🎯 Pourquoi la révolte de la Commune de Paris est-elle unique en histoire ?
La révolte de la Commune de Paris représente, au printemps 1871, une expérience politique et sociale sans précédent qui continue de fasciner les historiens et les militants du monde entier. Dans une France humiliée par la défaite contre la Prusse et épuisée par un siège terrible, le peuple parisien refuse de se soumettre au gouvernement conservateur réfugié à Versailles et tente d’inventer une « République sociale » radicalement démocratique. Plus qu’une simple émeute, c’est une véritable tentative de gouverner autrement, par et pour le peuple, qui s’achève tragiquement dans le sang lors de la Semaine sanglante. Pour comprendre cette insurrection, il faut plonger dans les tensions accumulées tout au long du XIXe siècle, de la faim qui tenaille les ventres aux rêves d’égalité qui enflamment les esprits.
🗂️ Dans cet article, tu vas découvrir :
- 🧭 Un contexte explosif : guerre, siège et trahison
- ⚙️ Le 18 mars 1871 : l’étincelle de l’insurrection
- 📜 L’œuvre de la Commune : une utopie en action
- 🎨 Les femmes au cœur de la révolution
- 🌍 Paris contre Versailles : la guerre civile
- 🤝 La Semaine sanglante et la mémoire de l’événement
- 🧠 À retenir
- ❓ FAQ
- 🧩 Quiz
👉 Poursuivons avec le premier chapitre pour bien comprendre le contexte de ce thème.
🧭 Un contexte explosif : guerre, siège et trahison ressentie
📌 La chute du Second Empire et la guerre franco-prussienne
Pour saisir les racines profondes de la révolte de la Commune de Paris, il est indispensable de remonter à l’été 1870, moment où l’Empereur Napoléon III lance la France dans une guerre mal préparée contre la Prusse. Cette aventure militaire tourne rapidement au désastre, culminant avec la défaite de Sedan le 2 septembre 1870, où l’Empereur est fait prisonnier, provoquant l’effondrement immédiat du régime impérial. À Paris, la foule envahit le Corps législatif et la République est proclamée le 4 septembre 1870 à l’Hôtel de Ville, dans une ambiance de ferveur patriotique qui rappelle les grandes heures de la Révolution française. Cependant, le nouveau « Gouvernement de la Défense nationale », composé de républicains modérés et de conservateurs, se trouve coincé entre la nécessité de continuer la guerre et la peur d’une insurrection populaire incontrôlable.
Les armées allemandes déferlent sur le nord de la France et mettent le siège devant Paris dès le 19 septembre 1870, coupant la capitale du reste du monde et plongeant ses deux millions d’habitants dans un isolement total. Ce siège va durer plus de quatre mois, transformant radicalement la psychologie des Parisiens qui se sentent à la fois héroïques et abandonnés par la province. Tandis que Gambetta quitte la ville en ballon pour tenter de lever des armées de secours, à l’intérieur des murs, la tension monte entre les habitants armés au sein de la Garde nationale et un gouvernement jugé trop timoré. C’est dans ce creuset de souffrances partagées et de patriotisme exacerbé que se forge l’esprit communard.
📌 Les souffrances du Siège de Paris : le terreau de la colère
L’hiver 1870-1871 est particulièrement rigoureux, et les conditions de vie des Parisiens se détériorent de manière dramatique, créant un sentiment d’injustice sociale flagrant entre les quartiers bourgeois et les quartiers populaires. Le rationnement est mis en place, mais il est mal géré, et très vite, la faim s’installe, poussant la population à consommer des aliments impensables comme du cheval, puis du chat, du chien et même les rats qui sont vendus sur les marchés. Les riches peuvent encore s’offrir les animaux du Jardin des Plantes (antilopes, éléphants), tandis que les pauvres de Belleville ou de Montmartre meurent de froid et de faim, ou sont ravagés par la variole et la fièvre typhoïde. Cette expérience commune de la misère soude les classes populaires et renforce leur défiance envers les élites qui semblent moins souffrir des privations.
