les salaires des enseignants du privĂ© et de financer le fonctionnement des Ă©coles, Ă  certaines conditions strictes.

En Ă©change, l’école privĂ©e doit respecter les programmes de l’Éducation nationale, accueillir tous les enfants sans distinction de croyance, et respecter la libertĂ© de conscience.

L’enseignement religieux y est autorisĂ©, mais il doit ĂȘtre distinct des heures de cours classiques.

Ce compromis permet de sauver l’enseignement catholique qui Ă©tait au bord de la faillite financiĂšre, tout en l’intĂ©grant partiellement au service public d’éducation.

Si cette loi apaise la situation financiĂšre, elle ne satisfait pas les partisans d’une laĂŻcitĂ© stricte qui rĂ©clament « fonds publics Ă  l’école publique, fonds privĂ©s Ă  l’école privĂ©e ».

Le Serment de Vincennes en 1960 rassemble des centaines de milliers de défenseurs de la laïcité opposés à cette loi, mais le gouvernement tient bon.

📌 Le projet Savary et la manifestation de 1984

La question scolaire se réveille brutalement en 1984, sous la présidence de François Mitterrand.

Le ministre de l’Éducation, Alain Savary, propose un projet de loi visant Ă  crĂ©er un « grand service public unifiĂ© et laĂŻque de l’éducation », menaçant l’autonomie de l’école privĂ©e.

Cette tentative provoque une levĂ©e de boucliers massive des dĂ©fenseurs de l’école libre.

Le 24 juin 1984, plus d’un million de personnes dĂ©filent Ă  Paris pour dĂ©fendre « la libertĂ© de l’enseignement », contraignant le gouvernement Ă  retirer le projet.

Cet événement marque la fin de la guerre scolaire traditionnelle : la société française accepte désormais la dualité du systÚme (public/privé sous contrat) comme un fait acquis.

Cependant, alors que l’ancien conflit s’éteint, un nouveau front s’ouvre : celui de la visibilitĂ© religieuse des Ă©lĂšves au sein mĂȘme de l’école publique.

⚡ Le retour des tensions : de Creil à la loi de 2004

📌 L’affaire de Creil (1989) : le tournant

À l’automne 1989, la France dĂ©couvre avec stupeur une nouvelle problĂ©matique laĂŻque au collĂšge Gabriel-Havez de Creil, dans l’Oise.

Trois jeunes collĂ©giennes refusent d’îter leur foulard islamique en classe, et le principal dĂ©cide de les exclure.

Jusqu’alors, la laĂŻcitĂ© s’appliquait surtout aux enseignants (qui doivent ĂȘtre neutres) et aux programmes, mais la question de la tenue des Ă©lĂšves ne s’était jamais posĂ©e avec une telle acuitĂ©.

Le Conseil d’État, saisi de l’affaire, rend un avis ambigu en novembre 1989 : il dĂ©clare que le port de signes religieux n’est pas incompatible avec la laĂŻcitĂ©, tant qu’il n’est pas « ostentatoire » ou revendicatif.

Cette jurisprudence du « cas par cas » laisse les chefs d’établissement seuls face Ă  des situations de plus en plus complexes et conflictuelles.

Pendant quinze ans, les incidents se multiplient, rĂ©vĂ©lant une incomprĂ©hension grandissante entre l’institution scolaire et une partie des Ă©lĂšves musulmans.

Pour aller plus loin sur cette sĂ©rie d’évĂ©nements, consulte notre article dĂ©diĂ© aux affaires du voile en France.

📌 Le rapport de la commission Stasi

Face Ă  la montĂ©e des tensions et Ă  l’absence de rĂšgle claire, le prĂ©sident Jacques Chirac nomme en 2003 une commission indĂ©pendante prĂ©sidĂ©e par Bernard Stasi.

La commission Stasi auditionne des centaines de personnes : enseignants, élÚves, responsables religieux, sociologues, féministes.

Le constat est alarmant : la pression communautaire monte dans certains quartiers, des jeunes filles sont contraintes de porter le voile, et l’antisĂ©mitisme refait surface dans certaines cours de rĂ©crĂ©ation.

Les membres de la commission, d’abord rĂ©ticents Ă  lĂ©gifĂ©rer, finissent par conclure presque Ă  l’unanimitĂ© qu’une loi est nĂ©cessaire pour protĂ©ger l’espace scolaire.

Ils estiment que l’école doit rester un « sanctuaire » oĂč les Ă©lĂšves se construisent en tant que citoyens, Ă  l’abri des pressions sociales et religieuses.

📌 La loi du 15 mars 2004 : une nouvelle dĂ©finition

Suivant les recommandations de la commission, le Parlement vote la loi du 15 mars 2004 encadrant le port de signes manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collÚges et lycées publics.

