đŻ Pourquoi le duo Conseil europĂ©en et Conseil de lâUE est-il le cĆur du rĂ©acteur ?
Si tu as dĂ©jĂ ouvert un manuel dâhistoire-gĂ©ographie ou suivi lâactualitĂ© politique, tu as forcĂ©ment entendu parler de « Bruxelles » et de ses dĂ©cisions parfois complexes. Pourtant, derriĂšre ce terme gĂ©nĂ©rique se cache une rĂ©alitĂ© institutionnelle prĂ©cise, souvent source de confusion pour les Ă©lĂšves comme pour les adultes. Le Conseil europĂ©en et le Conseil de lâUE constituent, avec la Commission et le Parlement, les piliers fondamentaux de la construction europĂ©enne, mais ils nâont ni les mĂȘmes membres, ni les mĂȘmes fonctions, ni la mĂȘme histoire. Comprendre qui siĂšge autour de la table â les chefs dâĂtat pour lâun, les ministres pour lâautre â est indispensable pour saisir comment se dĂ©cide lâavenir du continent, de la gestion de la monnaie unique Ă la rĂ©ponse aux crises internationales. Dans cet article, nous allons dĂ©cortiquer ensemble ces mĂ©canismes pour que tu puisses maĂźtriser parfaitement ce sujet clĂ© des programmes.
đïž Dans cet article, tu vas dĂ©couvrir :
- đ Conseil, Conseil et Conseil : comment ne plus se tromper ?
- đ Le Conseil europĂ©en : le sommet stratĂ©gique des chefs dâĂtat
- đŒ Le Conseil de lâUE : la voix des ministres et des Ătats
- âïž La mĂ©canique du pouvoir : majoritĂ© qualifiĂ©e et unanimitĂ©
- đ Le rĂŽle lĂ©gislatif : la codĂ©cision avec le Parlement
- đ Gestion des crises et Ă©volution historique
- đ§ Ă retenir
- â FAQ
- đ§© Quiz
đ Poursuivons avec le premier chapitre pour dissiper immĂ©diatement la confusion la plus frĂ©quente en histoire des institutions.
đ Conseil, Conseil et Conseil : comment ne plus se tromper ?
đ Trois institutions, trois noms proches, trois rĂ©alitĂ©s distinctes
Câest sans doute le piĂšge le plus classique lors des examens ou des concours : confondre les diffĂ©rentes institutions qui portent le nom de « Conseil ». Pour bien comprendre le Conseil europĂ©en et le Conseil de lâUE, il faut dâabord Ă©vacuer un intrus qui nâa rien Ă voir avec lâUnion europĂ©enne au sens strict : le Conseil de lâEurope. Ce dernier est une organisation internationale distincte, fondĂ©e en 1949, qui siĂšge Ă Strasbourg et rĂ©unit 46 pays (bien plus que les 27 de lâUE) pour dĂ©fendre les droits de lâhomme et la dĂ©mocratie. Câest lui qui abrite la cĂ©lĂšbre Cour europĂ©enne des droits de lâhomme (CEDH). Il ne produit pas de lois pour lâUE. Une fois cette distinction faite, nous pouvons nous concentrer sur nos deux acteurs principaux qui appartiennent, eux, au cadre institutionnel de lâUnion europĂ©enne : le Conseil europĂ©en et le Conseil de lâUnion europĂ©enne (aussi appelĂ© Conseil des ministres).