Parallèlement à la famine, l’ennui et l’angoisse des bombardements prussiens qui commencent en janvier 1871 exacerbent les passions politiques dans les clubs rouges et les cabarets où l’on discute de la « Guerre à outrance ». La Garde nationale, milice citoyenne ouverte à tous les hommes valides, devient l’institution centrale de la vie parisienne, offrant une solde de 30 sous (la « trente sous ») qui est souvent l’unique revenu des familles ouvrières. En s’armant, le peuple de Paris prend conscience de sa force militaire et politique, une situation qui effraie considérablement le gouvernement provisoire. L’idée de la « Commune », référence mythique à la Commune insurrectionnelle de 1792, commence à circuler comme la solution miracle pour sauver la patrie et instaurer la justice sociale.
📌 L’humiliation de l’armistice et l’Assemblée de « ruraux »
Le point de rupture psychologique intervient fin janvier 1871, lorsque le gouvernement signe l’armistice avec Bismarck, acte perçu par les Parisiens comme une trahison impardonnable de leurs efforts et de leurs sacrifices. Les conditions de paix sont draconiennes : perte de l’Alsace-Moselle, indemnité de guerre colossale de 5 milliards de francs, et surtout, l’entrée symbolique des troupes allemandes sur les Champs-Élysées. Pour le peuple de Paris qui a tenu bon pendant quatre mois, c’est une humiliation insupportable qui prouve que le gouvernement a préféré la capitulation à la révolution sociale. Les élections législatives organisées à la hâte en février 1871 confirment le fossé béant entre Paris et la province.
Alors que Paris vote massivement pour des républicains radicaux et des socialistes (comme Louis Blanc, Victor Hugo ou Gambetta), la province, désireuse de paix, envoie à l’Assemblée nationale une majorité écrasante de monarchistes (légitimistes et orléanistes). Cette assemblée, surnommée l’assemblée des « ruraux », s’installe d’abord à Bordeaux puis décide, par méfiance envers le peuple parisien, de siéger à Versailles, la ville des rois, plutôt qu’à Paris. Adolphe Thiers, nommé chef du pouvoir exécutif, incarne cette bourgeoisie conservatrice prête à tout pour rétablir l’ordre et désarmer la capitale. Les premières mesures de l’Assemblée (fin du moratoire sur les loyers et les effets de commerce, suppression de la solde des gardes nationaux) sont vécues comme des provocations directes par les petits commerçants et les ouvriers parisiens.
Pour approfondir ce contexte, tu peux consulter l’article sur la Révolution de 1830, qui montre que Paris a une longue tradition de résistance face aux gouvernements conservateurs.
⚙️ Le 18 mars 1871 : l’étincelle de l’insurrection
📌 L’affaire des canons de Montmartre
La tension accumulée depuis des mois explose finalement le matin du 18 mars 1871, à cause d’une maladresse stratégique majeure d’Adolphe Thiers qui souhaite récupérer les canons de la Garde nationale. Ces 227 canons, financés par souscription populaire pendant le siège, sont entreposés sur les hauteurs de Montmartre et de Belleville, considérés par les Parisiens comme leur propriété et leur garantie contre une restauration monarchique. Thiers ordonne à la troupe de ligne de s’en emparer avant l’aube, pensant réussir un coup de main rapide pour désarmer les quartiers ouvriers. Cependant, l’opération est mal organisée : les attelages pour remorquer les pièces d’artillerie tardent à arriver, et les soldats se retrouvent bloqués sur place alors que le jour se lève et que le quartier s’éveille.