Le texte est court et précis : « Dans les écoles, les collÚges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élÚves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit ».

Cette loi marque une Ă©volution majeure de la laĂŻcitĂ© scolaire : la neutralitĂ© ne s’impose plus seulement aux agents de l’État (profs), mais s’étend, dans une certaine mesure, aux usagers (Ă©lĂšves).

Sont ainsi interdits les « signes ostensibles » (voile islamique, kippa, grande croix), tandis que les « signes discrets » (petite médaille, main de Fatma, petite croix) restent tolérés.

L’objectif affichĂ© est de garantir la sĂ©rĂ©nitĂ© du climat scolaire et de favoriser le vivre-ensemble en gommant les distinctions religieuses visibles.

La mise en application de la loi à la rentrée 2004 se passe globalement dans le calme, malgré quelques exclusions trÚs médiatisées.

Cette loi est devenue aujourd’hui un pilier du cadre lĂ©gislatif scolaire, bien qu’elle soit rĂ©guliĂšrement contestĂ©e ou testĂ©e par de nouvelles modes vestimentaires.

đŸ›Ąïž Les dĂ©fis contemporains : Charte et pĂ©dagogie

📌 La Charte de la laĂŻcitĂ© Ă  l’école (2013)

Pour renforcer la pĂ©dagogie de la laĂŻcitĂ©, le ministre Vincent Peillon lance en septembre 2013 la Charte de la laĂŻcitĂ© Ă  l’école.

Ce document de 15 articles doit ĂȘtre affichĂ© de maniĂšre visible dans tous les Ă©tablissements scolaires publics de France.

La Charte explicite le sens de la laĂŻcitĂ© : elle rappelle qu’elle n’est pas une opinion, mais la libertĂ© d’en avoir une.

Elle insiste sur le fait que la laĂŻcitĂ© protĂšge les Ă©lĂšves de tout prosĂ©lytisme et de toute pression qui les empĂȘcheraient de faire leurs propres choix.

L’article 9 est particuliĂšrement important : « La laĂŻcitĂ© implique le rejet de toutes les violences et de toutes les discriminations, garantit l’égalitĂ© entre les filles et les garçons et repose sur une culture du respect et de la comprĂ©hension de l’autre ».

Tu peux retrouver le texte intĂ©gral et des explications pĂ©dagogiques sur le site du ministĂšre de l’Éducation nationale.

Ce document sert de support aux enseignants pour aborder ces questions complexes en classe, notamment lors des cours d’Enseignement Moral et Civique (EMC).

📌 Le traumatisme de l’assassinat de Samuel Paty

Le 16 octobre 2020, la communautĂ© Ă©ducative et la France entiĂšre sont frappĂ©es d’horreur par l’assassinat de Samuel Paty, professeur d’histoire-gĂ©ographie.

Il est tuĂ© par un terroriste islamiste pour avoir montrĂ© des caricatures de Mahomet lors d’un cours sur la libertĂ© d’expression et la libertĂ© de la presse.

Ce drame tragique rappelle brutalement que l’école est une cible pour les ennemis de la laĂŻcitĂ© et des valeurs rĂ©publicaines.

Il met en lumiĂšre la difficultĂ© d’enseigner certains sujets sensibles (libertĂ© d’expression, faits religieux, thĂ©ories de l’évolution) dans certaines classes.

Depuis cet événement, la formation des enseignants à la laïcité et la protection des fonctionnaires sont devenues des priorités absolues.

Des « équipes valeurs de la République » ont été déployées dans les académies pour soutenir les personnels confrontés à des atteintes à la laïcité.

📌 Nouvelles tenues, nouveaux dĂ©fis : l’Abaya (2023)

La laïcité scolaire est une matiÚre vivante qui évolue avec la société et les modes vestimentaires des adolescents.

Ces derniĂšres annĂ©es, le port de l’abaya (longue robe traditionnelle couvrant le corps) par des jeunes filles a suscitĂ© de nouveaux dĂ©bats.

Considérée par le ministÚre comme une tenue manifestant une appartenance religieuse, son interdiction a été prononcée à la rentrée 2023 au nom de la loi de 2004.

Cela montre que la définition de ce qui est « religieux » ou « culturel » reste un sujet de friction constant.

L’école doit sans cesse trouver l’équilibre entre fermetĂ© sur les principes et dialogue pĂ©dagogique pour ne pas rompre le lien avec les Ă©lĂšves.

Pour mieux saisir comment la sociĂ©tĂ© civile s’empare de ces questions aujourd’hui, tu peux lire notre article sur la dĂ©fense contemporaine du principe de laĂŻcitĂ©.

