🏛️ Panthéonisations et « grands hommes » : fonctionnement et enjeux

🎯 Pourquoi la panthéonisation est-elle le geste suprême de la République ?

L’acte de panthéonisation représente, dans la vie politique française, le sommet de la reconnaissance nationale et de la construction de notre mémoire collective. Depuis la Révolution française, le transfert des cendres d’une personnalité vers la nécropole du quartier latin n’est jamais un simple enterrement, mais un message politique fort envoyé aux vivants. Alors que nous étudions les Panthéonisations et « grands hommes », nous allons voir comment ce rituel a traversé les siècles, passant de la célébration des guerriers à celle des écrivains, des résistants et désormais des femmes illustres, redéfinissant sans cesse l’identité de la France.

🗂️ Dans cet article, tu vas découvrir :

👉 Poursuivons avec le premier chapitre pour bien comprendre comment la France a inventé ce culte des grands hommes.

📜 Aux origines : inventer les « saints laïques » de la Nation

📌 La naissance d’un temple civique sous la Révolution

Pour comprendre les Panthéonisations et « grands hommes », il faut remonter à la Révolution française, moment charnière où la légitimité politique bascule du droit divin vers la souveraineté nationale. En 1791, l’Assemblée constituante décide de transformer la nouvelle église Sainte-Geneviève, chef-d’œuvre de l’architecte Soufflot, en un temple destiné à recevoir les cendres des grands hommes de l’époque de la liberté française. Ce décret fondateur marque une rupture symbolique majeure : la France ne vénèrera plus uniquement des saints catholiques, mais des figures civiques exemplaires. C’est la naissance du culte des grands hommes, indispensable pour souder une nation naissante autour de valeurs communes.

L’inscription gravée au fronton, « Aux grands hommes la patrie reconnaissante », devient le mot d’ordre de cette nouvelle religion civile. Le premier à y entrer est Mirabeau, figure tonitruante de la Révolution, le 4 avril 1791, suivi quelques mois plus tard par Voltaire, dont le transfert des cendres constitue une fête populaire immense, véritable modèle des cérémonies à venir. Cependant, l’histoire est capricieuse : Mirabeau sera exclu du Panthéon dès 1794 lorsqu’on découvrira ses correspondances secrètes avec le roi, prouvant que la « grandeur » est une notion révisable selon le contexte politique. Cette instabilité originelle montre que le Panthéon est avant tout un baromètre de l’histoire politique, bien plus qu’un simple cimetière de gloire.

Tu dois retenir que le Panthéon a changé d’affectation plusieurs fois au cours du XIXe siècle, au gré des changements de régime. Il redevient une église sous la Restauration et le Second Empire, puis redevient un temple laïque sous la Monarchie de Juillet et définitivement en 1885, lors des funérailles grandioses de Victor Hugo. Cette date de 1885 est cruciale : elle ancre définitivement le monument dans le camp républicain. Pour en savoir plus sur l’histoire architecturale et symbolique du bâtiment lui-même, tu peux consulter notre article dédié au Panthéon comme temple des grands hommes.

📌 Qu’est-ce qu’un « Grand Homme » ?

La notion de « Grand Homme » est complexe et évolutive. Au XVIIIe siècle, elle se distingue de celle du « héros » guerrier ou du noble de naissance. Le grand homme est celui qui met son talent, son génie ou son courage au service de la collectivité et du progrès humain. Il ne s’agit plus d’être né dans la bonne famille, mais d’avoir œuvré pour le bien commun. C’est une vision méritocratique de la gloire qui s’installe. Les philosophes des Lumières, comme Rousseau (panthéonisé en 1794), incarnent parfaitement cet idéal : ils ont combattu l’obscurantisme par la plume et l’esprit.

Au fil du temps, cette définition va s’élargir et se transformer. Si les militaires ont eu la part belle sous l’Empire napoléonien (l’Empereur cherchant à légitimer son pouvoir par la gloire militaire), la IIIe République va privilégier les intellectuels, les scientifiques et les défenseurs des libertés. L’idée est de montrer que la grandeur de la France ne réside pas seulement dans ses conquêtes territoriales, mais dans son rayonnement culturel et moral. C’est pourquoi des figures comme Émile Zola ou Marcellin Berthelot y trouvent leur place. Le « Grand Homme » devient une incarnation des valeurs républicaines : liberté, égalité, fraternité, mais aussi laïcité et justice.