Les femmes de Montmartre, levées tôt pour chercher du lait ou du pain, sont les premières à donner l’alerte et à s’interposer physiquement entre les canons et les soldats, les invectivant et les appelant à ne pas tirer sur le peuple. La foule grossit rapidement, la Garde nationale bat le rappel, et bientôt, les soldats du 88e régiment de ligne, au lieu d’obéir à l’ordre de tirer donné par le général Lecomte, mettent la crosse en l’air et fraternisent avec les insurgés. C’est la bascule : l’armée régulière, issue du peuple, refuse de réprimer le peuple, marquant l’échec total de la manœuvre de Thiers. Le général Lecomte est arrêté, ainsi que le général Clément-Thomas (détesté pour son rôle dans la répression de 1848), et tous deux seront fusillés plus tard dans la journée rue des Rosiers, malgré l’intervention de certains élus locaux.
📌 La fuite à Versailles et le vide du pouvoir
Face à cette mutinerie généralisée qui s’étend rapidement à d’autres quartiers de l’est parisien, Adolphe Thiers, paniqué à l’idée d’être capturé, prend une décision radicale vers 15 heures. Il ordonne l’évacuation totale du gouvernement, de l’administration et des troupes fidèles vers Versailles, laissant Paris livré à lui-même, répétant ainsi une stratégie qu’il avait théorisée : laisser l’émeute se développer pour mieux l’écraser ensuite avec une armée regroupée et fidèle. Cette fuite précipitée crée un vide institutionnel stupéfiant : les ministères sont déserts, les préfectures abandonnées, et la ville se retrouve sans commandement officiel.
C’est le Comité central de la Garde nationale, une structure fédérative créée quelques semaines plus tôt pour coordonner les bataillons, qui se retrouve, presque malgré lui, maître de la capitale au soir du 18 mars. Ces hommes, souvent des inconnus, des petits bourgeois ou des ouvriers, s’installent à l’Hôtel de Ville non pas pour prendre le pouvoir dictatorial, mais pour organiser au plus vite des élections municipales légitimes. Dans une proclamation célèbre, ils déclarent : « Les prolétaires de la capitale, au milieu des défaillances et des trahisons des classes gouvernantes, ont compris que l’heure était arrivée pour eux de sauver la situation en prenant en main la direction des affaires publiques ». La révolte de la Commune de Paris vient officiellement de commencer.
📌 La proclamation de la Commune : une fête populaire
Entre le 19 et le 26 mars, un bras de fer politique s’engage entre le Comité central et les maires d’arrondissements restés légalistes, tandis que Versailles prépare déjà la contre-attaque. Finalement, des élections sont organisées le 26 mars 1871 dans une atmosphère de liberté absolue, bien que marquée par une forte abstention dans les quartiers bourgeois de l’ouest (les habitants ayant fui ou boycottant le scrutin). Les résultats donnent une large majorité aux révolutionnaires, aux jacobins, aux blanquistes et aux socialistes membres de l’Internationale. C’est un mélange hétéroclite de courants politiques unis par le rejet de Versailles et la volonté de république sociale.
Le 28 mars 1871, sur la place de l’Hôtel de Ville noire de monde, la Commune de Paris est solennellement proclamée sous les drapeaux rouges et les chants de La Marseillaise (qui était alors un chant subversif) et du Chant du Départ. C’est un moment de liesse collective, décrit par les témoins comme une véritable fête révolutionnaire, où l’espoir d’un monde nouveau semble à portée de main. Les canons tonnent en salve d’honneur, les bonnets phrygiens sont partout, et les élus, ceints de leur écharpe rouge, s’installent pour gouverner. Pour la première fois de l’histoire, un gouvernement majoritairement composé d’ouvriers et d’artisans va tenter de diriger une capitale mondiale.
