🧭 Immigration italienne et espagnole en France au XIXe siècle expliquée simplement

🎯 Pourquoi l’immigration italienne et espagnole au XIXe siècle est-elle emblématique en histoire ?

L’expression « immigration italienne et espagnole en France au XIXe siècle » revient souvent quand on étudie la formation de la France industrielle. Derrière cette formule, il y a des milliers de travailleurs partis de villages pauvres d’Italie et d’Espagne, poussés par la misère, les crises politiques et l’espoir d’un avenir plus stable. Ils arrivent dans une France en plein essor industriel, qui construit des voies ferrées, ouvre des mines et agrandit ses villes. Dans ce chapitre, nous allons suivre leurs départs, leurs installations et les tensions qu’ils suscitent. Enfin, tu verras comment ces migrations annoncent d’autres mouvements étudiés dans le chapitre sur l’histoire de l’immigration en France et pourquoi elles peuvent tomber au brevet ou au bac.

🗂️ Dans cet article, tu vas découvrir :

👉 Poursuivons avec le premier chapitre pour bien comprendre le contexte de ces migrations italiennes et espagnoles vers la France.

🧭 Contexte européen des migrations au XIXe siècle

📌 Une Europe en plein bouleversement démographique

Au XIXe siècle, l’Europe connaît une forte croissance de sa population, notamment en Italie et en Espagne, ce qui crée des tensions sur les terres agricoles et les emplois disponibles. Dans de nombreuses régions rurales, les familles sont nombreuses et les parcelles se divisent à chaque génération, rendant la survie de plus en plus difficile. De plus, les crises politiques répétées, les guerres et les changements de régime fragilisent encore les économies locales. Dans ce contexte, l’immigration italienne et espagnole en France au XIXe siècle apparaît pour beaucoup comme une véritable stratégie de survie. Elle s’inscrit aussi dans un mouvement plus large de migrations européennes vers les pays qui semblent offrir du travail et un peu de stabilité.

Par ailleurs, les progrès des transports modifient les horizons possibles des populations pauvres d’Italie et d’Espagne. Les routes s’améliorent, les lignes de diligences se multiplient, puis le chemin de fer commence à relier plus rapidement les grandes villes. Ce changement ne supprime pas les obstacles, mais il réduit les distances et rend les départs plus envisageables pour des familles entières. Ainsi, des paysans qui n’avaient parfois jamais quitté leur vallée commencent à imaginer un départ vers la France, perçue comme un pays en construction permanente. Ce mouvement prépare aussi les grandes vagues migratoires étudiées dans le chapitre sur les crises migratoires récentes, même si les contextes sont différents.

🏭 La Révolution industrielle et les besoins de main-d’œuvre en France

Dans le même temps, la France vit sa Révolution industrielle, avec l’essor des usines, des mines et de grandes villes comme Paris, Lyon ou Marseille. Les campagnes françaises n’arrivent pas toujours à fournir suffisamment de travailleurs pour ces nouveaux secteurs, surtout lorsque beaucoup de jeunes préfèrent partir vers les centres urbains les plus proches. Les patrons, eux, recherchent une main-d’œuvre abondante, peu coûteuse et souvent prête à accepter des conditions de travail difficiles. De ce fait, ils se tournent assez vite vers les voisins du sud, notamment l’Italie, dont certaines régions se trouvent à quelques jours de marche ou de train.

Cette demande de main-d’œuvre étrangère ne se limite pas aux grandes usines. Elle concerne aussi les chantiers de construction, les travaux saisonniers dans l’agriculture ou encore les mines de charbon et de fer. Les Italiens et les Espagnols deviennent progressivement visibles dans ces secteurs, même s’ils restent au départ minoritaires par rapport aux travailleurs français. Cependant, leur présence s’inscrit dans la continuité de l’histoire globale de l’immigration en France, qui voit se succéder différentes vagues migratoires selon les besoins économiques. Ce lien entre croissance industrielle et appel à la main-d’œuvre étrangère sera encore plus marqué plus tard avec l’immigration maghrébine au XXe siècle.

🛤️ Des frontières plus faciles à franchir, mais des contrôles encore limités

Au début du XIXe siècle, les frontières restent contrôlées, mais beaucoup moins qu’aujourd’hui. Il n’existe pas encore de systèmes de visas ou de quotas migratoires strictement organisés comme à l’époque contemporaine. Les États surveillent surtout les opposants politiques, les révolutionnaires ou les contrebandiers, plutôt que les simples travailleurs. Ainsi, l’immigration italienne et espagnole en France au XIXe siècle peut se faire de manière assez souple, avec des allers-retours fréquents entre les deux côtés de la frontière.

