🎯 Pourquoi l’histoire des droits LGBTQ+ est-elle un combat majeur ?
L’histoire des droits LGBTQ+ n’est pas seulement celle d’une communauté, mais le reflet de l’évolution de nos sociétés vers plus de liberté et d’inclusion. Longtemps marqués par le silence, la criminalisation voire la persécution systématique, les parcours des personnes lesbiennes, gays, bi, trans, queers et intersexes ont traversé des siècles d’ombre avant d’éclater au grand jour. En comprenant ce long cheminement, depuis les bûchers du Moyen Âge jusqu’aux marches des fiertés contemporaines, tu découvriras comment des individus courageux ont bravé les interdits pour revendiquer leur droit à l’existence et à l’amour. Ce combat, qui résonne avec d’autres luttes pour la dignité humaine, nous invite à réfléchir sur la tolérance et les droits fondamentaux aujourd’hui.
🗂️ Dans cet article, tu vas découvrir :
- ⚖️ De l’interdit religieux au Code pénal
- 🩺 L’invention de l’homosexualité et les premiers pionniers
- 🔻 Berlin, capitale de la liberté et l’horreur nazie
- 📢 De la clandestinité aux émeutes de Stonewall
- 🎗️ Les années SIDA et la lutte pour la survie
- 🌍 Mariage, transidentité et fractures mondiales
- 🧠 À retenir
- ❓ FAQ
- 🧩 Quiz
👉 Poursuivons avec le premier chapitre pour bien comprendre le contexte de ce thème.
⚖️ De l’interdit religieux au Code pénal : les racines de la répression
📌 Un héritage moral et juridique pesant
Pour saisir toute la complexité de l’histoire des droits LGBTQ+, il faut d’abord remonter le temps pour comprendre comment l’occident a construit le rejet de l’altérité sexuelle. Pendant des siècles, sous l’influence dominante des trois grandes religions monothéistes, les relations entre personnes de même sexe n’étaient pas perçues comme une identité, mais comme un acte répréhensible, souvent qualifié de « sodomie ». Ce terme, chargé d’une lourde connotation religieuse, désignait un péché grave, passible des tribunaux ecclésiastiques et civils. Au Moyen Âge, la répression s’intensifie considérablement en Europe : ceux qui sont accusés de ces pratiques risquent le bûcher, une sentence terrible qui visait à purifier la société de ce qui était considéré comme une souillure contre-nature.
Cependant, il ne faut pas imaginer une répression constante et uniforme à travers toutes les époques anciennes, car des espaces de tolérance relative ont existé. Dans l’Antiquité gréco-romaine, par exemple, les relations entre hommes pouvaient être socialement acceptées, voire valorisées, à condition de respecter des codes hiérarchiques précis entre l’éraste (l’homme mûr) et l’éromène (le jeune homme). Mais avec l’avènement du christianisme comme religion d’État dans l’Empire romain, la loi change radicalement : le Code de Théodose (390 ap. J.-C.) puis celui de Justinien instaurent une condamnation formelle. Ainsi, pendant plus de mille ans, l’amour entre personnes de même sexe est resté confiné au secret absolu, sous peine de mort, créant une culture du silence et de la clandestinité qui marquera durablement les esprits.
Cette vision morale s’est profondément ancrée dans les systèmes juridiques des monarchies européennes, où le crime de « bougrerie » ou de « sodomie » était souvent associé à l’hérésie ou à la sorcellerie. Les archives judiciaires, bien que fragmentaires, témoignent de procès retentissants qui servaient d’exemples pour terroriser la population. Pourtant, même dans ce climat hostile, des subcultures discrètes existaient dans les grandes villes comme Paris, Londres ou Florence, où des réseaux invisibles permettaient des rencontres furtives. C’est sur ce terreau de persécution et de secret que s’est construite, très lentement, une conscience de la différence qui ne portait pas encore de nom politique.