Il est important de noter que le terme « Grand Homme » a longtemps été pris au sens littéral, excluant de facto les femmes de cette reconnaissance nationale. Cette exclusion linguistique et symbolique a pesé lourdement sur la mémoire collective, rendant invisibles des actrices majeures de l’histoire de France. Nous verrons plus loin comment cette injustice tente d’être réparée aujourd’hui. Cette question de la visibilité rejoint les débats actuels que nous abordons dans l’article sur les polémiques contemporaines autour des statues.

⚖️ Le choix du Président : un pouvoir discrétionnaire

📌 Le « fait du prince » sous la Ve République

Sous la Ve République, la décision de panthéoniser relève de ce qu’on appelle le « fait du prince ». Contrairement à une loi votée par le Parlement, il n’existe pas de procédure écrite stricte ou de comité officiel permanent qui décide qui doit entrer au Panthéon. C’est une prérogative quasi exclusive du Président de la République. C’est lui qui, en dernier ressort, tranche et annonce le nom de l’élu. Cela fait de la panthéonisation un acte politique personnel, révélant les valeurs que le chef de l’État souhaite mettre en avant durant son mandat.

Le président s’appuie généralement sur des rapports, des pétitions citoyennes ou des comités d’historiens constitués pour l’occasion, mais il reste libre de suivre ou non leurs avis. Par exemple, c’est François Mitterrand qui a le plus utilisé ce pouvoir pour marquer l’histoire de gauche de la France, notamment en panthéonisant Jean Monnet (père de l’Europe) ou Pierre et Marie Curie. Jacques Chirac, lui, a fait entrer Alexandre Dumas pour célébrer le métissage et la langue française. François Hollande a choisi de mettre l’accent sur la Résistance (Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion, Jean Zay). Emmanuel Macron poursuit cette tradition en utilisant le Panthéon pour envoyer des messages sur la résilience et l’universalisme, avec Maurice Genevoix ou Missak Manouchian.

Cette personnalisation du choix expose parfois le président à des critiques. On l’accuse d’instrumentaliser l’histoire à des fins électorales ou de communication. Choisir une figure historique, c’est tenter de capter un peu de son aura. C’est aussi une manière de rassembler les Français autour d’une figure consensuelle dans des périodes de division. La panthéonisation est donc un outil de « politique symbolique » extrêmement puissant. Pour approfondir le rôle des institutions dans la mémoire, le site Vie Publique offre des ressources claires sur le fonctionnement de l’État.

📌 Le rôle crucial des familles

Même si le Président décide, il ne peut rien faire sans l’accord des descendants. C’est une règle non écrite mais absolue : on ne panthéonise pas contre l’avis de la famille. Le transfert au Panthéon implique l’exhumation du corps, ce qui est un acte intime et parfois traumatisant pour les proches. De plus, entrer au Panthéon signifie que le défunt n’appartient plus tout à fait à sa famille, mais à la Nation tout entière. Certains descendants refusent cette « nationalisation » de leur aïeul, préférant le laisser reposer dans le caveau familial, loin du tumulte touristique et politique.

L’exemple le plus célèbre de refus est celui de la famille d’Albert Camus. En 2009, le président Nicolas Sarkozy souhaitait transférer les cendres de l’écrivain au Panthéon pour marquer le cinquantenaire de sa mort. Cependant, le fils de Camus, Jean, s’y est opposé, estimant que son père, homme de la terre et de la simplicité, n’aurait pas aimé les grands honneurs officiels et la pompe républicaine. Le projet a donc été abandonné. Cela montre que la mémoire familiale prime sur la volonté politique, une limite importante à la toute-puissance présidentielle en matière de mémoire.