En même temps, les États commencent progressivement à s’intéresser davantage aux mouvements de population, notamment pour des raisons militaires et fiscales. Les recensements se développent, les passeports se généralisent et les autorités essaient de mieux suivre qui entre et qui sort de leur territoire. Cependant, ces dispositifs restent incomplets, et de nombreux travailleurs franchissent encore les montagnes ou les cols sans formalités très complexes. Ce cadre permet donc l’installation d’Italiens et d’Espagnols qui viennent d’abord pour des travaux saisonniers avant, parfois, de se fixer durablement en France. Dans le chapitre suivant, nous verrons plus précisément pourquoi ces hommes et ces femmes décident de tout quitter pour tenter leur chance au nord des Alpes et des Pyrénées.

⚙️ Causes des départs d’Italie et d’Espagne

🌾 Crises agricoles et pauvreté structurelle en Italie

Pour comprendre l’immigration italienne et espagnole en France au XIXe siècle, il faut d’abord regarder la situation des campagnes en Italie. Dans de nombreuses régions comme le Piémont, la Ligurie ou le Mezzogiorno au sud, les paysans vivent sur de petites parcelles fragiles, souvent endettés et dépendants des propriétaires. Les mauvaises récoltes, les crises de prix et la pression démographique rendent la vie quotidienne très précaire. Ainsi, beaucoup de familles constatent que leurs terres ne suffisent plus pour nourrir tous les enfants.

De plus, l’unification de l’Italie autour de 1861 ne résout pas immédiatement ces difficultés. Au contraire, les nouveaux impôts, le service militaire obligatoire et certaines politiques économiques aggravent la situation des plus pauvres, surtout dans le sud. Dans ces conditions, la migration temporaire ou durable vers la France apparaît comme une solution concrète pour trouver du travail et envoyer de l’argent au village. Certains hommes partent seuls, puis font venir leurs proches lorsque la situation se stabilise.

Enfin, il existe une tradition de mobilité saisonnière dans plusieurs régions de Italie, par exemple chez les maçons du Frioul ou les ouvriers agricoles du nord. Ces circulations anciennes servent de modèle et de réseau pour les départs du XIXe siècle. Un cousin, un voisin ou un ancien camarade de village installé en France écrit pour dire qu’il a trouvé un emploi sur un chantier ou dans une mine, ce qui rassure ceux qui hésitent encore. Les migrations se construisent donc progressivement, par petites chaînes de solidarité.

⚔️ Instabilité politique et tensions sociales en Espagne

En Espagne, les raisons des départs sont proches, mais elles se combinent à une forte instabilité politique tout au long du XIXe siècle. Le pays connaît plusieurs guerres civiles, comme les guerres carlistes, des changements de régime et des conflits entre monarchistes, libéraux et républicains. Ces affrontements désorganisent l’économie, font peser des charges lourdes sur les populations rurales et créent un climat d’insécurité. Beaucoup de paysans ou d’artisans sentent qu’ils n’ont pas d’avenir dans ces conditions.

Les structures agraires sont aussi très inégalitaires, surtout dans certaines régions du sud comme l’Andalousie, où de grands domaines, les latifundia, dominent les paysages. De nombreux journaliers n’ont pas de terres à eux et ne survivent qu’en cumulant des travaux saisonniers mal payés. Lorsque les récoltes sont mauvaises ou que les propriétaires réduisent l’embauche, ces travailleurs se retrouvent sans ressources. Dans ce contexte, partir vers la France, même pour des emplois pénibles, peut sembler moins risqué que rester sur place sans perspective.

À cela s’ajoutent des crises spécifiques, comme la maladie de la vigne, la phylloxéra, qui touche une partie des régions viticoles et détruit une source importante de revenus. Les familles qui vivaient de la vigne voient leurs ressources s’effondrer en quelques années. Par conséquent, l’attrait exercé par les régions françaises en plein développement, notamment le sud-ouest ou le bassin minier, devient très fort. Les départs espagnols vers la France restent moins nombreux que les départs italiens, mais ils suivent une logique similaire de fuite de la pauvreté et de recherche de stabilité.

🚶 Des stratégies familiales pour survivre et s’élever socialement

Que ce soit en Italie ou en Espagne, la migration ne résulte pas seulement d’une décision individuelle prise sur un coup de tête. Bien souvent, c’est une véritable stratégie familiale, discutée longuement autour de la table ou dans les champs. On décide par exemple que l’aîné part travailler en France pour envoyer de l’argent, rembourser des dettes ou payer la dot d’une sœur. Ensuite, si la situation le permet, d’autres membres de la famille le rejoignent pour s’installer plus durablement.