📜 L’œuvre de la Commune : une utopie en action
📌 Un laboratoire de la démocratie directe
L’une des caractéristiques les plus marquantes de la révolte de la Commune de Paris est sa volonté d’instaurer une forme de démocratie directe, bien loin du parlementarisme classique. Les élus de la Commune se considèrent comme des mandataires du peuple, révocables à tout moment s’ils ne respectent pas leurs engagements, et ils touchent un salaire équivalent à celui d’un ouvrier qualifié (6 000 francs par an maximum) pour éviter le carriérisme. L’objectif est de briser la distinction entre gouvernants et gouvernés, en favorisant l’intervention permanente des citoyens dans les affaires publiques à travers les clubs, les journaux et les assemblées de quartier.
La Commune publie quotidiennement ses décrets et ses débats (bien que parfois avec retard) au Journal Officiel, et la liberté de la presse est quasi totale au début, voyant fleurir des dizaines de titres virulents comme Le Cri du Peuple de Jules Vallès ou Le Père Duchêne. Cette effervescence démocratique se traduit aussi par l’adoption du drapeau rouge comme symbole de la « République universelle », marquant une rupture nette avec le drapeau tricolore jugé souillé par les massacres passés. La Commune accueille d’ailleurs des étrangers en leur accordant la citoyenneté, considérant que « le drapeau de la Commune est celui de la République universelle » : le hongrois Léo Frankel devient ainsi ministre du Travail (délégué à la commission du Travail et de l’Échange), et les polonais Dombrowski et Wroblewski deviennent généraux.
📌 Les mesures sociales : vers la République sociale
Malgré sa courte durée (72 jours) et l’urgence de la guerre, la Commune prend des mesures sociales audacieuses qui préfigurent les conquêtes du XXe siècle et répondent aux urgences de la misère parisienne. Dès les premiers jours, elle décrète la remise des loyers impayés depuis octobre 1870, une mesure de salut public pour les locataires menacés d’expulsion, et suspend la vente des objets déposés au Mont-de-Piété (gage), permettant aux ouvriers de récupérer leurs outils de travail et leurs vêtements. Elle interdit également les amendes et retenues sur salaires dans les ateliers et les administrations, une pratique patronale abusive très courante à l’époque.
Sur le plan du travail, sous l’impulsion de Frankel, la Commune interdit le travail de nuit des boulangers, mesure symbolique forte pour la santé des ouvriers, et réquisitionne les ateliers abandonnés par les patrons fuyards pour les remettre à des coopératives ouvrières autogérées. C’est l’ébauche d’une socialisation des moyens de production, bien que timide et pragmatique. Un décret impose aussi un cahier des charges pour les marchés publics de la ville, fixant un salaire minimum, ce qui constitue une grande première. L’idée est de prouver que l’émancipation des travailleurs par eux-mêmes est possible et efficace.
📌 Laïcité et éducation : l’héritage durable
L’œuvre la plus visionnaire de la Commune concerne sans doute la séparation de l’Église et de l’État et l’école, anticipant de plus de trente ans les lois de la IIIe République. Le décret du 2 avril 1871 sépare l’Église de l’État, supprime le budget des cultes et nationalise les biens de mainmorte (biens de l’Église), marquant une rupture radicale avec le concordat napoléonien. Cette politique est motivée par un anticléricalisme virulent, nourri par le soutien de l’Église catholique à l’Empire et aux conservateurs, et se traduit parfois par des perquisitions violentes dans les couvents et l’arrestation de prêtres, dont l’archevêque de Paris, Mgr Darboy, pris comme otage.
En matière d’éducation, la commission dirigée par Édouard Vaillant pose les bases d’une école laïque, gratuite et obligatoire pour les filles comme pour les garçons. On retire les crucifix des salles de classe, on fait appel à des instituteurs laïcs et on promeut un « enseignement intégral » qui mêle culture intellectuelle et apprentissage d’un métier manuel, refusant la division entre ceux qui pensent et ceux qui exécutent. Des crèches sont créées, et des réflexions pédagogiques novatrices sont lancées pour former des citoyens libres et critiques. C’est une révolution culturelle majeure qui cherche à arracher l’éducation des mains du clergé pour en faire un outil d’émancipation sociale.