📌 La rupture révolutionnaire de 1791
Le véritable premier tournant législatif intervient avec la philosophie des Lumières et la Révolution française, un moment clé pour comprendre l’évolution juridique. Les philosophes comme Beccaria ou Voltaire commencent à remettre en cause la cruauté des châtiments et l’ingérence de la religion dans la loi civile. Dans ce contexte, la France adopte le Code pénal de 1791, qui supprime le crime de sodomie : c’est une dépénalisation historique, non pas par bienveillance explicite envers les homosexuels, mais parce que le législateur considère que ce qui se passe entre deux adultes consentants en privé ne regarde pas l’État. Tu peux faire le lien ici avec la Déclaration des droits de l’homme de 1789, qui pose les bases de la liberté individuelle, même si cette liberté sexuelle était plus une omission volontaire qu’une reconnaissance positive.
Cette dépénalisation française va se diffuser en Europe grâce aux conquêtes napoléoniennes, influençant les codes pénaux de pays comme l’Italie, les Pays-Bas ou la Belgique. Ainsi, au début du XIXe siècle, l’Europe se trouve divisée en deux zones distinctes : les pays de tradition « napoléonienne » où l’homosexualité n’est plus un crime (bien qu’elle reste surveillée par la police pour outrage public à la pudeur), et les pays de tradition germanique ou anglo-saxonne. Dans ces derniers, notamment au Royaume-Uni et en Prusse, la loi reste féroce et continue d’envoyer les hommes en prison ou aux travaux forcés pour « indécence ». Cette fracture juridique va déterminer les lieux où pourront émerger les premiers mouvements de revendication un siècle plus tard.
Il est toutefois crucial de nuancer cette « liberté » à la française : si la prison n’est plus automatique, la réprobation sociale reste totale et l’opprobre public peut briser une carrière ou une vie. La police des mœurs tient des registres détaillés des « pédérastes » (le terme de l’époque) et utilise le chantage et la surveillance constante pour contrôler cette population. On n’est plus sur le bûcher, mais on est encore très loin de l’égalité ou de la dignité, et la sphère publique reste totalement fermée à toute expression de différence. C’est une tolérance de l’ombre, une liberté en liberté surveillée.
🩺 L’invention de l’homosexualité et les premiers pionniers (XIXe siècle)
📌 De pécheur à malade : le nouveau regard médical
Le XIXe siècle marque une transformation radicale : on passe d’une vision religieuse du péché à une vision scientifique de la pathologie. C’est à cette époque que la médecine et la psychiatrie naissante s’emparent de la question, cherchant à classifier les comportements humains. En 1869, un écrivain austro-hongrois, Karl-Maria Kertbeny, invente le terme « homosexuel » (et « hétérosexuel ») dans une lettre ouverte plaidant pour l’abrogation des lois prussiennes. Paradoxalement, ce mot qui servira plus tard d’étendard identitaire est né dans un contexte de tentative de défense juridique, mais il sera vite récupéré par les médecins pour désigner une « espèce » d’individus à part entière.
Des figures comme le psychiatre Richard von Krafft-Ebing, dans son ouvrage Psychopathia Sexualis (1886), décrivent l’homosexualité comme une dégénérescence ou une maladie mentale congénitale. Si cela semble terrible aujourd’hui, c’était à l’époque une forme de progrès par rapport à la vision criminelle : si l’homosexuel est un « malade », alors il ne doit pas être puni par la loi, mais soigné par la médecine. Cette approche ambivalente a permis à certains avocats de plaider l’irresponsabilité de leurs clients, mais elle a aussi enfermé les personnes concernées dans des asiles et a légitimé des tentatives de « guérison » souvent barbares. C’est le début d’une longue ère de stigmatisation médicale qui ne prendra fin que plus d’un siècle plus tard.