Ces stratégies sont rendues plus faciles par l’existence de réseaux de village ou de région qui orientent les migrants vers certains lieux précis. Par exemple, des Italiens d’une même vallée se retrouvent souvent dans une même ville minière ou sur les mêmes chantiers. De plus, les lettres envoyées depuis la France jouent un rôle décisif, car elles racontent les conditions de travail, les salaires, mais aussi les difficultés d’intégration. Elles permettent aux familles restées au pays de mieux peser les risques et les avantages d’un départ.

Enfin, ces choix de migration sont aussi porteurs d’espoir social. Beaucoup de parents imaginent que leurs enfants auront plus de chances de réussir leur vie en grandissant en France, où l’école se développe et où l’industrialisation offre plus de métiers. Cette idée d’ascension sociale par la migration sera d’ailleurs un thème récurrent dans d’autres vagues étudiées, comme celle des harkis et rapatriés après la guerre d’Algérie. Dans le chapitre suivant, nous verrons comment ces projets se concrétisent concrètement au moment de l’installation en France.

📜 Installation des Italiens et des Espagnols en France

🚂 Routes migratoires et régions d’arrivée

Lorsque l’on observe l’immigration italienne et espagnole en France au XIXe siècle, on repère d’abord des routes migratoires très concrètes, faites de cols, de ports et de gares. Beaucoup d’Italiens passent par les cols des Alpes ou par les ports de Gênes et de Livourne avant de débarquer à Marseille ou à Nice. Les Espagnols, eux, franchissent les Pyrénées par voie terrestre ou utilisent les ports comme Bayonne et Bordeaux. Dans tous les cas, le voyage reste long, fatigant et coûteux pour des familles déjà fragilisées par la pauvreté.

Les premiers lieux d’installation se situent souvent près de ces portes d’entrée. Les Italiens s’implantent ainsi dans le sud-est de la France, en Provence, dans les Alpes-Maritimes ou le long de la vallée du Rhône, tandis que d’autres rejoignent les bassins miniers de Lorraine et du Nord. Les Espagnols se concentrent davantage dans le sud-ouest, dans les régions frontalières ou viticoles qui recherchent des ouvriers saisonniers. Peu à peu, certains groupes remontent vers des villes plus grandes, attirés par les chantiers urbains et la promesse de salaires plus élevés.

🏘️ Quartiers, villages et formes d’installation

Une fois arrivés, les migrants cherchent des logements à proximité des lieux de travail, ce qui donne naissance à des quartiers marqués par une forte présence italienne ou espagnole. Dans certaines villes, on parle même de « petite Italie » pour désigner des rues où l’on entend surtout l’italien, où les commerces, les cafés et les lieux de sociabilité sont tenus par des compatriotes. Cette concentration rassure les nouveaux venus, qui trouvent plus facilement des informations, un hébergement temporaire et parfois un employeur grâce au bouche-à-oreille.

Dans les campagnes, les formes d’installation sont différentes. Beaucoup d’Italiens et d’Espagnols vivent dans des fermes, des mas ou des hameaux isolés où ils travaillent comme journaliers agricoles, vachers ou bergers. D’autres sont logés dans des baraquements provisoires construits par les entreprises sur les chantiers de chemins de fer, de canaux ou de routes, ce qui renforce l’idée d’une présence temporaire. Cependant, au fil des années, une partie de ces travailleurs finit par se fixer durablement, acheter une petite maison ou faire venir sa famille, transformant une migration saisonnière en véritable installation.

🛠️ Secteurs de travail et conditions d’emploi

Les Italiens et les Espagnols se retrouvent principalement dans les métiers les plus pénibles et les moins bien payés, ce qui n’est pas un hasard. Dans l’industrie, ils travaillent dans les mines de charbon, les mines de fer, les hauts-fourneaux ou les cimenteries, où les journées sont longues et les risques d’accident élevés. Sur les chantiers, ils creusent des tunnels, posent des rails ou construisent des digues, souvent dans des conditions climatiques difficiles. Dans l’agriculture, ils effectuent les travaux saisonniers les plus durs, comme les vendanges, les moissons ou le défrichage de nouvelles terres.

