đŸ›ïž Histoire et pouvoirs du Parlement europĂ©en : l’ascension dĂ©mocratique

🎯 Pourquoi l’histoire du Parlement europĂ©en est-elle unique ?

L’histoire et les pouvoirs du Parlement europĂ©en reprĂ©sentent une trajectoire politique inĂ©dite dans l’histoire des institutions internationales. Au dĂ©part simple assemblĂ©e consultative composĂ©e de dĂ©lĂ©guĂ©s nationaux sans rĂ©el poids dĂ©cisionnel dans les annĂ©es 1950, cette institution a su conquĂ©rir, traitĂ© aprĂšs traitĂ©, une lĂ©gitimitĂ© dĂ©mocratique et une puissance lĂ©gislative de premier plan. Comprendre cette Ă©volution est indispensable pour saisir comment la dĂ©mocratie tente de s’imposer au niveau supranational, face Ă  la logique diplomatique des États membres. C’est l’histoire d’une conquĂȘte lente mais rĂ©solue, marquĂ©e par des figures emblĂ©matiques comme Simone Veil et des combats institutionnels majeurs.

đŸ—‚ïž Dans cet article, tu vas dĂ©couvrir :

👉 Poursuivons avec le premier chapitre pour bien comprendre le contexte de ce thùme.

🧭 Des origines modestes : l’AssemblĂ©e commune (1952-1979)

📌 Une naissance sous tutelle : l’AssemblĂ©e de la CECA

Pour comprendre l’histoire et les pouvoirs du Parlement europĂ©en, il faut remonter aux origines de la construction communautaire, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Lorsque la CommunautĂ© EuropĂ©enne du Charbon et de l’Acier (CECA) est instituĂ©e par le traitĂ© de Paris en 1951, les pĂšres fondateurs comme Robert Schuman et Jean Monnet imaginent une architecture institutionnelle complexe.

Au cƓur de ce systĂšme se trouve la Haute AutoritĂ© (l’ancĂȘtre de la Commission), qui dĂ©tient le pouvoir exĂ©cutif et supranational. Cependant, pour Ă©viter l’accusation de technocratie absolue, il est dĂ©cidĂ© de crĂ©er une « AssemblĂ©e commune ». Mais attention, ne t’y trompe pas : Ă  cette Ă©poque, nous sommes trĂšs loin d’un parlement au sens moderne du terme. Cette assemblĂ©e, qui se rĂ©unit pour la premiĂšre fois en septembre 1952 Ă  Strasbourg, n’a qu’un rĂŽle purement consultatif et de contrĂŽle a posteriori.

Elle est composĂ©e de 78 dĂ©putĂ©s, mais ces derniers ne sont pas Ă©lus par les citoyens europĂ©ens. Ce sont des parlementaires nationaux, dĂ©signĂ©s par leurs parlements respectifs (AssemblĂ©e nationale française, Bundestag allemand, etc.) pour siĂ©ger Ă  Strasbourg. Ils cumulent donc deux mandats, ce qui limite considĂ©rablement leur disponibilitĂ© et leur implication dans les affaires europĂ©ennes. Leur pouvoir principal rĂ©side dans la possibilitĂ©, trĂšs thĂ©orique Ă  l’Ă©poque, de renverser la Haute AutoritĂ© par une motion de censure votĂ©e Ă  la majoritĂ© des deux tiers. C’est l’embryon du pouvoir de contrĂŽle dĂ©mocratique, mais c’est une arme nuclĂ©aire qu’ils n’utiliseront jamais durant cette pĂ©riode.

📌 Les traitĂ©s de Rome de 1957 : une assemblĂ©e unique pour trois communautĂ©s

En 1957, la signature des traitĂ©s de Rome institue la CommunautĂ© Économique EuropĂ©enne (CEE) et l’Euratom. PlutĂŽt que de crĂ©er trois assemblĂ©es diffĂ©rentes pour la CECA, la CEE et l’Euratom, une convention annexe dĂ©cide de fusionner ces organes en une seule AssemblĂ©e parlementaire europĂ©enne (qui prendra le nom de « Parlement europĂ©en » par une rĂ©solution interne en 1962, bien que ce nom ne soit officialisĂ© par les États qu’en 1986).