La confusion entre le Conseil europĂ©en et le Conseil de lâUE vient souvent du fait quâils reprĂ©sentent tous les deux les intĂ©rĂȘts des Ătats membres, par opposition Ă la Commission europĂ©enne qui reprĂ©sente lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral de lâUnion, ou au Parlement qui reprĂ©sente les citoyens. Cependant, leur niveau hiĂ©rarchique et leur fonction diffĂšrent radicalement. Pour le dire simplement : le Conseil europĂ©en donne lâimpulsion politique et fixe le cap Ă long terme (câest le « cerveau » stratĂ©gique), tandis que le Conseil de lâUE nĂ©gocie et vote les lois dans le dĂ©tail (câest le « lĂ©gislateur » aux cĂŽtĂ©s du Parlement). Cette sĂ©paration des tĂąches nâa pas toujours Ă©tĂ© aussi claire et sâest construite progressivement au fil des traitĂ©s, depuis le TraitĂ© de Rome de 1957 jusquâau TraitĂ© de Lisbonne de 2007.
Il est crucial de retenir que ces deux institutions incarnent la dimension intergouvernementale de lâEurope. Contrairement Ă la mĂ©thode communautaire oĂč les institutions supranationales priment, ici, ce sont les gouvernements nationaux (France, Allemagne, Italie, etc.) qui gardent la main. Câest dans ces enceintes que se jouent les rapports de force diplomatiques, les alliances entre capitales et les compromis historiques. Si tu veux approfondir le rĂŽle des autres acteurs pour bien situer les Conseils, je tâinvite Ă lire lâarticle sur la Commission europĂ©enne : rĂŽle, pouvoirs et Ă©volutions, qui constitue lâautre sommet du triangle institutionnel.
đ LâĂ©volution historique : dâune rĂ©union informelle Ă une institution officielle
Au dĂ©but de la construction europĂ©enne, dans les annĂ©es 1950, seul le Conseil des ministres (lâactuel Conseil de lâUE) existait formellement dans les traitĂ©s. Les chefs dâĂtat et de gouvernement ne se rĂ©unissaient pas de maniĂšre rĂ©guliĂšre dans le cadre communautaire. Câest le gĂ©nĂ©ral de Gaulle qui, le premier, a poussĂ© pour une coopĂ©ration plus politique entre les dirigeants suprĂȘmes, en dehors de la technocratie bruxelloise. Cependant, il faut attendre 1974 et lâinitiative du prĂ©sident français ValĂ©ry Giscard dâEstaing et du chancelier allemand Helmut Schmidt pour que naisse le « Conseil europĂ©en » sous sa forme moderne. Ă lâĂ©poque, câĂ©tait un « club » informel, une discussion au coin du feu pour dĂ©bloquer les grands dossiers.
Ce nâest quâavec lâActe unique europĂ©en en 1986, puis le TraitĂ© de Maastricht en 1992, que le Conseil europĂ©en obtient une reconnaissance juridique. Mais la vĂ©ritable consĂ©cration arrive avec le TraitĂ© de Lisbonne (entrĂ© en vigueur en 2009), qui lui donne le statut dâinstitution de lâUE Ă part entiĂšre et crĂ©e le poste de prĂ©sident permanent du Conseil europĂ©en. Avant cela, la prĂ©sidence changeait tous les six mois, ce qui nuisait Ă la continuitĂ© des grands chantiers stratĂ©giques. Aujourdâhui, lâhistoire des Conseils est celle dâune montĂ©e en puissance progressive des chefs dâĂtat face aux autres institutions.
đ Le Conseil europĂ©en : le sommet stratĂ©gique des chefs dâĂtat
đ Composition et fonctionnement des « Sommets »
Le Conseil europĂ©en rĂ©unit la « crĂšme de la crĂšme » du pouvoir politique en Europe. Autour de la table, on trouve les chefs dâĂtat ou de gouvernement des 27 Ătats membres de lâUE (le PrĂ©sident de la RĂ©publique pour la France, le Chancelier pour lâAllemagne, les Premiers ministres pour les autres pays). Ă leurs cĂŽtĂ©s siĂšgent deux autres personnages clĂ©s : le prĂ©sident du Conseil europĂ©en (Ă©lu pour 2 ans et demi, renouvelable une fois) et le prĂ©sident de la Commission europĂ©enne. Le Haut reprĂ©sentant pour les affaires Ă©trangĂšres participe aussi aux rĂ©unions. Câest ce quâon appelle communĂ©ment dans les mĂ©dias un « Sommet europĂ©en ».