En outre, ces travailleurs étrangers sont parfois utilisés par les employeurs pour faire pression sur les salaires des ouvriers français, ce qui peut créer des tensions sociales. Certains journaux ou responsables politiques dénoncent alors une concurrence jugée déloyale, ce qui alimente des discours hostiles que l’on étudiera plus largement dans le chapitre consacré aux représentations sociales de l’immigration en France. Malgré ces critiques, l’économie française s’appuie bel et bien sur cette main-d’œuvre italienne et espagnole pour poursuivre son industrialisation. Dans la partie suivante, nous verrons plus en détail comment se déroule la vie quotidienne de ces migrants entre travail, famille et relations avec la société d’accueil.

🎨 Vie quotidienne et intégration de ces migrants

🏚️ Logement, promiscuité et précarité au quotidien

La vie quotidienne liée à l’immigration italienne et espagnole en France au XIXe siècle se caractérise souvent par des logements exigus, humides et surpeuplés. Dans les quartiers populaires des grandes villes comme Marseille, Lyon ou Paris, plusieurs familles partagent parfois la même pièce ou la même cour, ce qui favorise la promiscuité et la circulation des maladies. De plus, les loyers absorbent une part très importante du maigre salaire, ce qui oblige à accepter des conditions que beaucoup de Français refusent. Ainsi, les migrants se retrouvent souvent dans les maisons les plus délabrées ou dans des immeubles promis à la démolition.

À proximité des usines et des mines, les propriétaires ou les compagnies minières construisent parfois des cités ouvrières où logent à la fois des Français et des étrangers. Ces logements sont un peu plus organisés, avec des rangées de petites maisons toutes identiques, mais ils restent très rudimentaires. Cependant, ils permettent une certaine stabilité, surtout pour les familles qui veulent s’installer durablement en France. Dans d’autres cas, notamment sur les grands chantiers de voies ferrées, les travailleurs italiens et espagnols vivent dans des baraquements provisoires faits de planches et de tôles, proches du chantier mais très éloignés des centres urbains.

Cette précarité du logement renforce le sentiment d’être en marge de la société française. Les autorités locales s’inquiètent parfois des risques sanitaires, notamment lors des épidémies de choléra ou de typhus, et surveillent ces quartiers considérés comme dangereux. En revanche, ces mêmes espaces servent aussi de refuges où l’on parle la langue d’origine, où l’on échange des nouvelles du pays et où l’on s’entraide pour trouver un emploi. Pour comprendre sur le long terme les transformations de ces espaces et des populations, tu peux te référer aux statistiques démographiques de l’INSEE, qui montrent bien la place croissante de l’immigration dans la société française.

🍞 Alimentation, sociabilité et culture d’origine

Malgré la dureté du travail et des logements, les migrants italiens et espagnols tentent de préserver des éléments de leur culture d’origine dans la vie quotidienne. Dans les quartiers où ils sont nombreux, des épiceries et des cafés tenus par des compatriotes proposent des produits familiers, comme l’huile d’olive, certaines pâtes, des charcuteries spécifiques ou des vins régionaux. Ces commerces deviennent des lieux de sociabilité essentiels, où l’on retrouve le goût du pays et où l’on commente les nouvelles politiques en Italie ou en Espagne. De plus, les fêtes religieuses ou les processions offrent l’occasion d’affirmer une identité collective au sein même des villes françaises.

Dans les familles, les repas restent un moment central pour transmettre des habitudes et une langue. On parle italien ou espagnol à la maison, même lorsque les enfants commencent à apprendre le français à l’école ou dans la rue. Ainsi, la table devient un espace de continuité entre le village d’origine et le nouveau pays. Cependant, les contraintes économiques obligent souvent à adapter les recettes aux produits disponibles sur les marchés français, ce qui crée peu à peu des mélanges culinaires originaux. Ces échanges contribuent en retour à enrichir les pratiques alimentaires françaises dans certains quartiers populaires.

Les lieux de sociabilité ne se limitent pas aux cafés et aux commerces. Les migrants s’organisent aussi en sociétés de secours mutuel, en associations religieuses ou en clubs politiques, surtout à la fin du XIXe siècle. Ces structures servent à soutenir un compatriote malade, à financer un enterrement ou à venir en aide à une famille en difficulté. Elles permettent également d’exprimer des opinions sur la situation dans le pays d’origine ou sur les politiques françaises. Ce lien entre engagement associatif et immigration se retrouvera plus tard dans d’autres mouvements, par exemple lors des mobilisations liées à l’immigration maghrébine en France.