Parfois, un compromis est trouvé : le corps reste dans le cimetière familial, et on installe au Panthéon une plaque commémorative ou un cénotaphe (un tombeau vide). C’est le cas pour Aimé Césaire, dont la famille et les Martiniquais souhaitaient qu’il reste sur sa terre natale. Une plaque a donc été apposée en son honneur au Panthéon, permettant l’hommage national sans violer la volonté du défunt et de ses proches. Cette souplesse permet d’adapter le rituel aux sensibilités modernes.

⚔️ De l’Empire à la Résistance : l’évolution des héros

📌 Les gloires militaires et impériales

Si tu visites la crypte du Panthéon, tu seras surpris par le nombre d’inconnus, surtout dans les caveaux datant du Premier Empire. Napoléon Ier a utilisé le monument de manière intensive pour honorer ses généraux, amiraux et hauts dignitaires. Sur les quelque 80 personnes inhumées, une grande partie sont des militaires de l’époque napoléonienne (comme le maréchal Lannes). À cette époque, la grandeur se mesurait à la fidélité à l’Empereur et au courage sur le champ de bataille. C’était une vision très masculine, guerrière et étatique de la gloire.

Cette profusion de militaires contraste avec la vision républicaine ultérieure. Aujourd’hui, ces noms sont souvent oubliés du grand public, ce qui pose la question de la pérennité de la gloire. Être panthéonisé ne garantit pas l’immortalité dans les mémoires si l’œuvre ou l’action ne résonne plus avec les générations futures. Le Panthéon est aussi, paradoxalement, un lieu d’oubli pour ces dignitaires de l’Empire qui ne sont plus visités que par quelques historiens spécialisés.

Avec le temps, la République a cherché à s’éloigner de cette image militariste. Si les soldats ont toujours leur place dans la mémoire nationale, ils sont davantage célébrés collectivement sous l’Arc de Triomphe ou via les monuments locaux. Tu peux d’ailleurs faire le lien avec notre article sur l’Arc de Triomphe et la tombe du Soldat inconnu pour comprendre cette répartition des rôles mémoriels : au Panthéon les individualités civiles et politiques, à l’Arc de Triomphe l’hommage au sacrifice militaire anonyme ou collectif.

📌 Les écrivains et la voix de la Nation

La IIIe République (1870-1940) opère un virage majeur en introduisant massivement les écrivains au Panthéon. Victor Hugo (1885), Émile Zola (1908) et plus tard Alexandre Dumas (2002) ou Maurice Genevoix (2020) y occupent une place centrale. Pourquoi les écrivains ? Parce qu’en France, la littérature est perçue comme l’expression de l’âme nationale. Les écrivains panthéonisés ne le sont pas seulement pour la beauté de leur style, mais pour leurs engagements politiques et sociaux.

Victor Hugo incarne la République, l’opposition au Second Empire et la défense des misérables. Émile Zola y entre pour son rôle dans l’Affaire Dreyfus et son célèbre « J’accuse », défendant la vérité et la justice contre l’raison d’État. André Malraux, transféré en 1996, y est en tant qu’écrivain, aventurier et ministre de la Culture. Ces panthéonisations affirment que la plume est une arme au service des valeurs républicaines, tout aussi puissante que l’épée.

L’entrée de Maurice Genevoix en 2020, sous la présidence d’Emmanuel Macron, illustre bien cette double nature : il est l’écrivain de « Ceux de 14 », donnant une voix littéraire à l’expérience indicible des poilus. À travers lui, c’est toute la génération de la Grande Guerre qui entre au Panthéon, reliant ainsi la mémoire littéraire et la mémoire combattante.

📌 Les Résistants : les nouveaux martyrs

Après la Seconde Guerre mondiale, la figure du Résistant devient l’archétype du héros contemporain. Le transfert des cendres de Jean Moulin en 1964 est sans doute l’événement le plus marquant de l’histoire du monument au XXe siècle. Le discours d’André Malraux (« Entre ici, Jean Moulin… ») a sacralisé la Résistance comme le socle moral de la France moderne. Le Résistant est celui qui dit non à l’inacceptable, qui sacrifie sa vie pour la liberté.