Ces sommets ont lieu au moins quatre fois par an (deux fois par semestre), gĂ©nĂ©ralement Ă Bruxelles, dans le bĂątiment Europa, une structure moderne en forme de lanterne surnommĂ©e « lâĆuf ». Cependant, lâactualitĂ© impose souvent des rĂ©unions extraordinaires ou informelles. Par exemple, lors de la crise financiĂšre de 2008, de la crise des migrants en 2015, de la pandĂ©mie de Covid-19 en 2020 ou de la guerre en Ukraine depuis 2022, les chefs dâĂtat se sont rĂ©unis bien plus frĂ©quemment, parfois en urgence absolue. Câest lĂ que se dĂ©cide la « haute politique ». Le Conseil europĂ©en ne vote pas de lois (câest le rĂŽle du Conseil de lâUE et du Parlement), mais il dĂ©finit les orientations et les prioritĂ©s politiques gĂ©nĂ©rales. Ses dĂ©cisions sont publiĂ©es sous forme de « conclusions », qui servent de feuille de route Ă la Commission pour proposer de nouvelles lĂ©gislations.
Le rĂŽle du prĂ©sident du Conseil europĂ©en est ici fondamental. Ce poste, occupĂ© par des figures comme le Belge Herman Van Rompuy, le Polonais Donald Tusk ou le Belge Charles Michel, nâest pas un poste de commandement direct, mais de facilitation. Il nâa pas de pouvoir hiĂ©rarchique sur les chefs dâĂtat (on ne donne pas dâordre au prĂ©sident français ou au chancelier allemand !). Son rĂŽle est de prĂ©parer les sommets, de mener les nĂ©gociations de couloir, de trouver des compromis et de reprĂ©senter lâUE Ă lâextĂ©rieur sur les questions de politique Ă©trangĂšre et de sĂ©curitĂ© commune (PESC), aux cĂŽtĂ©s du Haut reprĂ©sentant. Pour mieux comprendre lâimpact de ces dĂ©cisions sur la scĂšne internationale, tu peux consulter le site Vie Publique, qui offre des fiches trĂšs claires sur ces mĂ©canismes.
đ Le pouvoir de lâimpulsion et du dĂ©blocage
Le Conseil europĂ©en est lâinstance de lâimpulsion. Câest lui qui dĂ©cide, par exemple, dâouvrir des nĂ©gociations dâadhĂ©sion avec un nouveau pays candidat (comme lâUkraine ou la Moldavie rĂ©cemment). Câest lui qui fixe les grands objectifs climatiques de lâUnion (comme la neutralitĂ© carbone en 2050). Câest aussi lui qui tranche sur le cadre financier pluriannuel, câest-Ă -dire le budget de lâUE pour sept ans, un sujet toujours extrĂȘmement sensible qui nĂ©cessite lâunanimitĂ©. Dans ces moments-lĂ , les sommets peuvent durer toute la nuit, donnant lieu Ă des « marathons » diplomatiques lĂ©gendaires oĂč chaque mot des conclusions est pesĂ© au trĂ©buchet.
Il joue aussi un rĂŽle dâarbitre suprĂȘme. Si un dossier est bloquĂ© au niveau des ministres (au Conseil de lâUE) parce quâil est trop sensible politiquement, il « remonte » Ă la table des chefs dâĂtat. Eux seuls ont la lĂ©gitimitĂ© dĂ©mocratique nationale suffisante pour faire des concessions importantes ou pour imposer une ligne directrice Ă leur administration. Cependant, cette mĂ©thode a un revers : elle a tendance Ă affaiblir la Commission europĂ©enne, qui perd un peu de son monopole de lâinitiative face Ă des Ătats de plus en plus directifs. Câest un dĂ©bat rĂ©current sur lâĂ©quilibre des pouvoirs au sein de lâUnion.