Tu peux voir le lien avec d’autres mouvements populaires en consultant l’article sur les jacqueries au Moyen Âge, pour comprendre comment la revendication de justice sociale traverse les siècles.
🎨 Les femmes au cœur de la révolution
📌 L’Union des femmes : organisation et revendications
Les femmes jouent un rôle absolument central dans la révolte de la Commune de Paris, dépassant largement le statut de simples cantinières ou infirmières pour devenir des actrices politiques de premier plan. Sous l’impulsion de la militante russe Elisabeth Dmitrieff, envoyée par Karl Marx, et de l’ouvrière relieuse Nathalie Lemel, est créée l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. Ce n’est pas une simple association caritative, mais une organisation structurée, centralisée, qui revendique le droit au travail et l’égalité salariale, affirmant que « toute inégalité et tout antagonisme entre les sexes constituent une des bases du pouvoir des classes gouvernantes ».
L’Union des femmes organise des réunions publiques dans les mairies, signe des pétitions et participe activement à la gestion des ateliers coopératifs. Elles réclament le droit de porter les armes pour défendre la Révolution, considérant que la citoyenneté implique le devoir de défense. Bien que le droit de vote ne leur soit pas officiellement accordé (la question n’est même pas prioritaire pour les hommes de la Commune, souvent misogynes à la manière de Proudhon), elles exercent une citoyenneté de fait par leur présence constante dans l’espace public et politique. Elles obtiennent des avancées concrètes, comme la reconnaissance de l’union libre et le versement de pensions aux veuves et aux orphelins des gardes nationaux tués au combat, qu’ils soient mariés légitimement ou non.
📌 Louise Michel et les combattantes
La figure la plus emblématique de cet engagement féminin est sans conteste l’institutrice Louise Michel, la « Vierge rouge », qui incarne l’âme indomptable de l’insurrection. Présente sur tous les fronts, elle préside le Comité de vigilance de Montmartre, anime des clubs, écrit des poèmes enflammés et n’hésite pas à revêtir l’uniforme de fédéré pour faire le coup de feu contre les Versaillais. Elle refuse toute clémence lors de son procès, demandant la mort si on ne la laisse pas libre de continuer son combat. Elle deviendra par la suite une icône internationale de l’anarchisme.
Mais Louise Michel ne doit pas faire oublier les milliers d’autres femmes anonymes qui ont monté la garde sur les barricades, soigné les blessés sous la mitraille ou ravitaillé les combattants. Lors de la Semaine sanglante, elles se battent avec une énergie désespérée, ce qui donnera naissance à la légende noire des « pétroleuses », mythe inventé par la propagande versaillaise pour les déshumaniser. On les accuse à tort d’incendier systématiquement les maisons bourgeoises avec du pétrole, une calomnie qui servira à justifier les exécutions sommaires de nombreuses femmes, même celles qui ne portaient pas d’armes. Leur courage face aux pelotons d’exécution a marqué les observateurs de l’époque.
🌍 Paris contre Versailles : la guerre civile
📌 Les forces en présence : Fédérés contre Versaillais
Dès le 2 avril 1871, la guerre civile commence véritablement avec les premiers affrontements à Courbevoie. Le rapport de force est initialement incertain mais va rapidement basculer en faveur de Versailles. Du côté de la Commune, on dispose théoriquement d’une force considérable : près de 200 000 hommes inscrits dans la Garde nationale (les « Fédérés »). Cependant, ce sont des civils en armes, mal encadrés, souvent indisciplinés, qui rechignent à quitter leur quartier pour aller se battre ailleurs. Le commandement militaire de la Commune est instable, changeant souvent de délégué à la Guerre (Cluseret, Rossel, Delescluze), et la méfiance politique envers les officiers paralyse l’action stratégique.