Cette tendance s’est confirmée avec l’entrée de Pierre Brossolette, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Germaine Tillion et Jean Zay en 2015, puis de Missak Manouchian et son épouse Mélinée en 2024. Ces choix mettent en lumière la diversité de la Résistance : diversité politique (Jean Zay le radical, Brossolette le socialiste), diversité des origines (Manouchian l’Arménien, Joséphine Baker l’Américaine) et diversité des formes d’engagement (réseau, maquis, renseignement, propagande).

En panthéonisant ces figures, la République rappelle que sa légitimité repose sur le combat antifasciste et la défense des Droits de l’Homme. C’est aussi une manière de répondre aux montées des extrêmes en rappelant les leçons tragiques du passé. Ces cérémonies sont souvent accompagnées de vastes programmes pédagogiques dans les écoles, soulignant le lien fort entre mémoire et éducation, comme l’explique le site du Chemins de mémoire.

👩 La difficile féminisation du Panthéon

📌 Un retard historique considérable

Le constat est brutal : sur les quelque 80 personnalités inhumées au Panthéon, on compte moins de dix femmes. Pendant près de deux siècles, le temple des « Grands Hommes » a été exclusivement masculin, à l’exception de Sophie Berthelot, entrée en 1907 non pas pour ses propres mérites (pourtant réelle scientifique), mais en tant qu’épouse du chimiste Marcellin Berthelot, pour ne pas séparer le couple dans la mort. On l’a surnommée cruellement « l’inconnue du Panthéon ».

Ce déséquilibre reflète la place des femmes dans la société française et dans l’écriture de l’histoire. Longtemps cantonnées à la sphère privée, exclues du droit de vote jusqu’en 1944 et des grandes responsabilités politiques, elles étaient invisibilisées dans l’espace public. La « grandeur » était conjuguée au masculin. Il a fallu attendre 1995 pour que Marie Curie devienne la première femme à entrer au Panthéon « pour ses propres mérites » (bien que transférée avec son mari Pierre). Son double prix Nobel rendait son exclusion impossible à justifier plus longtemps.

La pression sociétale pour la féminisation s’est accentuée au XXIe siècle. Des collectifs féministes, comme « Osez le féminisme », ont régulièrement manifesté devant le monument pour réclamer plus de représentativité. L’argument est simple : la République ne peut pas se dire égalitaire si elle n’honore que la moitié de l’humanité. Cette revendication a poussé les présidents successifs à chercher activement des figures féminines à honorer.

📌 Simone Veil et Joséphine Baker : des icônes modernes

L’entrée de Simone Veil en 2018 a été un moment de communion nationale rare. Rescapée de la Shoah, magistrate, ministre ayant porté la loi sur l’IVG, première présidente du Parlement européen, elle incarnait à elle seule plusieurs combats majeurs du XXe siècle : la mémoire de la déportation, les droits des femmes et la construction européenne. Sa popularité immense a fait de sa panthéonisation une évidence pour le président Macron et pour les Français. Elle y repose avec son mari, Antoine Veil.

Plus récemment, en 2021, la panthéonisation de Joséphine Baker a marqué une nouvelle étape. Artiste de music-hall, résistante, militante antiraciste, elle est la première femme noire à entrer au Panthéon. Son entrée est hautement symbolique : elle représente une France ouverte, universelle, qui reconnaît que l’on peut être né américain, pauvre et devenir une incarnation de la République française par ses actes et son amour du pays. Fait notable : son corps n’a pas été déplacé (elle repose à Monaco). C’est un cénotaphe contenant des terres de ses lieux de vie (Saint-Louis, Paris, les Milandes, Monaco) qui a été installé, montrant que le symbole prime sur la présence physique.

Ces entrées récentes modifient le visage du Panthéon. Il devient moins un temple de la puissance étatique qu’un lieu de valeurs humanistes. La parité n’est pas encore atteinte, loin de là, mais la dynamique est lancée. On ne parle plus seulement de « Grands Hommes » mais de « Grandes Femmes », et l’expression officielle tend à évoluer vers « Illustres » pour être plus inclusive.