đŒ Le Conseil de lâUE : la voix des ministres et des Ătats
đ Une institution à « gĂ©omĂ©trie variable »
Passons maintenant Ă lâautre facette du pouvoir des Ătats : le Conseil de lâUnion europĂ©enne, souvent appelĂ© simplement « le Conseil » ou « Conseil des ministres ». Contrairement au Conseil europĂ©en qui rĂ©unit les chefs, ici, ce sont les ministres nationaux qui siĂšgent. Mais attention, il nây a pas un seul Conseil de lâUE fixe : câest une institution unique qui se rĂ©unit sous 10 formations diffĂ©rentes selon le sujet traitĂ©. Si lâordre du jour concerne lâagriculture, ce sont les 27 ministres de lâAgriculture qui se rĂ©unissent. Si lâon parle de budget, ce sont les ministres des Finances (formation ECOFIN). Si lâon parle de diplomatie, ce sont les ministres des Affaires Ă©trangĂšres.
Cette gĂ©omĂ©trie variable permet une expertise technique pointue. Les formations les plus frĂ©quentes et les plus puissantes sont le Conseil « Affaires Ă©trangĂšres », prĂ©sidĂ© de façon permanente par le Haut reprĂ©sentant de lâUnion pour les affaires Ă©trangĂšres et la politique de sĂ©curitĂ©, et le Conseil « Affaires gĂ©nĂ©rales », qui prĂ©pare les rĂ©unions du Conseil europĂ©en. Les autres formations (Environnement, Transports, Justice et Affaires intĂ©rieures, etc.) sont prĂ©sidĂ©es par le ministre du pays qui assure la prĂ©sidence tournante du Conseil. Cette prĂ©sidence change tous les six mois selon un ordre préétabli. Par exemple, la France a assurĂ© la prĂ©sidence au premier semestre 2022. Câest un moment clĂ© pour un pays, qui peut mettre en avant ses prioritĂ©s politiques Ă lâagenda europĂ©en.
Pour assurer la continuitĂ© malgrĂ© ce changement tous les six mois, le systĂšme du « trio de prĂ©sidences » a Ă©tĂ© mis en place. Trois pays qui se succĂšdent (par exemple France-RĂ©publique tchĂšque-SuĂšde) travaillent ensemble sur un programme commun de 18 mois. Cela Ă©vite que chaque pays ne dĂ©fasse ce que le prĂ©cĂ©dent a commencĂ©. Le Conseil de lâUE est assistĂ© par un organe vital mais mĂ©connu : le COREPER (ComitĂ© des reprĂ©sentants permanents). Ce sont les ambassadeurs des Ătats membres auprĂšs de lâUE. Ils prĂ©parent tout le travail en amont. En rĂ©alitĂ©, 90 % des dĂ©cisions sont dĂ©jĂ techniquement actĂ©es par le COREPER avant mĂȘme que les ministres nâarrivent Ă Bruxelles pour lever la main.
đ Le lĂ©gislateur de lâUnion
La mission principale du Conseil de lâUE est lĂ©gislative. Il nĂ©gocie et adopte les actes lĂ©gislatifs (rĂšglements et directives), la plupart du temps en association avec le Parlement europĂ©en. Câest aussi lui qui adopte le budget annuel de lâUE (avec le Parlement). Contrairement au Conseil europĂ©en qui fait de la grande stratĂ©gie, le Conseil de lâUE met les mains dans le cambouis juridique. Il amende les propositions de la Commission, discute chaque virgule, vĂ©rifie que le texte est acceptable pour les administrations nationales. Pour comprendre comment ces textes deviennent des lois, tu peux te rĂ©fĂ©rer Ă lâarticle sur la procĂ©dure lĂ©gislative ordinaire expliquĂ©e.