En face, l’armée de Versailles, dirigée par Thiers et commandée par le maréchal de Mac Mahon, se reconstitue rapidement. Thiers négocie avec Bismarck la libération anticipée de 60 000 prisonniers de guerre français pour écraser l’insurrection parisienne. Ces soldats, souvent d’origine rurale, sont soumis à une intense propagande qui leur dépeint les Communards comme des bandits, des partagers et des étrangers à la solde du crime. En mai, les Versaillais alignent 130 000 hommes disciplinés, bien équipés et soutenus par une artillerie lourde puissante qui pilonne les remparts de Paris sans relâche, traitant la capitale comme une ville ennemie.
📌 Les échecs militaires et la radicalisation
La Commune commet l’erreur stratégique de ne pas attaquer Versailles dès les premiers jours, alors que le gouvernement était désorganisé. La sortie tentée le 3 avril vers Versailles se solde par un échec cuisant et la mort de figures charismatiques comme Gustave Flourens et Duval, exécutés sommairement après leur capture. Dès lors, la Commune adopte une posture défensive, s’enfermant derrière les fortifications de la ville et les forts du sud (Issy, Vanves), qui tombent les uns après les autres sous les obus versaillais au début du mois de mai.
Face à la violence de la répression versaillaise (exécutions de prisonniers), la Commune se radicalise. Elle adopte le décret des otages le 5 avril, menaçant d’exécuter trois otages pour chaque fédéré fusillé, une mesure qui sera peu appliquée jusqu’à la semaine finale mais qui ternira son image. Le climat devient lourd, la suspicion d’espionnage règne, et le Comité de Salut public créé le 1er mai divise les élus de la Commune entre une majorité autoritaire (jacobins, blanquistes) et une minorité démocrate-socialiste qui refuse la dérive dictatoriale. Pendant ce temps, les Versaillais se rapprochent inexorablement, profitant de la désorganisation de la défense parisienne.
🤝 La Semaine sanglante et la mémoire de l’événement
📌 L’effondrement et les barricades (21-28 mai 1871)
Le 21 mai 1871, grâce à la trahison d’un piqueur des Ponts et Chaussées nommé Ducatel ou simplement par négligence des gardes, les troupes versaillaises pénètrent dans Paris par la porte de Saint-Cloud, au point du Jour. C’est le début de la Semaine sanglante. La défense organisée s’effondre, et la guerre se transforme en une multitude de combats de quartier. L’appel de Delescluze, « Place au peuple, aux combattants aux bras nus ! », sonne le glas de la stratégie militaire pour un retour à la guerre des barricades, romantique mais inefficace face à une armée moderne qui contourne les obstacles.
Paris brûle. Les Communards, reculant pied à pied, incendient les bâtiments symboles du pouvoir monarchique et impérial (les Tuileries, la Cour des Comptes, l’Hôtel de Ville, le Palais de Justice) pour retarder l’avancée ennemie ou par désespoir destructeur. Les Versaillais progressent méthodiquement d’ouest en est, massacrant systématiquement les défenseurs des barricades. C’est une boucherie : on fusille dans les parcs, dans les casernes, au coin des rues. Les otages, dont l’archevêque de Paris, sont exécutés par les Communards en représailles dans une ultime convulsion de violence. Les derniers combats ont lieu dans les quartiers populaires de l’est, à Belleville et Ménilmontant.
📌 Le Mur des Fédérés et la répression féroce
L’épisode final se joue au cimetière du Père-Lachaise le 27 mai, où l’on se bat au corps-à-corps entre les tombes sous une pluie battante. Le lendemain, le 28 mai 1871, 147 fédérés survivants sont fusillés contre le mur d’enceinte du cimetière, devenu depuis le « Mur des Fédérés », lieu de pèlerinage du mouvement ouvrier. La dernière barricade tombe rue Ramponneau. Le bilan humain est effroyable et fait encore débat, mais les historiens (comme Jacques Rougerie) estiment qu’entre 10 000 et 20 000 Parisiens ont été tués, la grande majorité lors d’exécutions sommaires après les combats. C’est la répression la plus sanglante de l’histoire de Paris, dépassant la Terreur de 1793.