Le nombre de dĂ©putĂ©s passe Ă  142. MalgrĂ© cet Ă©largissement, les pouvoirs rĂ©els n’augmentent pas significativement. Le Conseil des ministres (reprĂ©sentant les États) dĂ©tient la totalitĂ© du pouvoir lĂ©gislatif. L’AssemblĂ©e donne des avis, rĂ©dige des rapports, pose des questions, mais elle ne « fait » pas la loi. C’est ce qu’on appelle l’Ăšre de l’assemblĂ©e consultative. Les dĂ©putĂ©s sont des spectateurs Ă©clairĂ©s, parfois critiques, de la construction europĂ©enne, mais ils ne sont pas encore des acteurs dĂ©cisionnels.

Cependant, une dynamique politique intĂ©ressante se met en place dĂšs cette Ă©poque. Au lieu de s’asseoir par dĂ©lĂ©gation nationale (les Français avec les Français, les Italiens avec les Italiens), les membres dĂ©cident dĂšs 1953 de se regrouper par affinitĂ©s politiques. C’est la naissance des groupes politiques transnationaux (ChrĂ©tiens-dĂ©mocrates, Socialistes, LibĂ©raux) qui structurent encore aujourd’hui la vie du Parlement. Pour comprendre comment ces groupes interagissent avec les autres organes, tu peux consulter l’article sur le rĂŽle de la CJUE et des autres institutions qui exercent des contre-pouvoirs diffĂ©rents.

📌 La lutte pour le budget : les prĂ©mices du pouvoir (1970-1975)

Si le pouvoir lĂ©gislatif reste hors de portĂ©e, c’est sur le terrain budgĂ©taire que le Parlement va gagner ses premiers galons. Dans les annĂ©es 1970, le systĂšme de financement de la CEE change. On passe de contributions nationales directes Ă  un systĂšme de ressources propres (droits de douane, prĂ©lĂšvements agricoles, part de la TVA).

La logique dĂ©mocratique impose que si la CommunautĂ© dispose de ses propres ressources, un organe dĂ©mocratique doit en contrĂŽler l’usage. Deux traitĂ©s budgĂ©taires, en 1970 et 1975, accordent au Parlement europĂ©en des pouvoirs croissants en la matiĂšre. Il obtient le « dernier mot » sur les dĂ©penses dites « non obligatoires » (ce qui exclut Ă  l’Ă©poque la PAC, Politique Agricole Commune, qui reprĂ©sente le gros du budget) et, surtout, le droit de rejeter le budget dans son ensemble.

C’est une avancĂ©e majeure. En 1979, peu aprĂšs sa premiĂšre Ă©lection directe, le Parlement n’hĂ©sitera pas Ă  utiliser cette arme en rejetant le budget communautaire pour forcer le Conseil Ă  revoir sa copie. C’est la preuve que l’institution commence Ă  s’Ă©manciper de la tutelle des États membres.

⚙ 1979 : Le tournant du suffrage universel direct

📌 La conquĂȘte de la lĂ©gitimitĂ© dĂ©mocratique

L’annĂ©e 1979 marque une rupture fondamentale dans l’histoire et les pouvoirs du Parlement europĂ©en. Jusqu’alors, les dĂ©putĂ©s Ă©taient nommĂ©s. L’article 138 du traitĂ© de Rome prĂ©voyait pourtant des Ă©lections au suffrage universel direct, mais le Conseil avait longtemps bloquĂ© cette mise en Ɠuvre, craignant de donner trop de poids Ă  une institution supranationale face aux gouvernements nationaux.

Sous la pression des parlementaires et grĂące Ă  l’impulsion du prĂ©sident français ValĂ©ry Giscard d’Estaing et du chancelier allemand Helmut Schmidt, le Conseil europĂ©en finit par accepter le principe de l’Ă©lection directe en 1976. Les premiĂšres Ă©lections ont lieu du 7 au 10 juin 1979. C’est un Ă©vĂ©nement historique : pour la premiĂšre fois dans l’histoire, des citoyens de pays diffĂ©rents Ă©lisent une assemblĂ©e commune au suffrage universel.

Cette Ă©lection change tout, non pas sur le plan juridique immĂ©diat (les traitĂ©s ne sont pas modifiĂ©s Ă  cet instant), mais sur le plan politique. Les dĂ©putĂ©s ne sont plus des envoyĂ©s de second rang ; ils sont les reprĂ©sentants directs des peuples europĂ©ens. Ils tirent de cette Ă©lection une lĂ©gitimitĂ© nouvelle pour exiger plus de pouvoirs. C’est un argument central pour combler ce que l’on commence Ă  appeler le dĂ©ficit dĂ©mocratique et les rĂ©formes institutionnelles de l’UE.