âïž La mĂ©canique du pouvoir : majoritĂ© qualifiĂ©e et unanimitĂ©
đ La rĂšgle dâor : la majoritĂ© qualifiĂ©e
Comment le Conseil europĂ©en et le Conseil de lâUE prennent-ils leurs dĂ©cisions ? Câest ici que la mĂ©canique devient fascinante et mathĂ©matique. Au sein du Conseil de lâUE, pour la grande majoritĂ© des dossiers (environ 80 % des lois, dont lâagriculture, le marchĂ© unique, lâenvironnement), la rĂšgle est la majoritĂ© qualifiĂ©e. Depuis le TraitĂ© de Lisbonne, on utilise le systĂšme de la « double majoritĂ© ». Pour quâune loi soit adoptĂ©e, elle doit recueillir deux conditions simultanĂ©es : le vote favorable de 55 % des Ătats membres (soit 15 Ătats sur 27) ET ces Ătats doivent reprĂ©senter au moins 65 % de la population totale de lâUE.
Ce systĂšme est redoutable dâefficacitĂ© et dâĂ©quilibre. Il empĂȘche les « gros » pays (Allemagne, France, Italie) dâimposer seuls leur loi aux petits, car il leur faut le soutien dâun nombre suffisant dâĂtats (critĂšre des 55 %). Ă lâinverse, il empĂȘche une coalition de nombreux petits pays de dicter leur volontĂ© sans lâaccord des gĂ©ants dĂ©mographiques (critĂšre des 65 % de la population). Il existe aussi une minoritĂ© de blocage : pour empĂȘcher une dĂ©cision, il faut au moins 4 Ătats membres reprĂ©sentant plus de 35 % de la population. Cela pousse constamment au compromis et Ă la recherche du consensus le plus large possible, mĂȘme si le vote thĂ©orique est possible.
đ Le verrou de lâunanimitĂ©
Cependant, pour les sujets jugĂ©s politiquement trĂšs sensibles et touchant Ă la souverainetĂ© nationale, la rĂšgle de lâunanimitĂ© prĂ©vaut encore. Câest le cas pour la politique Ă©trangĂšre et de sĂ©curitĂ© commune (PESC), la fiscalitĂ©, lâadhĂ©sion de nouveaux membres ou la rĂ©vision des traitĂ©s. Dans ces domaines, chaque Ătat, mĂȘme le plus petit, dispose dâun droit de veto. Cela signifie quâil suffit quâun seul pays dise « non » pour bloquer toute la machine europĂ©enne. On lâa vu rĂ©cemment avec les difficultĂ©s pour imposer des sanctions ou des aides financiĂšres lors de conflits internationaux, oĂč certains Ătats (comme la Hongrie) ont pu utiliser leur veto comme levier de nĂ©gociation.
Au niveau du Conseil europĂ©en (les chefs dâĂtat), la rĂšgle par dĂ©faut est le consensus. On ne vote presque jamais formellement. Les dirigeants discutent jusquâĂ ce quâil nây ait plus dâopposition ouverte. Câest une culture diplomatique hĂ©ritĂ©e de lâhistoire : on Ă©vite dâisoler un chef dâĂtat sur un sujet vital pour son pays. Toutefois, le TraitĂ© de Lisbonne permet dans certains cas prĂ©cis au Conseil europĂ©en de voter Ă la majoritĂ© qualifiĂ©e (par exemple pour Ă©lire son propre prĂ©sident), mais cela reste lâexception. Cette exigence dâunanimitĂ© ou de consensus est souvent critiquĂ©e pour sa lenteur, alimentant les dĂ©bats sur le dĂ©ficit dĂ©mocratique et les rĂ©formes institutionnelles de lâUE.