📖 École, langue et trajectoires des enfants

La question de l’école occupe une place centrale dans l’histoire de l’immigration italienne et espagnole en France au XIXe siècle, surtout à partir des lois scolaires de la fin du siècle. Avec la mise en place de l’école primaire obligatoire, gratuite et laïque, les enfants d’immigrés se retrouvent sur les mêmes bancs que les enfants français. D’abord, la barrière de la langue complique l’apprentissage, car beaucoup d’entre eux maîtrisent mal le français à leur arrivée. Pourtant, en quelques années, ils acquièrent un bilinguisme précieux qui facilite leur intégration sociale et professionnelle.

Pour les parents, l’école représente souvent une promesse d’ascension sociale. Ils acceptent des travaux pénibles et mal payés en espérant que leurs enfants auront un métier moins dur, voire un statut plus reconnu, grâce au diplôme scolaire. En outre, les instituteurs deviennent des acteurs importants de cette intégration, car ils encouragent parfois les meilleurs élèves à poursuivre leurs études au-delà du primaire. Cependant, il existe aussi des tensions lorsque certains enseignants ou camarades stigmatisent ces enfants en raison de leur accent, de leur nom ou de la profession de leurs parents.

Ces trajectoires scolaires contribuent à transformer la perception de ces communautés dans la société française. Au fil du temps, une partie des enfants d’Italiens et d’Espagnols accède à des emplois plus qualifiés, notamment dans l’artisanat, le commerce ou la fonction publique locale. Par conséquent, ils jouent un rôle d’intermédiaires entre le monde ouvrier et les institutions françaises. Plus tard, les débats sur l’intégration scolaire et la laïcité ressurgiront dans d’autres contextes migratoires, analysés par exemple dans le chapitre sur les lois Pasqua et les régularisations, qui montre comment la question de l’école et de la citoyenneté reste au cœur des politiques d’immigration.

🌍 Mobilisations et engagements politiques

✊ Syndicats, grèves et solidarité ouvrière

Dans le cadre de l’immigration italienne et espagnole en France au XIXe siècle, les mondes du travail et du militantisme sont étroitement liés. Sur les chantiers, dans les mines ou les usines, les migrants découvrent les premières formes d’organisation ouvrière françaises, comme les sociétés de secours mutuel puis les syndicats naissants. Ils y trouvent parfois un appui pour défendre de meilleurs salaires, lutter contre les accidents du travail ou obtenir quelques jours de repos supplémentaires. De plus, des liens se tissent entre ouvriers français et étrangers, ce qui renforce un sentiment de solidarité face aux patrons.

Cependant, cette participation reste très variable selon les régions et les secteurs. Dans certaines mines ou cimenteries, les patrons préfèrent embaucher des Italiens ou des Espagnols précisément parce qu’ils les jugent moins syndiqués et donc plus « dociles ». Cette image, souvent exagérée, alimente parfois la méfiance de certains ouvriers français qui craignent que ces migrants ne cassent les grèves ou ne tirent les salaires vers le bas. Pourtant, au fil des années, de nombreux travailleurs venus d’Italie ou d’Espagne rejoignent les mouvements sociaux, participent aux grèves et acceptent de perdre plusieurs jours de salaire pour défendre des revendications communes.

Ainsi, les luttes sociales de la fin du XIXe siècle ne peuvent pas être comprises sans prendre en compte cette dimension migratoire. Dans certains bassins industriels, la présence d’Italiens ou d’Espagnols au sein des cortèges de grévistes montre que ces populations ne sont pas seulement des victimes passives, mais aussi des acteurs à part entière du mouvement ouvrier. Par conséquent, l’immigration italienne et espagnole contribue à diffuser des formes de solidarité qui dépassent les frontières nationales et annoncent les engagements ultérieurs d’autres communautés immigrées.

📜 Courants politiques, surveillances policières et figures militantes

Les migrants italiens et espagnols ne s’engagent pas seulement sur le terrain social, mais aussi dans des courants politiques très divers. Certains sont proches des mouvements anarchistes ou socialistes qui se développent en Europe à la fin du XIXe siècle, surtout en Italie où ces idées circulent intensément. D’autres restent attachés à des traditions plus religieuses ou conservatrices, parfois liées à leur village d’origine. Ainsi, dans une même communauté, on peut trouver des ouvriers très politisés et d’autres qui se tiennent à distance des conflits politiques, préférant se concentrer sur le travail et la famille.