🎭 La cérémonie : une liturgie républicaine

📌 La mise en scène de la montée vers le temple

Une panthéonisation est un spectacle total, minutieusement orchestré. La cérémonie suit une dramaturgie précise, conçue pour émouvoir et impressionner. Le moment clé est la remontée de la rue Soufflot. Le ou les cercueils, recouverts du drapeau tricolore, sont portés par des Gardes républicains ou posés sur des véhicules militaires. Ils remontent lentement vers la colonnade du Panthéon, sous le regard de la foule et des caméras. C’est une procession laïque qui reprend les codes des processions religieuses : silence, musique solennelle, lenteur.

La musique joue un rôle fondamental. Souvent, on entend « La Marseillaise », le « Chant des Partisans » (pour les résistants), mais aussi des œuvres classiques (Beethoven, Chopin) ou des créations contemporaines. Lors de l’entrée de Joséphine Baker, sa célèbre chanson « J’ai deux amours » a résonné, apportant une touche de légèreté et d’émotion inédite. La nuit, des jeux de lumière et des projections sur la façade du monument (mapping vidéo) ajoutent une dimension moderne et visuelle, transformant la pierre froide en écran d’histoire.

La présence des corps constitués (gouvernement, parlementaires, corps diplomatique, anciens présidents) et de la famille au premier rang sacralise l’instant. Tout est fait pour montrer l’unité de la Nation autour de la figure honorée. C’est l’un des rares moments où les querelles partisanes sont censées se taire, comme lors des commémorations nationales du 11 novembre ou du 8 mai.

📌 Le discours présidentiel et l’installation

Le point d’orgue de la cérémonie est le discours du Président de la République. Prononcé souvent sur le parvis ou à l’intérieur de la nef, ce discours est un exercice rhétorique difficile. Il ne s’agit pas seulement de raconter la vie du défunt (biographie), mais de lui donner un sens politique actuel. Le Président doit expliquer pourquoi cette vie est un exemple pour nous, aujourd’hui. Il dialogue avec les morts pour parler aux vivants. C’est l’occasion de réaffirmer les valeurs de la République face aux défis contemporains (terrorisme, racisme, désunion).

Après le discours, le cercueil pénètre dans la nef immense et froide du Panthéon. C’est le passage symbolique de la lumière du jour (la vie, le temps présent) à la pénombre de la crypte (l’éternité, l’histoire). L’installation définitive dans le caveau a souvent lieu plus tard, dans l’intimité familiale, après que le monument a été fermé au public. Le public peut ensuite venir se recueillir et déposer des fleurs. Le caveau devient alors un lieu de pèlerinage républicain, géré par le Centre des monuments nationaux, qui assure la conservation et l’ouverture au public.

🗣️ Controverses et refus : quand la mémoire divise

📌 Faut-il « désacraliser » le Panthéon ?

Malgré la solennité, le Panthéon fait l’objet de critiques. Certains intellectuels ou citoyens estiment que ce culte des grands hommes est désuet, voire réactionnaire. L’idée de sélectionner des individus « supérieurs » pour les offrir en modèle heurte une certaine vision de l’égalité démocratique. L’histoire moderne, telle qu’elle est enseignée aujourd’hui, privilégie l’étude des mouvements sociaux, des mentalités et des structures économiques plutôt que l’histoire des « grands hommes » providentiels. Le Panthéon apparaît alors comme un vestige d’une conception de l’histoire du XIXe siècle.

De plus, le choix des personnalités suscite parfois des polémiques violentes. Lors de la discussion sur la panthéonisation possible de certains militaires coloniaux, des associations antiracistes se sont insurgées, rappelant les zones d’ombre de leur carrière. De même, la vie privée des grands hommes est passée au crible de nos exigences morales actuelles. Peut-on honorer un grand écrivain s’il a eu des comportements misogynes ou racistes ? La question de la séparation entre l’homme et l’œuvre se pose avec acuité au seuil du Panthéon.

📌 Les alternatives : Panthéoniser sans transférer ?

Face à la difficulté de déplacer des corps (refus des familles, attachement local, complexité logistique), la pratique des plaques commémoratives se développe. De nombreux noms sont inscrits sur les murs du Panthéon sans que les corps y soient (les « Justes de France », les écrivains morts pour la France pendant la guerre, etc.). Cette solution permet d’élargir la liste des hommages sans vider les cimetières de province. Elle transforme le Panthéon en un immense livre de pierre, une bibliothèque de noms plus qu’une nécropole.