Cette médicalisation a eu un effet secondaire inattendu : en nommant la chose, en la classifiant, les médecins ont involontairement donné une base pour la construction d’une identité. Les personnes qui se sentaient isolées ont commencé à comprendre qu’elles n’étaient pas seules, qu’elles appartenaient à une catégorie définie. Comme l’a analysé le philosophe Michel Foucault, le XIXe siècle a « inventé » l’homosexuel comme personnage social, avec son passé, son histoire et sa physiologie. C’est sur cette base identitaire, même pathologisée, que les premiers militants vont pouvoir s’appuyer pour dire « nous existons ».
📌 Le scandale Oscar Wilde et l’émergence d’une conscience
L’événement qui va cristalliser cette tension entre visibilité et répression est sans doute le procès d’Oscar Wilde en 1895, à Londres. Célèbre dramaturge, dandy respecté et figure publique, Wilde est accusé de « grossière indécence » en raison de ses relations avec de jeunes hommes, notamment Lord Alfred Douglas. Son procès, qui passionne la presse internationale, devient le procès de l’homosexualité elle-même. Wilde tente de se défendre avec éloquence, évoquant « l’amour qui n’ose pas dire son nom », mais il est condamné à deux ans de travaux forcés. Cette chute brutale, suivie de son exil en France et de sa mort prématurée, a envoyé un message glaçant à toute l’Europe : personne, même célèbre, n’est à l’abri.
Cependant, le martyre d’Oscar Wilde a aussi servi de catalyseur. Dans l’ombre, des intellectuels et des écrivains commencent à échanger, à écrire (comme André Gide avec Corydon plus tard) et à organiser une résistance intellectuelle. En Angleterre, des figures comme Edward Carpenter prônent une vie simple et la camaraderie démocratique, incluant les relations entre hommes, inspirés par les idéaux socialistes naissants. On voit ici les prémices d’une alliance entre les mouvements de réforme sociale et la question sexuelle, même si cette alliance reste très fragile et marginale.
Parallèlement, les femmes commencent aussi à s’organiser, souvent au sein des mouvements féministes, même si le lesbianisme reste encore plus invisibilisé (la reine Victoria refusait de croire que cela pouvait exister, dit la légende, ce qui expliquerait pourquoi la loi anglaise ne mentionnait que les hommes). Pourtant, des figures comme Anne Lister (dès le début du XIXe siècle) avaient déjà documenté leur vie dans des journaux codés. Tu peux relier cette invisibilité spécifique aux luttes décrites dans l’article sur les droits des femmes, car l’autonomie sexuelle des femmes a toujours été une double bataille, contre le patriarcat et contre l’hétéronormativité.
🔻 Berlin, capitale de la liberté et l’horreur nazie (1900-1945)
📌 Berlin : le premier mouvement d’émancipation
Au début du XXe siècle, c’est en Allemagne que bat le cœur de la première vague du mouvement militant. Berlin, métropole bouillonnante, devient le refuge de ceux qui cherchent la liberté. La figure centrale de cette époque est le docteur Magnus Hirschfeld, un médecin visionnaire, socialiste et juif, qui fonde en 1897 le Comité scientifique humanitaire. Son objectif est clair et révolutionnaire : obtenir l’abrogation du Paragraphe 175, l’article du code pénal allemand qui criminalise l’homosexualité masculine. Sa devise, « Justice par la science », résume sa stratégie : prouver que l’homosexualité est naturelle pour la faire accepter.
En 1919, Hirschfeld franchit une étape supplémentaire en ouvrant à Berlin l’Institut de sexologie (Institut für Sexualwissenschaft). C’est un lieu unique au monde : à la fois centre de recherche, archive, lieu de consultation médicale et refuge pour les personnes en difficulté. L’institut réalise les premières opérations de réassignation sexuelle pour des personnes transgenres, accueille des conférences internationales et milite activement. Durant la République de Weimar (1919-1933), Berlin voit fleurir une culture gay et lesbienne incroyablement riche : bars, cabarets, revues de presse (comme Der Eigene ou Die Freundin), bals travestis. C’est une parenthèse enchantée où la visibilité semble enfin possible.