📌 Simone Veil, une prĂ©sidente symbole

Lors de la session constitutive de juillet 1979, le nouveau Parlement Ă©lit Ă  sa prĂ©sidence une figure emblĂ©matique : Simone Veil. RescapĂ©e de la Shoah, ancienne ministre de la SantĂ© en France (connue pour la loi sur l’IVG), elle incarne Ă  la fois la rĂ©conciliation franco-allemande, la modernitĂ© et la conscience morale de l’Europe.

Son Ă©lection donne une visibilitĂ© mĂ©diatique sans prĂ©cĂ©dent Ă  l’institution. Dans son discours d’investiture, elle affirme clairement l’ambition du Parlement : ne plus se contenter d’Ă©mettre des avis, mais participer pleinement Ă  la construction europĂ©enne. Elle dĂ©clare : « L’Europe que nous voulons construire doit ĂȘtre une Europe de la solidaritĂ©, de la libertĂ© et de la paix. » Sous sa prĂ©sidence, le Parlement va multiplier les initiatives pour s’imposer face au Conseil et Ă  la Commission, notamment en utilisant activement les questions Ă©crites et orales pour contrĂŽler l’exĂ©cutif. Tu peux en apprendre davantage sur l’exĂ©cutif en consultant l’article sur la Commission europĂ©enne : rĂŽle, pouvoirs et Ă©volutions.

📌 L’arrĂȘt « Isoglucose » : la Cour de justice Ă  la rescousse

L’histoire des pouvoirs du Parlement n’est pas faite que de discours, elle est aussi juridique. En 1980, un arrĂȘt de la Cour de Justice des CommunautĂ©s EuropĂ©ennes (CJCE, aujourd’hui CJUE) vient renforcer considĂ©rablement la position du Parlement. C’est l’arrĂȘt dit « Isoglucose » (affaires Roquette FrĂšres c/ Conseil).

Dans cette affaire, le Conseil avait adoptĂ© un rĂšglement sans attendre l’avis officiel du Parlement, pressĂ© par le temps. La Cour annule le rĂšglement, affirmant que la consultation du Parlement est une « formalitĂ© substantielle » qui reflĂšte un « principe dĂ©mocratique fondamental ». ConcrĂštement, cela signifie que mĂȘme si le Conseil a le dernier mot (Ă  l’Ă©poque), il ne peut pas lĂ©gifĂ©rer sans avoir reçu et Ă©coutĂ© l’avis des Ă©lus. Cela donne au Parlement un pouvoir de retardement et de nuisance politique s’il n’est pas respectĂ©. C’est une premiĂšre victoire majeure dans le bras de fer interinstitutionnel.

📜 De l’Acte unique Ă  Maastricht : la conquĂȘte du lĂ©gislatif

📌 L’Acte unique europĂ©en (1986) : la procĂ©dure de coopĂ©ration

Le milieu des annĂ©es 1980 voit une relance de l’intĂ©gration europĂ©enne avec le projet du grand marchĂ© intĂ©rieur, portĂ© par Jacques Delors. Pour rĂ©aliser ce marchĂ© unique, il faut lĂ©gifĂ©rer massivement et rapidement. Le traitĂ© de l’Acte unique europĂ©en, signĂ© en 1986, rĂ©forme les institutions pour faciliter ce processus.

Pour le Parlement, c’est l’introduction de la procĂ©dure de coopĂ©ration. Ce n’est pas encore de la codĂ©cision, mais c’est un pas en avant. DĂ©sormais, dans certains domaines liĂ©s au marchĂ© intĂ©rieur, le Parlement peut amender les textes du Conseil. Si le Parlement rejette une position du Conseil, ce dernier ne peut passer outre qu’Ă  l’unanimitĂ©. Cela oblige le Conseil Ă  prendre au sĂ©rieux les amendements des eurodĂ©putĂ©s pour Ă©viter les blocages.