đ Le rĂŽle lĂ©gislatif : la codĂ©cision avec le Parlement
đ Le ping-pong lĂ©gislatif
Il est fini le temps oĂč le Conseil des ministres dĂ©cidait seul dans son coin. Aujourdâhui, le Conseil de lâUE partage le pouvoir lĂ©gislatif sur un pied dâĂ©galitĂ© avec le Parlement europĂ©en. Câest ce quâon appelle la « procĂ©dure lĂ©gislative ordinaire » (anciennement codĂ©cision). ConcrĂštement, quand la Commission propose un texte, il est envoyĂ© simultanĂ©ment au Conseil (les ministres) et au Parlement (les dĂ©putĂ©s Ă©lus). Les deux institutions doivent se mettre dâaccord sur un texte identique.
Cela donne lieu Ă une « navette » : le Parlement fait une premiĂšre lecture et propose des amendements. Le Conseil examine le texte, accepte ou refuse les amendements du Parlement, et propose sa propre version. Si les dĂ©saccords persistent aprĂšs deux lectures, on convoque un ComitĂ© de conciliation. Câest une rĂ©union de la derniĂšre chance oĂč reprĂ©sentants du Conseil et du Parlement sâenferment jusquâĂ trouver un compromis acceptable pour les deux. Ce systĂšme a considĂ©rablement dĂ©mocratisĂ© lâUE, car les ministres ne peuvent plus ignorer la volontĂ© des reprĂ©sentants Ă©lus directement par les citoyens. Pour voir comment ce pouvoir sâest construit, lâarticle sur le Parlement europĂ©en : dâune assemblĂ©e consultative Ă un vrai pouvoir lĂ©gislatif est une lecture complĂ©mentaire indispensable.
đ La mise en Ćuvre des lois
Une fois la loi votĂ©e par le Conseil de lâUE et le Parlement, elle doit ĂȘtre appliquĂ©e. Dans certains cas spĂ©cifiques, le Conseil conserve un pouvoir dâexĂ©cution, notamment en matiĂšre de politique Ă©trangĂšre ou pour des mesures spĂ©cifiques anti-dumping, mĂȘme si câest gĂ©nĂ©ralement la Commission qui surveille lâapplication des traitĂ©s sous le contrĂŽle de la Cour de justice. Tu peux explorer le rĂŽle de ces gardiens du droit dans lâarticle dĂ©diĂ© Ă la CJUE, BCE et autres institutions : justice, monnaie et contrĂŽle.
đ Gestion des crises et Ă©volution historique
đ De la « Chaise vide » aux crises modernes
Lâhistoire du Conseil est jalonnĂ©e de crises qui ont façonnĂ© son fonctionnement actuel. Lâexemple le plus cĂ©lĂšbre est la politique de la « chaise vide » pratiquĂ©e par le gĂ©nĂ©ral de Gaulle en 1965-1966. Pour sâopposer Ă une rĂ©forme qui introduisait le vote Ă la majoritĂ© qualifiĂ©e (quâil jugeait trop fĂ©dĂ©raliste) et renforçait les pouvoirs du Parlement, la France a boycottĂ© les rĂ©unions du Conseil pendant sept mois. Cette crise sâest rĂ©solue par le « Compromis de Luxembourg » (janvier 1966), un accord politique informel stipulant que si les « intĂ©rĂȘts vitaux » dâun pays sont en jeu, la discussion doit continuer jusquâĂ lâunanimitĂ©, mĂȘme si le vote Ă la majoritĂ© est thĂ©oriquement possible. Ce compromis a longtemps paralysĂ© lâintĂ©gration europĂ©enne, avant dâĂȘtre progressivement abandonnĂ© dans la pratique pour relancer la machine dĂ©cisionnelle.
Plus rĂ©cemment, le Conseil europĂ©en a Ă©tĂ© en premiĂšre ligne face Ă la « polycrise » europĂ©enne. Lors de la crise de la zone euro (2010-2015), câest le Conseil europĂ©en qui, sommet aprĂšs sommet, a mis en place les mĂ©canismes de sauvetage (comme le MES) pour Ă©viter la faillite de la GrĂšce et lâĂ©clatement de la monnaie unique. De mĂȘme, face au Brexit (2016-2020), les 27 chefs dâĂtat ont rĂ©ussi Ă maintenir une unitĂ© remarquable face au Royaume-Uni, dĂ©finissant des lignes directrices claires pour le nĂ©gociateur Michel Barnier. Cette capacitĂ© Ă faire bloc dans la tempĂȘte a renforcĂ© le rĂŽle central du Conseil europĂ©en comme « capitaine du navire ».