Une autre critique concerne le manque de diversité sociale. Le Panthéon reste très élitiste : on y trouve des intellectuels, des politiques, des scientifiques, des officiers. Mais où sont les ouvriers, les paysans, les artisans qui ont aussi fait la France ? La tombe du Soldat Inconnu comble en partie ce vide pour les militaires, mais il n’existe pas d’équivalent civil au Panthéon. Cette question de la représentation du peuple dans sa diversité reste un défi pour les futures panthéonisations.

🧠 À retenir sur les panthéonisations

  • La panthéonisation est l’hommage suprême de la République, décidé par le Président de la République (« fait du prince »).
  • Le bâtiment est passé d’église (Sainte-Geneviève) à temple laïque à partir de la Révolution française (1791), se stabilisant en 1885 avec Victor Hugo.
  • Les profils ont évolué : militaires sous l’Empire, écrivains et savants sous la IIIe République, Résistants et figures humanistes sous la Ve République.
  • La féminisation est tardive et lente : Marie Curie (1995), Simone Veil (2018) et Joséphine Baker (2021) marquent des tournants.

❓ FAQ : Questions fréquentes sur le Panthéon

🧩 Qui est le premier à être entré au Panthéon ?

C’est Mirabeau, le 4 avril 1791. Cependant, il en a été exclu trois ans plus tard à cause de ses relations secrètes avec le roi Louis XVI. Voltaire, entré en juillet 1791, est le plus ancien occupant à y être resté en permanence.

🧩 Est-on obligé d’être français pour entrer au Panthéon ?

Légalement, aucun texte ne l’interdit formellement, mais l’usage veut que l’on honore des citoyens français. Cependant, Missak Manouchian, entré en 2024, était apatride au moment de sa mort (mort pour la France) et n’a reçu la citoyenneté à titre posthume que symboliquement. Joséphine Baker était américaine de naissance mais naturalisée française.

🧩 Peut-on être retiré du Panthéon ?

Oui, cela est arrivé sous la Révolution. Mirabeau et Marat ont été « dépanthéonisés » lorsque le vent politique a tourné. Depuis, cela ne s’est plus produit, la République préférant laisser dans l’ombre les figures controversées plutôt que de violer les sépultures.

🧩 Combien de personnes reposent au Panthéon ?

Il y a environ 81 personnes (le chiffre change avec les nouvelles entrées). La grande majorité sont des hommes, et beaucoup sont des dignitaires de l’Empire aujourd’hui peu connus du grand public.

🧩 Quiz – Panthéonisations et mémoire républicaine

1. Quelle inscription figure sur le fronton du Panthéon ?



2. Qui décide d’une panthéonisation sous la Ve République ?



3. En quelle année le Panthéon devient-il définitivement un temple républicain ?



4. Qui fut la première femme à entrer au Panthéon pour ses propres mérites ?



5. Quel écrivain célèbre y est entré en 2002 sous la présidence de Jacques Chirac ?



6. Quelle figure de la Résistance a été panthéonisée en 1964 avec un discours célèbre d’André Malraux ?



7. Quelle famille a refusé le transfert des cendres d’un écrivain au Panthéon en 2009 ?



8. Qui est l’architecte du Panthéon ?



9. Quelle artiste et résistante est entrée au Panthéon en 2021 ?



10. Qu’est-ce qu’un cénotaphe ?



11. Quel philosophe des Lumières a été panthéonisé en 1794 ?



12. Quel président a fait entrer Simone Veil au Panthéon ?



13. Quelle était la fonction religieuse initiale du bâtiment ?



14. Pourquoi Sophie Berthelot est-elle entrée au Panthéon en 1907 ?



15. Quel groupe de résistants est entré au Panthéon en 2024 ?



16. Quel écrivain célèbre pour son « J’accuse » repose au Panthéon ?



17. Quelle couleur domine dans la crypte du Panthéon ?



18. Où se situe le Panthéon à Paris ?



19. Qui fut le premier grand révolutionnaire exclu du Panthéon ?



20. Quel objet recouvre les cercueils lors de la cérémonie ?



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