De plus, l’Acte unique introduit la procĂ©dure d’avis conforme (aujourd’hui appelĂ©e approbation) pour les traitĂ©s d’adhĂ©sion de nouveaux membres et les accords d’association. Le Parlement acquiert ainsi un droit de veto sur l’Ă©largissement de l’Union. Il ne peut pas modifier le traitĂ© d’adhĂ©sion, mais il peut dire « oui » ou « non ». C’est un levier diplomatique puissant.

📌 Le traitĂ© de Maastricht (1992) : la naissance de la codĂ©cision

Le traitĂ© de Maastricht, signĂ© en 1992, crĂ©e l’Union europĂ©enne et instaure la citoyennetĂ© europĂ©enne. Sur le plan institutionnel, c’est une rĂ©volution pour le Parlement avec la crĂ©ation de la procĂ©dure de codĂ©cision (article 189 B du traitĂ©). Pour la premiĂšre fois, le Parlement est placĂ© sur un pied d’Ă©galitĂ© avec le Conseil dans certains domaines prĂ©cis (protection des consommateurs, santĂ©, Ă©ducation, rĂ©seaux transeuropĂ©ens).

En codĂ©cision, si le Parlement et le Conseil ne tombent pas d’accord aprĂšs deux lectures, un comitĂ© de conciliation est convoquĂ© pour trouver un compromis. Si aucun compromis n’est trouvĂ©, le texte est rejetĂ©. Le Conseil ne peut plus imposer sa volontĂ© unilatĂ©ralement. Le Parlement devient un vĂ©ritable co-lĂ©gislateur. C’est le dĂ©but de la fin du « dĂ©ficit dĂ©mocratique » lĂ©gislatif, mĂȘme si cette procĂ©dure ne couvre pas encore tous les domaines (l’agriculture et la fiscalitĂ© restent exclus).

Maastricht renforce Ă©galement le rĂŽle politique du Parlement : il est dĂ©sormais consultĂ© sur la nomination du prĂ©sident de la Commission et doit voter l’investiture du collĂšge des commissaires dans son ensemble. La durĂ©e du mandat de la Commission est alignĂ©e sur celle du Parlement (5 ans) pour politiser davantage la relation entre les deux institutions.

📌 L’affirmation des commissions parlementaires temporaires

Au-delĂ  des textes lĂ©gislatifs, le Parlement utilise ses pouvoirs d’enquĂȘte pour peser sur l’actualitĂ©. Dans les annĂ©es 1990, il met en place des commissions temporaires d’enquĂȘte sur des sujets sensibles, comme la crise de la « vache folle » (ESB) en 1996-1997. Le rapport de cette commission est accablant pour la gestion de la crise par la Commission europĂ©enne et les États membres.

En menaçant la Commission d’une motion de censure suite Ă  ce rapport, le Parlement force l’exĂ©cutif Ă  rĂ©organiser radicalement ses services de sĂ©curitĂ© sanitaire. Cet Ă©pisode dĂ©montre que le Parlement peut utiliser son pouvoir de contrĂŽle pour imposer des rĂ©formes administratives profondes et protĂ©ger directement les citoyens europĂ©ens. C’est une dĂ©monstration de force qui prĂ©pare le terrain pour la crise majeure de 1999.

🎹 Amsterdam et Nice : l’affirmation du pouvoir de contrĂŽle

📌 La chute de la Commission Santer (1999)

L’annĂ©e 1999 restera gravĂ©e comme le moment oĂč le Parlement europĂ©en a fait tomber un gouvernement europĂ©en. La Commission prĂ©sidĂ©e par le Luxembourgeois Jacques Santer est visĂ©e par des accusations de mauvaise gestion, de favoritisme et de fraude (notamment autour du commissaire français Édith Cresson).

Le Parlement, utilisant son pouvoir de contrĂŽle budgĂ©taire, refuse de donner quitus Ă  la Commission pour l’exĂ©cution du budget 1996. Face Ă  la menace imminente d’une motion de censure que le Parlement s’apprĂȘte Ă  voter Ă  une trĂšs large majoritĂ©, le collĂšge des commissaires dĂ©missionne collectivement dans la nuit du 15 au 16 mars 1999. C’est un sĂ©isme politique. Le Parlement prouve qu’il n’est plus un « tigre de papier ». Il dĂ©tient le pouvoir de vie et de mort sur l’exĂ©cutif europĂ©en. Depuis cet Ă©vĂ©nement, la Commission est extrĂȘmement attentive aux demandes des eurodĂ©putĂ©s.