La vengeance légale qui suit est implacable. Les conseils de guerre prononcent des milliers de condamnations : près de 4 000 déportations vers la Nouvelle-Calédonie (dont Louise Michel et Henri Rochefort), des travaux forcés, et de la prison. Paris vit sous loi martiale pendant cinq ans. Le mouvement ouvrier socialiste français est décapité pour une décennie. Il faudra attendre 1880 pour qu’une loi d’amnistie totale soit votée, permettant le retour des exilés et des déportés. Pour l’État républicain naissant, il s’agissait d’écraser la menace révolutionnaire pour rassurer la province et asseoir une République modérée et conservatrice.
📌 Une mémoire vive et internationale
Malgré l’écrasement, la révolte de la Commune de Paris ne meurt pas. Elle devient immédiatement un mythe fondateur pour le mouvement ouvrier international. Karl Marx, dans La Guerre civile en France, l’analyse à chaud comme la première dictature du prolétariat de l’histoire, le modèle de la société communiste future. Lénine dansera dans la neige au Kremlin le jour où la Révolution bolchévique dépassera la durée de vie de la Commune (72 jours). Le chant L’Internationale, écrit par le communard Eugène Pottier en juin 1871 alors qu’il se cachait dans Paris, deviendra l’hymne des travailleurs du monde entier.
Aujourd’hui encore, la mémoire de la Commune reste un enjeu politique. Longtemps occultée ou présentée comme une explosion de barbarie dans les manuels scolaires officiels, elle est réhabilitée comme une expérience démocratique originale. Les Gilets jaunes ou les mouvements d’occupation des places s’y réfèrent souvent. Elle symbolise l’espoir tenace d’une société plus juste et la capacité du peuple à s’autogouverner, même brièvement, face à l’adversité.
Pour faire un lien avec des mouvements plus récents, tu peux consulter l’article sur les Gilets jaunes et les comparaisons historiques.
🧠 À retenir sur la révolte de la Commune de Paris
- La Commune naît le 18 mars 1871 suite à la défaite contre la Prusse et au siège de Paris, dans un contexte de méfiance envers le gouvernement de Thiers installé à Versailles.
- C’est une expérience unique de démocratie directe et sociale qui dure 72 jours (séparation Église/État, école laïque, droits des ouvriers, place des femmes).
- La répression lors de la Semaine sanglante (21-28 mai 1871) est d’une violence inouïe : des milliers d’exécutions sommaires et de déportations mettent fin à l’insurrection.
- Elle reste une référence majeure pour le mouvement ouvrier international et les gauches, symbolisant l’espoir d’une « République sociale ».
❓ FAQ : Questions fréquentes sur la Commune de Paris
🧩 La Commune était-elle communiste ?
Pas au sens moderne (léniniste) du terme. C’était un mouvement hétéroclite mêlant des républicains jacobins, des socialistes proudhoniens (favorables aux coopératives), des blanquistes (révolutionnaires autoritaires) et quelques marxistes. Ils voulaient surtout une République démocratique et sociale, favorable aux travailleurs.
🧩 Pourquoi les Communards ont-ils incendié Paris ?
Les incendies ont eu lieu principalement durant la Semaine sanglante. Certains étaient stratégiques (pour bloquer la vue aux Versaillais), d’autres symboliques (détruire les lieux de pouvoir royal comme les Tuileries), et d’autres encore étaient des actes de désespoir face à la défaite imminente. La propagande a beaucoup exagéré leur ampleur.
🧩 Quel a été le rôle de Bismarck ?
Officiellement neutre, Bismarck a en réalité aidé Versailles. Il a libéré des prisonniers français pour reconstituer l’armée de Thiers et a laissé les troupes versaillaises traverser les lignes prussiennes au nord de Paris pour prendre la Commune à revers, scellant ainsi son sort.