Ce mouvement allemand inspire d’autres pays, et la Ligue mondiale pour la réforme sexuelle est fondée, tenant des congrès à Copenhague, Londres ou Vienne. On y discute non seulement d’homosexualité, mais aussi de contraception et d’éducation sexuelle. Cependant, cette liberté est fragile : elle repose sur la tolérance précaire de la police berlinoise et elle est violemment attaquée par les conservateurs et les nazis qui montent en puissance. Cette période nous rappelle que les progrès des droits humains ne sont jamais linéaires et peuvent être balayés avec une rapidité effrayante.
📌 L’ombre du triangle rose : la persécution nazie
L’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir en 1933 marque la fin brutale de cet âge d’or et le début d’une des pages les plus sombres de l’histoire des droits LGBTQ+. Dès le mois de mai 1933, les nazis, accompagnés d’étudiants fanatisés, pillent l’Institut de sexologie de Magnus Hirschfeld. Ils brûlent sa bibliothèque inestimable sur la place de l’Opéra lors des tristement célèbres autodafés : des décennies de savoir et d’archives partent en fumée. C’est une volonté claire d’effacer la mémoire et l’existence même de cette communauté.
Le régime nazi durcit considérablement le Paragraphe 175 et lance une traque systématique. Les homosexuels sont considérés comme des « ennemis de l’État » et des « saboteurs de la race aryenne », car ils ne contribuent pas à la reproduction de la nation. La Gestapo utilise les listes roses établies par la police (les fameux fichiers de recensement) pour arrêter des milliers d’hommes. Entre 5 000 et 15 000 hommes portant le triangle rose sont déportés dans les camps de concentration. Ils y subissent un traitement particulièrement atroce, isolés, soumis aux travaux les plus durs et à des expériences médicales inhumaines, et méprisés même par les autres catégories de détenus.
Il est important de noter que le sort des lesbiennes sous le nazisme a été différent mais non moins oppressif : bien que moins souvent déportées sous le motif spécifique d’homosexualité (elles portaient parfois le triangle noir des « asociaux »), elles ont subi la fermeture de leurs lieux de rencontre, la censure et une pression sociale intense pour rentrer dans le rang du modèle nazi de la mère au foyer. Après la guerre, le drame se prolonge : les déportés au triangle rose ne sont pas reconnus comme victimes. Pire, beaucoup sont renvoyés en prison pour finir leur peine, car le Paragraphe 175 reste en vigueur en Allemagne de l’Ouest (RFA) jusque dans les années 1960. Ce « silence après l’enfer » est une seconde injustice majeure.
📢 De la clandestinité aux émeutes de Stonewall (1945-1970)
📌 Le mouvement homophile et la peur rouge
Après la Seconde Guerre mondiale, l’ambiance n’est pas à la libération pour les personnes LGBTQ+. Au contraire, le contexte de la Guerre froide fige les sociétés occidentales dans un conservatisme moral strict. Aux États-Unis, c’est la période du maccarthysme et de la « Peur rouge » (chasse aux communistes), qui s’accompagne d’une « Peur lavande » (Lavender Scare). Des milliers de fonctionnaires fédéraux sont licenciés parce qu’ils sont soupçonnés d’être homosexuels, considérés comme des risques pour la sécurité nationale car susceptibles de chanter. Pour comprendre ce climat de suspicion généralisée, tu peux consulter l’article sur les droits civiques aux USA, qui montre comment les minorités étaient ciblées.
C’est dans ce contexte hostile que naît le mouvement « homophile ». Des groupes comme la Mattachine Society (fondée par Harry Hay en 1950) pour les hommes ou les Daughters of Bilitis (fondé par Del Martin et Phyllis Lyon en 1955) pour les femmes, s’organisent dans le plus grand secret. Leur stratégie est celle de la respectabilité : ils organisent des conférences éducatives, publient des revues discrètes et encouragent leurs membres à se fondre dans la masse, en costume-cravate ou en tailleur, pour prouver qu’ils sont des citoyens comme les autres. C’est un militantisme de la dignité, courageux mais très prudent, qui cherche à éduquer les médecins et les juristes plutôt qu’à renverser le système.