Les autorités françaises surveillent de près ces engagements politiques, surtout lorsqu’elles craignent une contagion révolutionnaire. La police suit les réunions d’anarchistes italiens, surveille les cafés où se retrouvent des opposants politiques espagnols et collecte des rapports sur les activités de certains militants. En outre, la presse française relaie parfois des peurs exagérées en présentant les étrangers comme des fauteurs de troubles potentiels. Cette méfiance renforce les contrôles, notamment dans les périodes de tension, et prépare les premières réflexions sur une législation spécifique de l’immigration, analysée plus largement dans les dossiers officiels comme l’analyse de la politique française de l’immigration.

Cependant, il serait réducteur de voir ces migrants uniquement comme des suspects. Certains deviennent des figures respectées du mouvement ouvrier local, des délégués syndicaux ou des orateurs lors de réunions publiques. Ils jouent un rôle de passerelle entre les débats politiques de leur pays d’origine et ceux de la France, en apportant leurs propres expériences de luttes. Ainsi, l’immigration italienne et espagnole en France au XIXe siècle contribue à enrichir le paysage politique français, en y introduisant de nouvelles pratiques militantes et de nouvelles références idéologiques.

🔥 Violences, rejets et formes de résistance

Ces engagements ne vont pas sans tensions, ni sans épisodes de violence. À plusieurs reprises, des rumeurs ou des conflits de travail dégénèrent en affrontements entre ouvriers français et immigrants, parfois encouragés par certains journaux hostiles aux étrangers. Des émeutes éclatent contre des travailleurs italiens accusés de prendre les emplois locaux ou acceptant des salaires plus bas. Ces violences, qui marquent la mémoire de nombreuses communautés, montrent que l’intégration n’est ni automatique ni paisible. Au contraire, elle se construit dans un rapport de forces où se mêlent peurs, préjugés et rivalités économiques.

Face à ces hostilités, les migrants développent différentes formes de résistance. D’abord, ils s’organisent en associations et en réseaux de solidarité capables de venir en aide aux victimes de violences, d’incendies de logements ou de licenciements collectifs. Ensuite, ils utilisent parfois la presse en langue d’origine ou des journaux locaux pour raconter leur point de vue, dénoncer les injustices et défendre leur honneur. De plus, certains saisissent les tribunaux lorsqu’ils estiment que leurs droits ont été bafoués, ce qui contribue à faire progresser lentement la protection juridique des travailleurs étrangers.

Enfin, le simple fait de rester, de s’installer durablement et de faire vivre des familles en France constitue une forme de résistance silencieuse mais puissante. Malgré les violences, les insultes ou les discriminations, beaucoup de familles italiennes et espagnoles choisissent de croire en la possibilité d’un avenir meilleur dans leur pays d’accueil. Cette persévérance prépare les générations suivantes à revendiquer une place pleine et entière dans la société française, un thème que tu peux approfondir grâce au dossier pédagogique de Lumni sur l’immigration en France. Dans le chapitre suivant, nous verrons justement comment ces présences italiennes et espagnoles laissent des traces durables dans la mémoire collective et le paysage culturel français.

🤝 Héritages de l’immigration italienne et espagnole en France

🏛️ Transformations démographiques et enracinement durable

Avec le temps, l’immigration italienne et espagnole en France au XIXe siècle cesse d’être un simple va-et-vient saisonnier pour devenir un phénomène d’enracinement. Des familles entières s’installent durablement dans des régions industrielles comme le Nord, la Lorraine ou la région de Saint-Étienne, mais aussi dans des espaces ruraux de Provence ou du sud-ouest. Les mariages mixtes se multiplient entre Français, Italiens et Espagnols, ce qui brouille progressivement les frontières entre « population d’origine » et « nouveaux venus ». Les patronymes, les prénoms et parfois les accents témoignent encore aujourd’hui de ces mélanges.

Pour les communes concernées, cette installation durable modifie en profondeur la composition sociale et les équilibres politiques locaux. Dans certains bassins miniers ou quartiers populaires, les travailleurs venus d’Italie ou d’Espagne représentent une part importante de la population active. Ils contribuent à la vie des syndicats, des associations sportives ou des coopératives de consommation. Cette présence doit donc être replacée dans la continuité de l’histoire globale de l’immigration en France, où chaque vague apporte sa propre contribution démographique et sociale.

Au fil des générations, les descendants de ces migrants se sentent de plus en plus pleinement français, tout en gardant parfois un lien affectif avec un village d’Italie ou d’Espagne. Certains retournent de temps à autre au pays d’origine pour des vacances, des fêtes familiales ou des cérémonies religieuses. D’autres suivent ce qui se passe politiquement dans ces États, surtout lors des grandes crises du XXe siècle. Cette double appartenance, vécue comme une richesse, préfigure les identités multiples qu’on retrouve plus tard chez d’autres groupes immigrés étudiés dans le chapitre sur les crises migratoires récentes.