📌 Le traitĂ© d’Amsterdam (1997) : extension de la codĂ©cision

Le traitĂ© d’Amsterdam, entrĂ© en vigueur en 1999, simplifie considĂ©rablement la procĂ©dure de codĂ©cision et en Ă©tend le champ d’application. De nombreux domaines qui relevaient de la simple consultation ou de la coopĂ©ration basculent dans la codĂ©cision : environnement, transports, social, lutte contre la fraude. La procĂ©dure de coopĂ©ration de 1986 est quasiment abandonnĂ©e au profit de la codĂ©cision, beaucoup plus favorable au Parlement.

De plus, Amsterdam renforce le pouvoir du Parlement dans la nomination du prĂ©sident de la Commission. Auparavant simple « consultation », le vote du Parlement devient une « approbation » formelle. Cela permet aux dĂ©putĂ©s de refuser un candidat proposĂ© par le Conseil europĂ©en s’il ne leur convient pas politiquement.

📌 Le traitĂ© de Nice (2001) et la Charte des droits fondamentaux

Le traitĂ© de Nice, souvent critiquĂ© pour sa complexitĂ© technique sur la pondĂ©ration des voix au Conseil, apporte nĂ©anmoins des avancĂ©es pour le Parlement. Il Ă©tend encore la codĂ©cision et permet au Parlement de saisir la Cour de Justice (CJUE) dans les mĂȘmes conditions que les autres institutions. Avant Nice, le Parlement devait prouver que ses propres prĂ©rogatives Ă©taient menacĂ©es pour aller en justice ; dĂ©sormais, il peut agir pour dĂ©fendre l’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et le respect des traitĂ©s.

ParallĂšlement, une convention composĂ©e notamment de parlementaires rĂ©dige la Charte des droits fondamentaux de l’Union europĂ©enne, proclamĂ©e Ă  Nice en 2000. MĂȘme si elle n’a pas force contraignante immĂ©diate (elle l’aura avec Lisbonne), cette Charte symbolise la volontĂ© du Parlement de placer les droits des citoyens au-dessus des logiques Ă©conomiques. Pour comprendre comment ces textes sont Ă©laborĂ©s, je te conseille de lire l’article dĂ©taillĂ© : Comment se fabrique la loi en Europe ? La procĂ©dure lĂ©gislative ordinaire expliquĂ©e.

🌍 Le traitĂ© de Lisbonne : la maturitĂ© institutionnelle

📌 La gĂ©nĂ©ralisation de la « ProcĂ©dure LĂ©gislative Ordinaire »

Le traitĂ© de Lisbonne, entrĂ© en vigueur le 1er dĂ©cembre 2009, est l’aboutissement de cette longue marche vers le pouvoir. Il consacre le Parlement europĂ©en comme l’Ă©gal du Conseil dans la quasi-totalitĂ© des domaines lĂ©gislatifs. L’ancienne « procĂ©dure de codĂ©cision » est rebaptisĂ©e « procĂ©dure lĂ©gislative ordinaire ». Les mots ont un sens : ce qui Ă©tait l’exception devient la norme.

DĂ©sormais, plus de 90% des lois europĂ©ennes sont adoptĂ©es conjointement par le Parlement et le Conseil de l’UE (reprĂ©sentant les ministres). Cela inclut l’agriculture (fin du pouvoir exclusif du Conseil sur la PAC), la justice, la sĂ©curitĂ©, l’immigration et le commerce international. Le Parlement a un droit de veto sur tous les accords internationaux commerciaux (comme le CETA ou les accords post-Brexit).

Pour en savoir plus sur l’interaction prĂ©cise entre ces deux chambres lĂ©gislatives, consulte l’article sur le Conseil europĂ©en et Conseil de l’UE : qui dĂ©cide quoi ?.

📌 La paritĂ© budgĂ©taire totale

Lisbonne met fin Ă  la vieille distinction entre dĂ©penses « obligatoires » et « non obligatoires ». Le Parlement obtient une Ă©galitĂ© parfaite avec le Conseil sur l’ensemble du budget annuel de l’UE. Il n’a plus seulement le dernier mot sur une petite partie, mais doit approuver l’ensemble des dĂ©penses. Cela lui donne un levier colossal pour influencer les politiques de l’Union, car sans budget votĂ©, l’Union s’arrĂȘte.