En Europe aussi, des groupes se reforment, comme le COC aux Pays-Bas ou Arcadie en France (créé par André Baudry en 1954). Arcadie, par exemple, bénéficie d’une certaine tolérance des autorités françaises mais prône une discrétion absolue. Ces mouvements homophiles ont maintenu une lueur d’espoir et créé des réseaux de solidarité indispensables, mais à la fin des années 1960, une nouvelle génération, inspirée par les mouvements anti-guerre, le féminisme et le Black Power, commence à trouver cette stratégie trop timide. La cocotte-minute est prête à exploser.
📌 1969 : L’étincelle de Stonewall et la naissance de la Pride
L’événement déclencheur a lieu à New York, dans la nuit du 27 au 28 juin 1969. Le Stonewall Inn, un bar mafieux du quartier de Greenwich Village, est un refuge pour les marginaux de la communauté : jeunes efféminés, drag queens, personnes transgenres, lesbiennes butch, jeunes sans-abri. La police y fait une descente, une pratique courante à l’époque pour harceler la clientèle. Mais cette nuit-là, quelque chose change. Au lieu de se disperser docilement, les clients ripostent. Des bouteilles volent, la foule encercle la police, et les émeutes durent plusieurs nuits. Des figures emblématiques comme Marsha P. Johnson et Sylvia Rivera, deux femmes trans racisées, sont souvent citées comme étant en première ligne de cette résistance.
Stonewall n’était pas la première émeute (il y en eut à la cafétéria Compton de San Francisco en 1966), mais elle a été la plus médiatisée et la mieux organisée par la suite. Immédiatement après, le ton change radicalement. Fini la demande polie de tolérance, place à la revendication fière : le « Gay Liberation Front » est créé. On ne demande plus l’intégration, on exige la libération, la fin de l’oppression policière et la visibilité. « Sortir du placard » (Coming out) devient un acte politique révolutionnaire. Un an plus tard, en juin 1970, les premières marches commémoratives ont lieu à New York et Los Angeles : c’est la naissance des Marches des Fiertés (Pride).
L’onde de choc traverse l’Atlantique. En France, le Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire (FHAR) est créé en 1971, perturbant une émission de radio pour prendre la parole. Ce militantisme radical des années 70 obtient des victoires majeures, dont la plus symbolique est médicale : en 1973, l’Association américaine de psychiatrie (APA) retire l’homosexualité de sa liste des maladies mentales. C’est la fin officielle du dogme de la pathologie aux États-Unis, une victoire immense qui permet de déplacer le combat du terrain médical vers le terrain des droits civiques purs.
🎗️ Les années SIDA et la lutte pour la survie (1980-2000)
📌 L’épreuve du feu : une épidémie politique
Au début des années 1980, alors que la communauté commence à peine à goûter à une certaine liberté festive, un mal mystérieux frappe. Ce qu’on appellera d’abord le « cancer gay » puis le SIDA (Syndrome d’Immunodéficience Acquise) va décimer toute une génération. L’impact est dévastateur : les amis, les amants, les militants meurent par milliers dans des conditions terribles. Mais le drame est aggravé par le silence assourdissant des gouvernements. Aux États-Unis, le président Ronald Reagan mettra des années avant de prononcer publiquement le mot « SIDA ». En France et ailleurs, la réaction des pouvoirs publics est lente, teintée de moralisme : beaucoup considèrent tacitement que c’est une « punition » pour un style de vie jugé déviant.
Face à cette hécatombe et à l’indifférence, la colère remplace la peur. L’association ACT UP (AIDS Coalition to Unleash Power), née à New York en 1987 et à Paris en 1989, incarne ce nouveau militantisme de survie. Avec leur slogan « Silence = Mort » et le triangle rose retourné (symbole de la déportation nazie réapproprié), ils mènent des actions spectaculaires : die-ins (simulations de mort) dans les lieux publics, préservatifs géants sur des obélisques, aspertions de faux sang. Il ne s’agit plus seulement de demander des droits, mais d’exiger des médicaments, de la recherche et de la prévention. Cette mobilisation a forcé les laboratoires et les États à bouger, sauvant in fine des millions de vies.