🎭 Empreintes culturelles et contribution à l’identité française

L’héritage le plus visible de cette immigration concerne la culture au sens large, des pratiques culinaires aux fêtes populaires. Dans de nombreuses régions, des spécialités associées à l’Italie ou à l’Espagne s’installent durablement dans les habitudes alimentaires françaises, bien au-delà des seuls quartiers d’immigration. On pense aux pâtes, aux plats à base de tomates ou d’huile d’olive, mais aussi à certaines charcuteries ou modes de cuisson. Ce qui était au départ une cuisine de migrants pauvres devient progressivement une part intégrée de la gastronomie locale.

La musique, les danses et certaines formes de sociabilité sont également marquées par ces influences. Dans les bals populaires, on entend des airs venus du Piémont ou de Catalogne, tandis que des fanfares ou des chorales mêlent des répertoires différents. Les fêtes de village ou de quartier adoptent parfois des éléments de tradition italienne ou espagnole, comme des processions particulières ou des célébrations calendaires. Cette circulation des pratiques culturelles participe à la construction d’une identité française plus ouverte, nourrie par des apports multiples, même si cela ne se fait pas sans résistances ni conflits.

Dans la littérature, la chanson ou le cinéma, la figure de l’immigré italien ou espagnol apparaît peu à peu comme un personnage familier. Il incarne tour à tour le maçon courageux, le mineur épuisé, le petit restaurateur ou le voisin attachant. Ces représentations reflètent à la fois des stéréotypes et une certaine forme de reconnaissance. Elles permettent aussi de rappeler que l’immigration italienne et espagnole en France au XIXe siècle ne se réduit pas à des statistiques, mais renvoie à des trajectoires individuelles et familiales complexes, faites d’efforts, de sacrifices et de réussites.

🧬 Mémoire familiale, clichés et relectures historiques

La mémoire de ces migrations se transmet d’abord dans les familles, par des récits évoquant le village quitté, le voyage éprouvant ou les premiers hivers passés dans une cité minière. Les grands-parents racontent les humiliations, les surnoms moqueurs, mais aussi les solidarités entre voisins et les gestes de soutien de certains Français. Ces histoires de vie s’inscrivent dans un cadre plus large étudié aujourd’hui par les historiens, qui croisent archives, témoignages et enquêtes orales pour reconstituer les parcours. Elles aident à comprendre pourquoi cette immigration occupe une place à part dans l’imaginaire français.

Cependant, ces souvenirs se heurtent parfois à des clichés persistants. On a longtemps présenté les Italiens uniquement comme des maçons bruyants ou des travailleurs pauvres, et les Espagnols comme des journaliers résignés. Ces images simplistes effacent la diversité des expériences, les différences entre régions, professions ou engagements politiques. Elles occultent aussi les trajectoires de réussite, qu’il s’agisse de petits entrepreneurs, d’élus locaux ou d’intellectuels issus de ces milieux. Aujourd’hui, les travaux historiques permettent de nuancer ces visions, en montrant la complexité des situations et la variété des parcours.

Enfin, cette relecture historique est essentielle pour comprendre les débats contemporains sur l’immigration. En rappelant que les Italiens et les Espagnols ont, eux aussi, été stigmatisés avant d’être largement acceptés comme « bien intégrés », on met en perspective certains discours actuels. Cela permet de mieux analyser les réactions face à d’autres vagues migratoires étudiées dans le chapitre sur l’immigration maghrébine ou dans celui sur les représentations sociales de l’immigration. Dans la partie suivante, nous résumerons les principaux points à retenir pour réviser efficacement ce thème et le relier aux autres chapitres du programme.

🧠 À retenir sur l’immigration italienne et espagnole en France au XIXe siècle

  • Au XIXe siècle, l’immigration italienne et espagnole en France répond à une double logique : pauvreté rurale en Italie et en Espagne, Révolution industrielle en France qui a besoin de main-d’œuvre.
  • Les migrants arrivent surtout par les Alpes, les Pyrénées et les grands ports, s’installent dans les régions industrielles et agricoles en plein essor, et occupent les emplois les plus pénibles et les moins bien payés.
  • La vie quotidienne est marquée par des logements insalubres, la précarité et parfois le rejet, mais aussi par la création de quartiers italiens ou espagnols, de réseaux de solidarité, d’associations et d’engagements syndicaux et politiques.
  • Sur le long terme, cette immigration transforme durablement la démographie, la culture et la mémoire de la France : mariages mixtes, apports culinaires et musicaux, figures militantes et relectures historiques éclairent les débats contemporains sur l’immigration.