Cependant, le Parlement reste exclu du volet « recettes » (le cadre financier pluriannuel), qui nĂ©cessite toujours l’unanimitĂ© des États membres. C’est l’un des derniers bastions de la souverainetĂ© nationale fiscale que le Parlement cherche encore Ă  percer aujourd’hui.

📌 L’Ă©lection du prĂ©sident de la Commission : les « Spitzenkandidaten »

Le traitĂ© de Lisbonne dispose que le Conseil europĂ©en doit proposer un candidat Ă  la prĂ©sidence de la Commission « en tenant compte des Ă©lections au Parlement europĂ©en ». Les partis politiques europĂ©ens ont saisi cette phrase pour inventer le systĂšme des Spitzenkandidaten (tĂȘtes de liste) en 2014.

L’idĂ©e est simple : chaque famille politique europĂ©enne dĂ©signe un chef de file avant les Ă©lections. Le candidat du parti arrivĂ© en tĂȘte doit logiquement devenir prĂ©sident de la Commission. C’est ainsi que Jean-Claude Juncker (PPE) a Ă©tĂ© Ă©lu en 2014, imposĂ© par le Parlement aux chefs d’État qui Ă©taient rĂ©ticents. En 2019, le systĂšme a Ă©tĂ© contournĂ© par le Conseil qui a choisi Ursula von der Leyen (qui n’Ă©tait pas tĂȘte de liste), mais le Parlement a tout de mĂȘme dĂ» valider son choix par un vote serrĂ©, rappelant que rien ne se fait sans son aval.

đŸ€ Fonctionnement actuel et dĂ©fis dĂ©mocratiques

📌 Strasbourg vs Bruxelles : la querelle du siùge

Un aspect curieux et souvent critiquĂ© de l’histoire du Parlement est sa « transhumance » mensuelle. Les traitĂ©s fixent le siĂšge officiel du Parlement Ă  Strasbourg, oĂč se tiennent les sessions plĂ©niĂšres 12 fois par an. Mais le travail en commissions et les mini-sessions se font Ă  Bruxelles, pour ĂȘtre prĂšs de la Commission et du Conseil. Le secrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral, lui, est en partie Ă  Luxembourg.

Cette situation coĂ»teuse et complexe est le fruit d’un compromis historique entre la France (qui tient Ă  Strasbourg comme symbole de rĂ©conciliation) et les autres États. Une grande majoritĂ© des eurodĂ©putĂ©s souhaiterait un siĂšge unique Ă  Bruxelles pour plus d’efficacitĂ©, mais seul un changement de traitĂ© Ă  l’unanimitĂ© des États pourrait modifier cela, et la France y oppose son veto. C’est un sujet de tension rĂ©current qui alimente les critiques des eurosceptiques.

📌 Le poids des lobbies et la transparence

Avec l’accroissement des pouvoirs du Parlement, les groupes de pression (lobbies) ont massivement investi Bruxelles et Strasbourg. Puisque les dĂ©putĂ©s Ă©crivent la loi, il est crucial pour les industriels, les ONG et les syndicats de les influencer. On estime Ă  plus de 12 000 le nombre de lobbyistes enregistrĂ©s.

Face aux scandales (comme le « Qatargate » en 2022), le Parlement a dĂ» renforcer ses rĂšgles de transparence et d’Ă©thique. Un registre de transparence est obligatoire pour rencontrer les dĂ©putĂ©s rapporteurs, et les rĂšgles sur les conflits d’intĂ©rĂȘts ont Ă©tĂ© durcies. C’est un dĂ©fi permanent pour maintenir la confiance des citoyens envers leur institution reprĂ©sentative.

📌 Vers un droit d’initiative lĂ©gislative ?

C’est le dernier grand combat institutionnel. Aujourd’hui, la Commission europĂ©enne dĂ©tient le monopole de l’initiative lĂ©gislative (c’est elle qui propose les lois). Le Parlement peut demander Ă  la Commission de proposer un texte (article 225 TFUE), mais la Commission n’est pas obligĂ©e de s’exĂ©cuter (bien qu’elle doive justifier son refus).