Paradoxalement, l’épidémie de SIDA a accéléré la visibilité et l’intégration des personnes LGBTQ+. Elle a forcé le coming-out de nombreuses personnalités (comme Rock Hudson) et a obligé les familles, les collègues et la société entière à voir l’humanité derrière la caricature. La gestion de la maladie, l’accompagnement des mourants, la nécessité de protéger juridiquement le partenaire survivant (souvent expulsé du logement commun par la belle-famille) ont posé les bases des revendications pour le partenariat civil. C’est dans la tragédie que s’est construite la légitimité du couple homosexuel aux yeux du grand public.
📌 La fin de la criminalisation en Europe et la reconnaissance internationale
Pendant ces années de lutte sanitaire, le front juridique progresse. Une date clé à retenir est le 17 mai 1990 : l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) retire l’homosexualité de la liste des maladies mentales. C’est une reconnaissance mondiale qui met fin (théoriquement) aux thérapies de conversion et valide la normalité des orientations sexuelles. Cette date est aujourd’hui célébrée comme la Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie.
En Europe, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) joue un rôle moteur. Par des arrêts successifs (comme l’arrêt Dudgeon c. Royaume-Uni en 1981), elle contraint les derniers pays réfractaires à dépénaliser l’homosexualité. L’Irlande, Chypre, ou encore les républiques issues de l’URSS doivent modifier leurs codes pénaux pour entrer dans le concert des nations européennes démocratiques. La dépénalisation devient un critère d’adhésion à l’Union Européenne et au Conseil de l’Europe. Tu peux approfondir ce mécanisme d’influence des droits humains en consultant l’article sur la Déclaration universelle de 1948, qui sert de socle moral à ces évolutions.
En France, la fin des années 90 voit l’aboutissement d’un long combat pour la reconnaissance du couple. Le PaCS (Pacte Civil de Solidarité), voté en 1999 après des débats parlementaires d’une violence inouïe, offre enfin un cadre légal aux couples de même sexe. C’était une première étape, un compromis, mais qui a ouvert la brèche vers l’égalité totale. Ce cheminement montre comment le droit suit souvent, avec retard, l’évolution des mœurs et la pression militante.
🌍 Mariage, transidentité et fractures mondiales (XXIe siècle)
📌 Le mariage pour tous : l’ultime barrière symbolique
Le début du XXIe siècle est marqué par la revendication de l’égalité matrimoniale. Ce n’est plus seulement la protection juridique qui est demandée, mais la même reconnaissance symbolique que les couples hétérosexuels. Les Pays-Bas ouvrent la voie en devenant le premier pays au monde à légaliser le mariage homosexuel en 2001. C’est un séisme culturel. Progressivement, d’autres pays suivent : la Belgique, l’Espagne, le Canada. En France, la loi dite du « Mariage pour tous » est promulguée en mai 2013 par la ministre Christiane Taubira, malgré une opposition de rue massive (la « Manif pour tous »). Aux États-Unis, c’est la Cour Suprême qui tranche en 2015, rendant le mariage égalitaire légal dans les 50 États.
Cette vague de légalisation a transformé le visage de la société. Elle a permis l’adoption et a sécurisé les familles homoparentales (« familles arc-en-ciel »). Cependant, ces avancées ont parfois masqué d’autres enjeux. Une critique interne au mouvement a souligné que la focalisation sur le mariage (institution bourgeoise et traditionnelle) pouvait laisser de côté les plus précaires, notamment les jeunes rejetés par leurs familles ou les personnes transgenres confrontées à des violences spécifiques. L’égalité formelle devant le maire ne signifie pas la fin des discriminations au quotidien, à l’école ou au travail.