❓ FAQ : Questions fréquentes sur l’immigration italienne et espagnole au XIXe siècle

🧩 Pourquoi tant d’Italiens et d’Espagnols quittent-ils leur pays au XIXe siècle ?

Les départs massifs s’expliquent surtout par la pauvreté rurale, les crises agricoles, l’endettement des paysans et l’instabilité politique en Italie comme en Espagne, ce qui pousse de nombreuses familles à chercher en France un travail plus régulier et un avenir plus sûr pour leurs enfants.

🧩 Où s’installent principalement les Italiens et les Espagnols en France ?

Les Italiens se concentrent surtout dans le sud-est de la France, autour de Marseille, de la vallée du Rhône et dans certains bassins miniers du Nord et de la Lorraine, tandis que les Espagnols s’implantent davantage dans le sud-ouest, les régions frontalières et les zones viticoles qui ont besoin de main-d’œuvre saisonnière.

🧩 Quels types de métiers exercent ces migrants en France ?

Les travailleurs venus d’Italie et d’Espagne occupent en grande majorité les emplois les plus pénibles et les moins bien payés, dans les mines, les hauts-fourneaux, les chantiers de chemins de fer, les travaux de terrassement ou les tâches agricoles saisonnières comme les moissons et les vendanges.

🧩 Comment se fait l’intégration des enfants d’immigrés italiens et espagnols ?

L’intégration passe largement par l’école primaire obligatoire, gratuite et laïque qui permet aux enfants d’apprendre le français, d’obtenir des diplômes et, progressivement, d’accéder à des métiers plus qualifiés que ceux de leurs parents, même si des moqueries, des préjugés et des discriminations subsistent dans certaines classes ou certains quartiers.

🧩 En quoi cette immigration italienne et espagnole aide-t-elle à comprendre les débats actuels sur l’immigration ?

Le fait que les Italiens et les Espagnols aient d’abord été perçus comme des concurrents et parfois violemment rejetés avant d’être vus comme bien intégrés montre que les peurs liées à l’immigration ne sont pas nouvelles, et cette expérience historique permet de mieux mettre en perspective les représentations et les polémiques étudiées aujourd’hui dans les chapitres sur les représentations sociales de l’immigration et sur les crises migratoires récentes.

🧩 Quiz – Immigration italienne et espagnole en France au XIXe siècle

1. Quelle est la principale caractéristique de l’immigration italienne et espagnole en France au XIXe siècle ?



2. Quel contexte européen favorise la montée des migrations au XIXe siècle ?



3. Quel progrès technique facilite les départs vers la France pour les migrants italiens et espagnols ?



4. En Italie, quel facteur politique aggrave les difficultés des paysans après 1861 ?



5. En Espagne, quelle réalité sociale pousse fortement à l’exil au XIXe siècle ?



6. Quelle maladie de la vigne contribue à fragiliser certaines régions espagnoles et françaises à la fin du XIXe siècle ?



7. Comment qualifier la logique des départs dans de nombreuses familles italiennes et espagnoles ?



8. Quels sont deux grands espaces naturels franchis par les migrants pour rejoindre la France ?



9. Dans quels secteurs les Italiens et les Espagnols sont-ils surtout employés en France au XIXe siècle ?



10. Que désigne l’expression « petite Italie » dans certaines villes françaises ?



11. Quelle est une caractéristique fréquente des logements des migrants italiens et espagnols au XIXe siècle ?



12. Quel rôle jouent les cafés et commerces tenus par des Italiens ou des Espagnols ?



13. À partir de quelles lois l’école devient-elle un lieu central d’intégration pour les enfants de migrants ?



14. Pourquoi certains patrons préfèrent-ils parfois embaucher des travailleurs étrangers ?



15. Quelle forme d’engagement politique attire certains migrants italiens à la fin du XIXe siècle ?



16. Pourquoi les autorités françaises surveillent-elles de près certains milieux immigrés ?



17. Comment les migrants réagissent-ils face aux violences ou aux rejets dont ils sont victimes ?



18. Quel est l’un des héritages majeurs de l’immigration italienne et espagnole sur la société française ?



19. Comment la cuisine participe-t-elle à l’intégration culturelle de ces migrations ?



20. En quoi l’étude de l’immigration italienne et espagnole en France au XIXe siècle aide-t-elle à comprendre les débats actuels ?



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