Les eurodĂ©putĂ©s rĂ©clament un vĂ©ritable droit d’initiative directe, comme dans les parlements nationaux. Ils estiment que la seule institution Ă©lue directement devrait pouvoir proposer des lois de son propre chef. Cette rĂ©forme nĂ©cessiterait une rĂ©vision des traitĂ©s, ce qui est politiquement complexe dans le contexte actuel de montĂ©e des nationalismes.

🧠 À retenir sur l’histoire et les pouvoirs du Parlement europĂ©en

  • Le Parlement a dĂ©butĂ© en 1952 comme une simple assemblĂ©e consultative (AssemblĂ©e commune de la CECA) sans pouvoir de dĂ©cision.
  • L’Ă©lection au suffrage universel direct en 1979 est le tournant majeur qui lui donne sa lĂ©gitimitĂ© dĂ©mocratique face au Conseil.
  • Le traitĂ© de Lisbonne (2009) consacre le Parlement comme co-lĂ©gislateur Ă  part entiĂšre via la procĂ©dure lĂ©gislative ordinaire.
  • Aujourd’hui, il vote le budget, Ă©lit le prĂ©sident de la Commission et contrĂŽle l’exĂ©cutif, mais rĂ©clame encore le droit d’initiative lĂ©gislative.

❓ FAQ : Questions frĂ©quentes sur le Parlement europĂ©en

đŸ§© Quelle est la diffĂ©rence entre le Parlement europĂ©en et le Conseil de l’Europe ?

Ce sont deux organisations distinctes. Le Parlement europĂ©en est une institution de l’Union europĂ©enne (27 pays) qui vote des lois. Le Conseil de l’Europe (46 pays) est une organisation internationale qui dĂ©fend les droits de l’homme (via la Cour EDH) mais ne produit pas de lois pour l’UE.

đŸ§© Combien y a-t-il de dĂ©putĂ©s europĂ©ens ?

Le nombre de députés évolue selon les traités et les adhésions/départs (Brexit). Actuellement, il y a 720 députés (nombre fixé pour la législature 2024-2029). Ils sont répartis selon la « dégressivité proportionnelle » : les petits pays ont plus de députés par habitant que les grands.

đŸ§© Le Parlement europĂ©en peut-il crĂ©er des lois seul ?

Non. Dans la procĂ©dure lĂ©gislative ordinaire, il doit toujours se mettre d’accord avec le Conseil de l’UE (les ministres des États membres). De plus, il ne possĂšde pas (encore) le droit d’initiative : il ne peut que modifier ou rejeter les propositions de la Commission.

đŸ§© Quiz – Histoire et pouvoirs du Parlement europĂ©en

1. En quelle année ont eu lieu les premiÚres élections du Parlement européen au suffrage universel direct ?



2. Qui fut la premiÚre présidente élue du Parlement européen en 1979 ?



3. Quelle institution partage le pouvoir législatif avec le Parlement ?



4. Comment s’appelait l’ancĂȘtre du Parlement créé en 1952 ?



5. Quel traitĂ© a introduit la procĂ©dure de codĂ©cision (aujourd’hui procĂ©dure ordinaire) ?



6. OĂč se trouve le siĂšge officiel du Parlement pour les sessions plĂ©niĂšres ?



7. Quel pouvoir le Parlement a-t-il utilisé pour faire démissionner la Commission Santer en 1999 ?



8. Comment sont regroupĂ©s les dĂ©putĂ©s dans l’hĂ©micycle ?



9. Quelle institution dĂ©tient le monopole de l’initiative lĂ©gislative (proposer les lois) ?



10. Que signifie le terme « Spitzenkandidat » ?



11. Quelle majorité est requise pour voter une motion de censure contre la Commission ?



12. Quel traité a donné au Parlement une égalité totale avec le Conseil sur le budget ?



13. Avant 1979, comment étaient désignés les eurodéputés ?



14. Quel est le rÎle du « Médiateur européen », élu par le Parlement ?



15. Quel accord le Parlement doit-il obligatoirement approuver pour qu’il entre en vigueur ?



16. Quel arrĂȘt de la CJCE en 1980 a renforcĂ© le pouvoir de consultation du Parlement ?



17. Quelle est la durĂ©e du mandat d’un eurodĂ©putĂ© ?



18. En 2024, quel groupe politique était le plus important au Parlement ?



19. Quelle ville n’accueille AUCUNE activitĂ© du Parlement europĂ©en ?



20. Que permet la procĂ©dure d’approbation (ancien avis conforme) ?



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