La laĂŻcitĂ© Ă  l’école n’est donc pas un acquis figĂ©, mais un idĂ©al Ă  reconstruire chaque jour avec chaque nouvelle gĂ©nĂ©ration d’élĂšves.

🧠 À retenir sur la laĂŻcitĂ© et l’Ă©cole en France

  • Les Lois Ferry (1881-1882) rendent l’Ă©cole gratuite, obligatoire et laĂŻque, supprimant l’instruction religieuse des programmes.
  • La loi de 1905 (SĂ©paration Églises/État) arrive aprĂšs la laĂŻcisation de l’Ă©cole, confirmant le caractĂšre laĂŻque de l’espace public.
  • La loi du 15 mars 2004 interdit le port de signes religieux ostensibles (voile, kippa, grande croix) par les Ă©lĂšves dans les Ă©tablissements publics.
  • L’objectif de la laĂŻcitĂ© scolaire est de garantir la libertĂ© de conscience des Ă©lĂšves et de les protĂ©ger de toute pression religieuse ou politique.

❓ FAQ : Questions frĂ©quentes sur la laĂŻcitĂ© Ă  l’Ă©cole

đŸ§© Un Ă©lĂšve peut-il porter une petite croix ou une main de Fatma ?

Oui. La loi de 2004 interdit les signes « ostensibles » (qui se voient immĂ©diatement et marquent une revendication). Les signes « discrets » portĂ©s sous les vĂȘtements ou de petite taille restent autorisĂ©s.

đŸ§© Les parents accompagnateurs de sorties scolaires doivent-ils ĂȘtre neutres ?

C’est un sujet complexe qui a beaucoup Ă©voluĂ©. Actuellement, la loi ne les oblige pas Ă  la neutralitĂ© religieuse car ils ne sont pas agents de l’État, sauf si le rĂšglement intĂ©rieur de l’Ă©cole stipule des contraintes spĂ©cifiques pour le bon fonctionnement du service.

đŸ§© Peut-on parler de religion Ă  l’Ă©cole ?

Absolument. La laĂŻcitĂ© n’est pas l’ignorance du fait religieux. Les programmes d’histoire, de français ou d’arts Ă©tudient les religions comme des faits historiques et culturels, mais sans jamais faire de prosĂ©lytisme (chercher Ă  convaincre).

đŸ§© La cantine doit-elle proposer des repas confessionnels (halal, casher) ?

Non. La laĂŻcitĂ© impose la neutralitĂ© du service public. Les cantines n’ont pas l’obligation de servir des repas religieux. En pratique, la plupart proposent des menus de substitution (sans porc ou vĂ©gĂ©tariens) pour permettre Ă  tous de manger ensemble, mais ce n’est pas une obligation lĂ©gale.

đŸ§© Quiz – LaĂŻcitĂ© et Ă©cole en France

1. Qui est le pĂšre des lois scolaires de 1881-1882 ?



2. Quelle loi instaure la gratuitĂ© de l’Ă©cole primaire publique ?



3. Par quoi est remplacĂ©e l’instruction religieuse en 1882 ?



4. Qu’impose la loi Goblet de 1886 ?



5. La laĂŻcitĂ© de l’Ă©cole a-t-elle prĂ©cĂ©dĂ© celle de l’État ?



6. Quelle loi de 1959 rĂšgle les rapports entre l’État et l’Ă©cole privĂ©e ?



7. Dans quelle rĂ©gion française l’enseignement religieux est-il encore dispensĂ© Ă  l’Ă©cole publique ?



8. Quel Ă©vĂ©nement dĂ©clenche l’affaire du foulard en 1989 ?



9. Que dĂ©cide le Conseil d’État en 1989 concernant le port de signes religieux ?



10. Quelle commission a préparé la loi de 2004 ?



11. Que stipule la loi du 15 mars 2004 ?



12. Quel texte est affiché dans les écoles depuis 2013 ?



13. Comment appelle-t-on les instituteurs de la IIIe République ?



14. Quel philosophe des LumiĂšres a thĂ©orisĂ© l’instruction publique laĂŻque ?



15. Quelle loi de 1850 favorisait l’enseignement catholique ?



16. Quel drame a touchĂ© l’Ă©cole en octobre 2020 en lien avec la laĂŻcitĂ© ?



17. Qu’est-ce que l’EMC ?



18. Le port de l’abaya a Ă©tĂ© interdit au nom de quel principe ?



19. Qui a écrit la célÚbre « Lettre aux instituteurs » en 1883 ?



20. Quel est l’objectif principal de la laĂŻcitĂ© Ă  l’Ă©cole ?



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