đ Les dĂ©fis actuels : Ă©largissement et rĂ©formes
Aujourdâhui, le duo Conseil europĂ©en / Conseil de lâUE fait face Ă un dĂ©fi existentiel : comment fonctionner efficacement Ă 27, et bientĂŽt peut-ĂȘtre Ă 30 ou 35 membres avec les futurs Ă©largissements ? La rĂšgle de lâunanimitĂ© en politique Ă©trangĂšre et fiscale est de plus en plus contestĂ©e, car elle permet Ă des puissances Ă©trangĂšres (comme la Russie ou la Chine) de diviser lâEurope en influençant un seul Ătat membre. Le prĂ©sident français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz ont Ă©voquĂ© la possibilitĂ© de passer Ă la majoritĂ© qualifiĂ©e pour ces sujets, mais cela nĂ©cessite une rĂ©forme des traitĂ©s, ce qui est toujours un processus long et risquĂ©. Câest tout lâenjeu de lâautonomie stratĂ©gique europĂ©enne : ĂȘtre capable de dĂ©cider vite et fort dans un monde instable.
Pour approfondir les aspects géopolitiques et institutionnels, tu peux consulter les ressources pédagogiques de la plateforme Lumni, qui propose des vidéos explicatives trÚs bien faites sur ces mécanismes de décision en temps de crise.
đ§ Ă retenir sur le Conseil europĂ©en et le Conseil de lâUE
- Ne pas confondre avec le Conseil de lâEurope (droits de lâhomme, Strasbourg, hors UE).
- Le Conseil europĂ©en rĂ©unit les chefs dâĂtat et de gouvernement : il dĂ©finit les prioritĂ©s politiques et gĂšre les grandes crises (rĂŽle dâimpulsion).
- Le Conseil de lâUE (ou Conseil des ministres) rĂ©unit les ministres nationaux par thĂ©matique : il vote les lois et le budget (rĂŽle lĂ©gislatif) en codĂ©cision avec le Parlement.
- La prise de dĂ©cision se fait le plus souvent Ă la majoritĂ© qualifiĂ©e (55% des Ătats, 65% de la population), sauf pour la politique Ă©trangĂšre ou la fiscalitĂ© (unanimitĂ©).
â FAQ : Questions frĂ©quentes sur les Conseils de l’UE
𧩠Quelle est la différence entre le Président du Conseil européen et la présidence tournante ?
Le PrĂ©sident du Conseil europĂ©en (actuellement Charles Michel) est une personne Ă©lue pour 2,5 ans qui prĂ©side les sommets des chefs d’Ătat. La prĂ©sidence tournante concerne le Conseil de l’UE (les ministres) et est assurĂ©e par un pays entier (ex: la France, l’Espagne) pour 6 mois, afin d’organiser les rĂ©unions ministĂ©rielles.
𧩠Le Conseil européen peut-il faire des lois ?
Non, juridiquement, le Conseil europĂ©en ne vote pas de lois (rĂšglements ou directives). Il donne des orientations politiques (des « conclusions »). C’est ensuite Ă la Commission de rĂ©diger une proposition de loi, qui sera votĂ©e par le Conseil de l’UE et le Parlement.
đ§© Quâest-ce que le COREPER ?
Le COREPER (ComitĂ© des reprĂ©sentants permanents) est l’assemblĂ©e des ambassadeurs des Ătats membres Ă Bruxelles. Ils prĂ©parent tout le travail des ministres du Conseil de l’UE. C’est un maillon essentiel mais peu visible de la dĂ©cision europĂ©enne.