D’ailleurs, pour mieux comprendre les dynamiques d’exclusion qui persistent, il est utile de consulter les rapports sur les discriminations publiés par le Défenseur des droits, qui montrent que l’accès au logement ou à l’emploi reste plus difficile pour les personnes LGBTQ+, malgré la loi.
📌 La visibilité trans et la fracture Nord-Sud
Ces dernières années, le « T » du sigle LGBTQ+ a pris une place centrale. L’histoire des personnes transgenres, longtemps diluée dans celle de l’homosexualité, s’affirme avec ses propres revendications : la facilitation du changement d’état civil (sans stérilisation forcée, une pratique longtemps exigée dans de nombreux pays européens dont la France jusqu’en 2016), l’accès aux soins de transition et la lutte contre la transphobie. La visibilité médiatique accrue (séries, personnalités publiques) contraste avec une vulnérabilité sociale qui reste très forte.
Enfin, il est impossible de conclure sans évoquer la fracture mondiale. Si l’Occident et certaines parties de l’Amérique Latine avancent vers l’égalité, la situation reste dramatique dans près de 70 pays où l’homosexualité est encore criminalisée, parfois passible de peine de mort (comme en Iran, en Arabie Saoudite ou dans certaines régions du Nigeria). Cette persécution pousse de nombreuses personnes à l’exil, créant une catégorie spécifique de réfugiés. Ce sujet est directement lié à la thématique abordée dans l’article droits humains et migrations, car le motif de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre est désormais un motif légitime (bien que difficile à prouver) pour demander l’asile en Europe.
L’histoire n’est donc pas finie. Entre reculs conservateurs dans certains pays de l’Est de l’Europe (zones « anti-LGBT » en Pologne un temps, lois russes) et avancées en Asie (dépénalisation en Inde en 2018, mariage à Taïwan), le combat pour les droits LGBTQ+ reste un baromètre sensible de l’état de la démocratie et des droits humains à l’échelle planétaire. Pour suivre l’état des lieux mondial, tu peux te référer aux cartes et rapports du Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU.
🧠 À retenir sur l’histoire des droits LGBTQ+
- La Révolution française (Code pénal de 1791) a été la première à dépénaliser l’homosexualité en Europe, rompant avec l’héritage religieux.
- Le XIXe siècle invente le terme « homosexuel » et médicalise la sexualité, créant à la fois une stigmatisation et une identité (exemple d’Oscar Wilde).
- Les émeutes de Stonewall en 1969 marquent le début du militantisme moderne et fier (Pride), après la terrible répression nazie (Triangles roses).
- Le 17 mai 1990, l’OMS retire l’homosexualité des maladies mentales, une date clé vers l’égalité juridique (Mariage pour tous, droits des personnes trans).
❓ FAQ : Questions fréquentes sur l’histoire LGBTQ+
🧩 Que signifie le sigle LGBTQIA+ ?
Il regroupe lesbiennes, gays, bisexuel(le)s, transgenres, queers, intersexes et asexuel(le)s. Le « + » inclut toutes les autres identités de genre et orientations sexuelles. C’est un acronyme évolutif qui vise à rassembler toutes les minorités sexuelles et de genre.
🧩 Pourquoi le drapeau arc-en-ciel est-il le symbole ?
Créé par l’artiste Gilbert Baker pour la Pride de San Francisco en 1978, à la demande d’Harvey Milk, il symbolise la diversité de la communauté. Chaque couleur a une signification originale (ex: rouge pour la vie, orange pour la guérison, violet pour l’esprit), même si le nombre de bandes a évolué.
🧩 La France a-t-elle déjà criminalisé l’homosexualité au XXe siècle ?
Oui, indirectement. Sous le régime de Vichy en 1942, une loi a instauré une majorité sexuelle discriminatoire (21 ans pour les homosexuels contre 13/15 ans pour les hétérosexuels). Cette loi discriminatoire a été maintenue par la République après la guerre et n’a été abrogée qu’en 1982.
